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Être journaliste en Syrie «c’est comme marcher sur un champ de mines»

Le photo-journaliste canadien Ali Mustapha assassiné en 2014 à proximité d'Alep. Auteur: DC Protests  (CC BY-NC-SA 2.0)

Le photojournaliste canadien Ali Mustapha assassiné en 2014 à proximité d’Alep. Auteur: DC Protests (CC BY-NC-SA 2.0)

Témoignages exclusifs de reporters de guerre syriens

Il est de plus en plus difficile de couvrir le conflit qui s’envenime en Syrie, pays à feu et à sang considéré par Reporters sans frontières comme le plus dangereux au monde pour les journalistes et les citoyens-journalistes. Voix d’Exils a réussi à entrer en contact avec quelques reporters de guerre syriens pour recueillir leurs témoignages à propos de leur travail au quotidien*. Immersion dans les coulisses des médias de l’État Syrien.

Avant le soulèvement contre le régime de Bachar el-Assad en 2011, Mazen Darwish, Président du Centre syrien des médias et de la liberté d’expression (SCM), avait décrit son travail en tant que journaliste en Syrie de la manière suivante : «quand vous êtes journaliste en Syrie, c’est comme si vous marchez sur un champ de mines». Cette situation était celle de dizaines de journalistes syriens qui dura pendant plusieurs décennies caractérisées par un droit d’expression largement bafoué et un harcèlement sans répit des services secrets à leur égard. Leur quotidien était marqué par la peur au ventre de se retrouver, un jour, sujet d’une arrestation et d’accusations montées de toutes pièces. Tout dépendait, en fait, de l’humeur du corps responsable de la surveillance et du contrôle de l’information et des services de sûreté du régime syrien. Cette situation a eu, bien entendu, des conséquences néfastes sur la qualité de l’écriture journalistique: on voyait les mêmes communiqués de presse et les mêmes sujets, les mêmes approches voire les mêmes titres dans Al Ba’athALThawra et Tishreen, les trois journaux officiels du gouvernement qui sont totalement contrôlés par l’Agence Arabe syrienne d’Information (SANA), qui était l’unique source incontournable pour les informations politiques.

La journaliste japonaise Mika Yamamoto assassinée en Syrie en août 2012. Son image est projetée sur un écran à Tokyo. Auteur Robert Huffsutter. (CC BY 2.0)

La journaliste japonaise Mika Yamamoto assassinée en Syrie en août 2012. Son image est projetée sur un écran à Tokyo. Auteur Robert Huffsutter (CC BY 2.0)

Les journalistes étaient devenus, au début de la crise en Syrie, la cible privilégiée de l’armée syrienne qui tentait de les empêcher de couvrir les manifestations anti-régime. Actuellement, les journalistes étrangers et syriens se trouvent pris entre le marteau de l’armée et l’enclume des groupes armées; et il est aujourd’hui facile de distinguer deux catégories de média en Syrie: ceux du régime et ceux de la révolution et des groupes armés.

Le contrôle de l’information a pris de l’ampleur dans tous les domaines: il touche presque tous les niveaux et les régions qu’elles soient dominées par l’armée du régime syrienne ou par les rebelles. La couverture des événements devient alors très dangereuse. Les correspondants de guerre sont continuellement exposés au risque d’enlèvements et de mort. Ce danger a encore augmenté avec l’émergence des groupes extrémistes comme celui de l’État Islamique en Irak et dans le al-Sham (Daesh) qui considèrent les journalistes comme une monnaie d’échange. Pour Christophe Deloire, Secrétaire général de Reporters sans frontières, réagissant à la décapitation de Steven Sotloff par l’État Islamique en septembre 2014, il s’agit d’un «crime de guerre effarant, ignoble et dément qui devrait être condamné par la justice internationale». La conséquence désastreuse de cette situation est qu’il «n’est plus possible de couvrir les conflits dans les régions qui sont sous le contrôle de Daesh». Dès lors, il ne reste pour les journalistes que les sources d’information indirectes avec le risque de manipuler les vérités et de changer ainsi le déroulement des événements.»

Les journalistes : «un bataillon de l’armée»

En Syrie, les médias sont complètement régis par l’État. Lors d’une interview du journal syrien Al-Watan, en date du 27 juillet 2014, Le ministre syrien de l’information – Omran El Zohbi – a indiqué que «les médias sont en principe tenus de garder la neutralité». Mais il précise que «maintenant, en état de guerre, nous ne sommes certainement pas neutres! Nous faisons partie de l’État et soutenons nos forces armées. D’ailleurs, je l’ai toujours dit (aux journalistes ndlr) de se considérer comme un bataillon de l’armée et nous avons, au niveau du gouvernement, œuvré et agi sur cette base.»

Bothaina**, journaliste syrienne, confirme les propos du ministre et précise que «nous formons, en fait, un même bloc avec les forces armées. En leur présence, nous ne sentons pas la peur!». Elle explique que «les membres de l’armée sont soit l’un de nos proches ou l’un des habitants de notre ville. Raison pour laquelle, nous nous sentons en sécurité en compagnie des fils de notre pays.» La couverture des nouvelles se limite aux zones pro-régime dans le but de «documenter le travail de l’armée». Elle affirme néanmoins que «les journalistes arrivent à relater les choses avec assez de transparence.»

Ali**, également journaliste syrien, mentionne que «la plupart des batailles sont couvertes par les correspondants de guerre des chaînes de l’État qui accompagnent les opérations de l’armée syrienne et qui deviennent, ainsi, une cible de la partie adverse». Il ajoute que «les sujets sont systématiquement contrôlés par les chefs de rédaction en service. Pour les évènements les plus importants, c’est le directeur de la chaîne qui effectue en personne ce contrôle. Les reportages sur le terrain sont eux gérés directement par l’organe politique responsable du média de l’armée qui supervise le contenu et jouit de tous les droits pour refuser ou accepter telle ou telle séquence».

Une femme se tient das les débris de sa maison qui a été détruite par l'Armée syrienne à Al-Qsair. Auteur: freedonhouse (CC BY 2.0)

Une femme se tient das les débris de sa maison qui a été détruite par l’Armée syrienne à Al-Qsair. Auteur: freedonmhouse (CC BY 2.0)

Pour les zones sous le contrôle de l’opposition et des rebelles, il est difficile pour les chaînes de l’État d’y accéder, de couvrir les évènements sur le terrain et de s’y documenter. «Le travail des médias d’État reste, par conséquent, concentré sur ce qui pourrait ternir l’image de l’opposition et des résistants aux yeux de l’opinion publique».

Selon Bothaina «Il y a toujours une certaine liberté et les massacres perpétrés dans les zones pro-régime sont assez bien couvertes avec une très bonne documentation. Cela diffère beaucoup avec les zones de l’opposition. Pour les médias syriens, les attaques de l’armée visent uniquement les rebelles et non pas les civils. C’est une des lignes rouges qu’il ne faut pas dépasser!» précise-t-elle. Elle mentionne également que les pertes de l’armée ne sont pas du tout relatées dans les médias. La raison étant d’éviter de saper le moral de l’opinion publique et d’augmenter ainsi la crainte de la population. Pour elle, cette réticence à couvrir objectivement les différents évènements dans le pays fait perdre les médias en crédibilité «On ne parle pas du tout des défaites de l’armée ni des territoires tombés dans les mains des rebelles. On ne parle même pas des difficultés rencontrées au quotidien par les citoyens par peur de remonter l’opinion publique face à l’incapacité du gouvernement» martèle-t-elle.

Des membres des rebelles syriens en février 2012 à al-Qsair. Auteur: Freedom House (CC BY 2.0)

Des membres des rebelles syriens en février 2012 à al-Qsair. Auteur: Freedom House (CC BY 2.0)

«Des vidéos appellent à notre assassinat»

Selon Bothaina, la douleur pour les correspondants de guerre travaillant pour les médias syriens est double: voir, d’un côté, leur propre pays vivre de tels évènements et vivre, de l’autre, un manque immense de reconnaissance à leur égard en voyant, par exemple, leur propre média accorder davantage d’importance aux correspondants étrangers pour la couverture des événements sur le terrain, ce qui les démotive considérablement. Au début de la crise, «l’enthousiasme était le premier motif pour aller sur le terrain sans aucune idée du danger qui nous attendait» précise Bothaina, qui pense que les journalistes syriens «ont pu, quand même, acquérir de l’expérience sur le tas et bénéficier de l’expérience des correspondants étrangers présents sur le terrain». Elle souligne que les journalistes sont «exposés, sur le terrain, à deux types de risques : le manque de formation et la médiocrité des équipements techniques et de protections comme le casque et le gilet pare-balles». Elle ajoute que «malgré tous les obstacles et les sérieuses menaces qui les guettent, les journalistes arrivent à produire une bonne qualité d’information».

Dans les zones contrôlées par les groupes extrémistes, les correspondants de guerre deviennent malheureusement le sujet des nouvelles à la place d’en être la source. Ils se transforment donc après leur capture en un butin précieux.

Bothaina a à plusieurs reprises failli compter parmi les victimes du conflit syrien. En octobre 2012, elle était en mission pour couvrir la visite d’observateurs étrangers dans un territoire sous contrôle des rebelles. Cette mission aurait pu tourner au vinaigre lorsque les rebelles avaient appris que Bothaina et son équipe appartenaient à une chaîne pro-régime: «insultes, accusations et appels pour nous tuer ont alors fusé». Une manifestation s’est vite constituée réclamant notre condamnation ! Heureusement, un homme armé faisant partie des leurs est intervenu et a pu convaincre ses camarades de respecter les visiteurs et de montrer ainsi une meilleure image devant les médias internationaux ; geste qui nous a permis, ce jour-là, de sortir sains et saufs de la foule». Elle ajoute que «les menaces sont devenues presque quotidiennes et se propagent à travers divers moyens de communication comme: les mails, les appels et les SMS. Même des pages Internet annonçant l’arrivée de notre dernière heure existent! À tel point que l’on peut même facilement visionner sur Youtube des séquences vidéo appelant à votre assassinat!» s’exclame-t-elle.

Des rebelles syriens observent les positons ennemies en octobre 2012 à proximité d'Alep. Auteur: Freedom House (CC BY 2.0)

Des rebelles syriens observent les positons ennemies en octobre 2012 à proximité d’Alep. Auteur: Freedom House (CC BY 2.0)

«Notre mission est très dangereuse» affirme Bothaina, qui précise que «la chance joue, parfois, un grand rôle». C’est ainsi qu’elle a failli laisser sa peau lors de la couverture d’événements se déroulant à proximité de Homs: «j’ai couru 50 mètres sous les tirs des snipers. Les éclats frappaient ma tête et mon corps. Je saignais de partout comme si je baignais dans mon sang de la tête aux pieds. Deux militaires m’accompagnaient et assuraient ma protection. J’ai commencé à crier lorsque l’un d’eux a été blessé. Heureusement, nous avons pu nous en tirer». Elle enchaîne en ajoutant que «lorsque nous avons terminé notre mission, je me suis installée dans une autre voiture que mon véhicule professionnel et, à ma grande surprise, j’ai vu le siège que j’utilisais habituellement soudainement criblé de balles tirées par les snipers. Ce jour-là, la chance était avec moi une deuxième fois» soupire-t-elle.

Pour résumer son propos, Bothaina compare son quotidien de correspondante de guerre en Syrie à une personne morte à la recherche d’une preuve qu’elle est encore en vie. Une course permanente avec la mort!

*Le déroulement de certains événements a été légèrement modifié afin de protéger nos sources d’informations

** Noms d’emprunts

Amra

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Bilan des journalistes victimes du conflit syrien depuis 2011

43 journalistes assassinés

13 journalistes emprisonnés

17 net-citoyens emprisonnés

130 net-citoyens et citoyens-journalistes tués

Source: Reporters sans frontières

Une liste exhaustive des journalistes assassinés en Syrie peut être consultée en cliquant ici




Un cadeau de Noël gratuit, solidaire et écologique: un abonnement à Voix d’Exils !

Joyeuses fêtes ! Photo : Francis Ledoux (CC BY-NC-ND 2.0)

Joyeuses fêtes ! Photo : Francis Ledoux (CC BY-NC-ND 2.0)

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Omar Odermatt

Responsable du blog Voix d’Exils




Un mur fort de pierres sèches

Les murs de pierres sèches aux Vieux-Prés (Val-de-Ruz). Auteur: Rami Ibrahim, membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d'Exils.

Les murs de pierres sèches aux Vieux-Prés (Val-de-Ruz). Auteur: Rami Ibrahim, membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils.

Au début, je ne pensais pas que j’allais travailler plus de trois jours. Tout ce que je recherchais c’était une expérience et un peu d’exercice physique. Personne ne m’avait prévenu que ce serait une aventure sans fin!

Quand ils nous ont dit que la tâche de notre groupe était de construire 45 mètres de mur, je n’en avais pas cru mes oreilles, car j’avais compris que ce serait 45 km. Je me suis alors demandé quelle était la cause de ce malentendu? Pourquoi j’avais commis cette erreur de compréhension?

Une erreur de traduction

Étant la personne qui est en charge des traductions pour les autres demandeurs d’asile arabophones sur le site, mon erreur de traduction a été transmise à d’autres personnes provenant de Syrie. Ces derniers n’avaient pas été surpris mais, par contre, ils l’ont été quand j’ai corrigé mes propos et les ai informés, qu’en réalité, il s’agissait de la construction d’un mur à raison de trois mètres par jour qui nécessitait le travail d’une dizaine de personnes. En Syrie, ce sont deux ou trois membres d’une famille qui s’occupent d’ériger un mur de 45 mètres, et ils l’achèvent normalement pendant les congés ou des weekends, quand ils n’ont pas de travaux principaux. Selon Monsieur Alban Carron, l’architecte qui a mené notre équipe au cours de la construction du mur, une personne suisse s’attend aussi à ce que plus de 45 mètres de mur puissent être réalisés en trois semaines de travail par une équipe de 9 personnes. Monsieur Carron a parlé d’une tendance de nos jours de faire les choses de façon expéditive en Suisse «C’est un travail qui est un petit peu hors du temps. C’est-à-dire, qu’aujourd’hui, en Suisse et dans les pays européens, on pousse à la productivité, on pousse à la performance: il faut toujours faire plus vite… plus vite… plus vite. Avec la pierre: on ne peut pas courir. C’est lourd, c’est lent, c’est pénible… C’est une pierre après l’autre.»

En effet, ces trois mètres de mur par jour représentaient beaucoup de travail pénible et minutieux que nous avions de la peine à accomplir.

Des murs mésestimés

Plus j’apprenais de détails sur le projet, plus il m’intéressait et piquait ma curiosité. C’était la même sorte de mur que j’avais vu dans la campagne syrienne à chaque fois que je rendais visite à mes grands-parents. Issu d’un milieu urbain, j’avais l’habitude de mésestimer ces murs. Je ne comprenais pas les reproches que m’adressait ma grand-mère lorsque je grimpais dessus. Je ne comprenais pas non plus l’importance des efforts fournis par mon grand-père pour restaurer les quelques pierres qui s’étaient détachées ce, malgré les obstacles tels que la charge pour une jambe abimée, la vieillesse et la lourdeur des pierres. Je dirais que plus j’en savais sur ces murs, plus je découvrais leur importance. Mais, il semble que seules les personnes qui construisent ces murs peuvent les apprécier pleinement. Ils méritent tout notre respect et notre admiration.

L’héritage culturel des murs

A mesure que nous avancions dans le processus de construction, beaucoup de choses évoluaient à l’intérieur de nous et nous avions acquis beaucoup plus que le savoir-faire qu’Alban Carron voulait nous transmettre. Maintenir vivante la technique de construction des murs de pierres sèches, est un des objectifs du projet mené par le Parc régional Chasseral (qui se situe entre Bienne, La Chaux-de-Fonds et Neuchâtel) auquel a collaboré le Service des migrations du canton de Neuchâtel (SMIG). En plus de la découverte de la technique et à la suite de nombreuses consultations des personnes à propos de la signification de ces murs, nous sommes devenus pleinement conscients de l’importance de ce que nous faisions. Ces murs font partie de la tradition de la région. Ils étaient autrefois utilisés pour séparer les champs et les chemins pour les vaches. Chantal Roth, la propriétaire du chantier où nous avons travaillé, pense que ces murs font partie de ses racines. «Dans le monde où on vit actuellement, qui va très très vite avec Internet, les gens réalisent moins de choses avec leurs mains. Les supports matériels comme les livres et les disques ont tendance à disparaître. Il reste de moins en moins de choses matérielles que nos enfants pourront transmettre aux leurs» déplore-t-elle.

Solidaires comme les pierres du mur

Auteur: Rami Ibrahim, membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d'Exils.

Auteur: Rami Ibrahim, membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils.

L’acquisition la plus précieuse dans cette expérience est sans doute le sens de la solidarité dans le groupe multiculturel que nous constituions. Comme nous avons essayé de construire un mur qui résisterait à tous les risques d’effondrement en remplissant ses trous et en cherchant des pierres qui s’emboîtent le mieux, nous nous sommes rapprochés les uns des autres. Nous travaillions avec sympathie, sans l’influence dévastatrice des stéréotypes attachés aux diverses cultures présentes. Ainsi, l’un des participants faisait le maximum pour ne pas vous causer de blessures lorsqu’il plaçait une pierre ou en martelait une autre, un autre essayait de vous convaincre de porter des lunettes pour protéger vos yeux.

Des points de vue suisses sur l’expérience

Indépendamment de notre expérience comme «étrangers», j’ai cherché d’autres réflexions suisses à propos de notre ouvrage. Monsieur Carron a partagé avec nous son expérience personnelle avec les demandeurs d’asile, qu’il comparait avec ses autres expériences. Il nous a confié que cette expérience était très riche pour lui et que, parfois, c’était plus difficile de trouver autant de motivation de la part de ses compatriotes. «Ici, tout se déroulait parfaitement bien. On a eu de la pluie pendant une semaine et demi, on a connu des grosses chaleurs; tout le monde était là, tout le temps et avec le sourire. On voyage; on voyage en Syrie, en Érythrée…on voyage partout. On entend différentes langues. Moi, ça me réchauffe. Et le travail qui a été abattu en trois semaines par notre petite équipe, pour moi, cette expérience a été géniale. Je n’ai jamais pensé que nous arriverions à faire tout ce qu’on a fait là. Alors, quand je vois des personnes qui vivent des situations difficiles et qui, malgré cela, sont là tous les jours, par tout temps, sans se plaindre, sans rien dire et avec le sourire, là je ne peux que m’incliner» conclut-il.

Mme Roth m’a révélée l’importance que cela représentait pour elle que la plus grande partie du travail ait été réalisée par les demandeurs d’asile. Elle en a profité pour faire référence à des questions concernant la question de l’intégration. «Il y a quand même la peur de certaines personnes. On est dans une région où les gens peuvent être racistes. J’espère que si ces gens-là vous voyaient travailler avec le sourire, qu’ils voyaient que vous y donniez tout votre cœur, certains préjugés tomberaient. Il faudrait que les gens d’ici ouvrent un petit peu leurs yeux et leurs oreilles» martèle-t-elle.

La communication cachée

Personnellement, je n’ai pas vécu d’expérience de racisme en Suisse. C’est probablement dû au fait que je sois toujours dans le cercle des personnes qui sont profondément préoccupées par l’intégration, et je dois dire que c’est un cercle énorme et que ces gens sont admirablement tolérants et positifs. Je ne nie pas mon désir de faire passer des messages forts aux Suisses et, dans l’ensemble, ils y répondent de façon positive. Fabio Boffetti, coordinateur des travaux d’utilité publique au sein du Service des Migrations de Neuchâtel, qui est en charge d’offrir du travail temporaire aux demandeurs d’asile, réalise que notre travail de bénévole contredit l’opinion publique suisse selon laquelle les demandeurs d’asile n’ont pas la volonté de travailler. Il a soutenu son idée en se référant au nombre de demandeurs d’asile qui ont réalisé ce travail pour 30 ou 40 francs par jour, ce qu’une personne suisse n’accepterait sans doute pas de faire. Je ne nie pas non plus mon intention de protester contre les bas salaires, au regard de ce travail très difficile et dangereux, mais ce n’est pas mon message principal.

Comment autrement aurais-je pu exprimer mon désir de construire quelque chose alors que tout dans mon pays – la Syrie – tout est détruit? Comment autrement pourrais-je attirer l’attention sur le fait qu’il existe des forces qui nous empêchent de construire notre propre pays? Comment pourrais-je souligner le fait que la volonté de faire des réformes sociales, économiques ou politiques dans certains pays est considérée comme un crime. Néanmoins, Fabio et d’autres fonctionnaires nous ont soutenus en nous offrant plus de travail et en nous proposant de rejoindre et de soutenir l’équipe des personnes handicapées de la Fondation St-George à Yverdon-les-Bains.

Une expérience très riche

Un apéritif chez Mme Chantal Roth. Auteur: Chantal Roth.

Un apéritif chez Mme Chantal Roth. Auteur: Chantal Roth.

Malgré mon enthousiasme, j’ai du mal à écrire à propos de cette merveilleuse expérience. Cette expérience a été très importante pour moi et un article ne suffirait pas à la couvrir. Il est impossible de raconter tous ces souvenirs, blagues, chansons et moments de joie partagés. Je ne peux oublier l’image de Mme Roth venant nous apporter un bol de soupe les jours de pluie. Rien ne peut effacer le souvenir de ce groupe international vêtu de jaune et travaillant sous la pluie. Le même groupe s’est réuni une autre journée ensoleillée dans le jardin de Mme Roth. Tous ces souvenirs et bien d’autres ont eu lieu grâce à ce mur. Ce mur a enchâssé nos souvenirs et il est le symbole de notre solidarité. Ces pierres de différentes tailles reflètent notre diversité en termes de cultures et de personnalités.

En conclusion, nous avons construit un mur solide qui nous ressemble, et nous sommes à la fois heureux et fiers de l’avoir construit dans un pays multiculturel où nous ferons de notre mieux pour renforcer la cohésion et la solidarité.

Ibrahim, Rami

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Une expo à Sion redessine la politique migratoire suisse

Auteur: Vincent

Auteur: Vincent

Valais

Intitulée «La Suisse terre d’accueil – Eldorado ou paradis perdu», une exposition à Sion revisite l’histoire récente des personnes étrangères en Suisse à travers le regard de dessinateurs de presse helvétiques.

«La Suisse terre d’accueil – Eldorado ou paradis perdu» est une exposition qui se tient actuellement à la galerie de la Grenette à Sion et qui s’inscrit dans le cadre des actions que mène la ville pour lutter contre le racisme. Elle propose les contributions de 17 caricaturistes suisses mises en parallèle avec des données produites par l’Office fédéral des migration (ODM); et aborde des thèmes spécifiques de la politique migratoire comme: l’intégration, l’asile ou la naturalisation. Cette approche à la fois caustique et didactique mais également graphique et factuelle permet de mieux saisir le phénomène complexe de la politique migratoire helvétique ainsi que les représentations de l’étranger dans notre société.

Ne manquez pas cette expo exceptionnelle qui se tient jusqu’au 21 décembre de cette année.

Amar

membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Voici un aperçu de l’expo :

Auteur: Chapatte

Auteur: Chapatte

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Auteur: Chapatte

Auteur: Chapatte

Auteur: Sen

Auteur: Sen

Infos pratiques

Galerie de la Grenette
Rue du Grand-Pont 24
1950 Sion
Horaires :
Mercredi, jeudi, vendredi, samedi et dimanche de 15h à 18h30.Ouverture supplémentaire le vendredi de 10h à 12h.

Entrée libre.




Plus de 100’000 sans-papiers sont discrètement exploités en Suisse

Martin Sharman  "So on into life" (CC BY-NC-SA 2.0)

Martin Sharman
« So on into life »
(CC BY-NC-SA 2.0)

Témoignages de cinq femmes sans-papiers employées dans l’économie domestique

Ils viennent d’un peu partout : du Maghreb, d’Asie, d’Amérique du Sud, d’Afrique et même parfois d’Europe. Les sans-papiers sont généralement des femmes, mais il y a aussi des hommes. Certains vivent et travaillent en Suisse depuis de longues années. Voix d’Exils est allé à la rencontre de ces travailleurs et travailleuses de l’ombre exploités par des patrons peu scrupuleux.

Il est ardu de dénombrer les sans papiers car cette population est quasi invisible. Les chiffres avancés par différentes sources varient parfois considérablement entre 90’000 et 300’000. Selon le Centre de Contact Suisses-Immigrés Genève (le CSSI), ils seraient environ 150’000 actuellement. Ils sont généralement actifs dans des emplois peu qualifiés dans les secteurs de l’économie domestique, la construction, le déménagement, l’agriculture, l’hôtellerie et la restauration.

La plupart d’entre eux paient des cotisations AVS. Très discrets, ils endurent des horaires, des conditions de vie et de traitement dignes de l’esclavagisme. Ils supportent en silence le stress d’une vie dans l’ombre, sans certitudes sur l’avenir. Ils sont confrontés à toutes sortes d’abus : exploitation, escroquerie, harcèlement sexuel… Les sans-papiers sont loin de leur famille et, malheureusement, tout cela contribue à dégrader leur santé.

Bien que l’économie suisse ait besoin de ces travailleurs de l’ombre, leur grand problème est la quasi-impossibilité d’obtenir un permis de travail. Pour les ressortissants en dehors de l’Union Européenne, le seul moyen de régulariser leur situation est le mariage.

«Quand sa femme n’était pas là, mon patron posait sa main sur mon épaule et me faisait savoir que je lui plaisais et qu’il voulait aller plus loin…»

Stewart Leiwakabessy  "Narrow" (CC BY-NC-SA 2.0)

Stewart Leiwakabessy
« Narrow »
(CC BY-NC-SA 2.0)

Amal, Algérienne, 34 ans, en Suisse depuis quatorze ans

 «Une dame, dont les parents habitaient à côté de chez moi, en Algérie, m’a vendu un visa pour Frs. 2000.-. Elle a fait une demande au Contrôle des habitants, en prétendant que j’étais une parente et qu’elle m’invitait à passer un mois de vacances chez elle, en Suisse. Elle m’a hébergée quelques jours, puis une copine à elle m’a trouvé du travail.

J’ai été engagée par un couple de Suisses qui avaient deux enfants et une grande maison sur trois étages avec une piscine. Moi, j’avais une chambre à la cave, sans fenêtre. Ma patronne était très sévère et maniaque. Elle contrôlait tout ce que je faisais à la loupe. Je commençais mon travail à six heures du matin en préparant le petit déjeuner de toute la famille. J’aidais les enfants à s’habiller, à manger, je préparais leur cartable et je les emmenais à l’école. Après, je retournais à la maison, je faisais le ménage, je nettoyais les vitres des salles de bains, car ma patronne était très exigeante. Je mettais en marche les machines à laver le linge et la vaisselle, je faisais la liste des choses à acheter et je partais faire les courses. Ensuite, je retournais en courant à la maison, car je devais préparer le repas pour les petits, les chercher à l’école et leur donner à manger. Enfin, je m’accordais une pause pour me nourrir et je reprenais le ménage car la maison était très grande et je devais tout nettoyer. A, 16h00, j’allais chercher les enfants, je leur donnais le goûter et nous partions en promenade. A 18h00, c’était l’heure du bain, puis la préparation du souper pour les enfants. Je les aidais à faire leurs devoirs et les mettais au lit. Mais ma journée de travail n’était pas encore finie. Je rangeais la cuisine, je mangeais et je descendais faire le repassage. Vers 22h00, je pouvais enfin regagner ma chambre et me reposer.

Je travaillais six jours sur sept. Le dimanche, malgré que c’était mon jour de repos, je devais tout ranger et préparer à manger avant de sortir. J’étais jeune et jolie. Quand sa femme n’était pas là, mon patron posait sa main sur mon épaule et me faisait savoir que je lui plaisais et qu’il voulait aller plus loin… Mais moi, je lui répondais que cela ne m’intéressait pas même si j’avais peur de perdre ma place. Mon salaire était de Frs 1200.- par mois. Il était déclaré, sauf que la famille ne déclarait pas toutes mes heures de travail. »

Nick Kenrick, (CC BY-NC-SA 2.0)

Nick Kenrick, (CC BY-NC-SA 2.0)

«On m’a donné un petit coin dans une cave, alors qu’il y avait des pièces non occupées dans la maison»

Ilda, Brésilienne, 27 ans, en Suisse depuis trois ans

«J’ai trois enfants que j’ai laissés au pays. Je suis sans statut légal. Au Brésil, il y a un réseau qui vend des visas. C’est le couple qui m’a engagée qui m’a procuré un visa et l’a payé. Ma patronne m’a fait passer pour sa nièce qu’elle invitait pour des vacances en Suisse. J’ai travaillé dans cette famille brésilienne avec trois enfants. Ils habitaient une grande maison et m’ont donné un petit coin dans une cave, alors qu’il y avait des pièces non occupées. Ma journée commençait à 6h00 du matin par la préparation du petit déjeuner. J’aidais les deux filles de 5 et 8 ans à s’habiller, je leur préparais le goûter, car elles restaient à l’école jusqu’à 16 heures. A 07:30, le bus de l’école privée venait les chercher. Après je m’occupais de la petite dernière, un bébé de 8 mois. Ma journée entière était consacrée aux enfants, à la maison qui comptait douze chambres et trois salles de bains. Le soir, coiffer et sécher les cheveux des filles me prenait beaucoup de temps. Les enfants mangeaient à la cuisine et les parents dans la salle à manger. Après le souper, les parents s’occupaient un peu de leurs enfants pendant que je rangeais, lavais, repassais… Je gagnais 1000 francs déclarés. Sauf que mes patrons ne déclaraient pas l’intégralité des mes heures. J’ai quitté la famille après une année, en espérant trouver de meilleures conditions de travail ailleurs.»

« J’étais maltraitée, mais comme ils m’avaient confisqué mon passeport, j’étais piégée »

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Afa, Tunisienne, 35 ans, en Suisse depuis 10 ans

 «Une cousine m’a fait un visa pour la France, elle avait une amie qui habitait en Suisse et elle m’a mis en contact avec elle. Comme je n’avais pas de travail et que je vivais dans une grande précarité, je me suis dit que j’allais tenter ma chance en Suisse. J’avais 25 ans, ça fait dix ans, que je suis là.

J’ai fait des petits boulots à gauche et à droite. Déjà, c’est très difficile de trouver un travail à cause de ma nationalité. Quand j’en trouvais un, c’était toujours très mal payé et les conditions étaient très difficiles. J’ai travaillé pour un couple. Monsieur était Suisse et travaillait dans une banque et Madame était Italienne et travaillait dans une société. Ils avaient trois enfants. Ils me donnaient Frs. 800.- par mois. J’étais ni nourrie, ni logée. Je partageais une chambre avec une autre dame portugaise. Je travaillais 6 jours sur 7 et ils ne me payaient pas le transport. Le matin, j’arrivais à 07:30, je préparais le grand, je l’accompagnais à l’école et je retournais à la maison pour m’occuper des deux petits et du ménage. Je faisais tout le travail de maison. Le mercredi et le samedi, j’allais faire les courses au marché, parce que Monsieur et Madame avaient des goûts de luxe. J’étais maltraitée, mais comme mes patrons m’avaient confisqué mon passeport, j’étais piégée. Parfois, je restais jusqu’à une heure du matin pour garder les enfants, pendant que les parents avaient une invitation. Je suis restée quatre ans dans cette situation, car j’avais peur qu’on me dénonce si jamais je partais. Avec l’argent que je touchais, je pouvais seulement payer mon loyer et mes transports. Je n’avais même pas assez d’argent pour me nourrir, et je ne pouvais pas me soigner. A l’époque il n’y avait pas de service à l’hôpital cantonal qui soigne les sans-papiers gratuitement comme c’est le cas actuellement. Ma vie de sans-papiers est très compliquée. Pour chaque petite chose, je dois demander à un tiers : pour un abonnement de portable, pour le logement… Je ne suis pas libre et ce n’est pas facile de vivre dans ces conditions de précarité. Le seul moyen de régulariser ma situation, c’est le mariage»

«Je me suis trouvée à la rue sans argent après six années de travail»

Fabiana Zonca, Shadow of a woman - the light at the end of the tunnel, (CC BY-NC-SA 2.0)

Fabiana Zonca, « Shadow of a woman – the light at the end of the tunnel », (CC BY-NC-SA 2.0)

Remziya, Turque de 40 ans

Je suis arrivée en Suisse à l’âge de 20 ans. C’est ma cousine qui m a fait un visa touristique pour un mois, mais je ne suis jamais repartie car elle avait besoin de moi pour l’aider à la maison avec ses enfants. Je ne parlais pas un mot de français et je n’avais pas de contact avec l’extérieur. Je suis restée dans cette situation quatorze ans et ma cousine ne m’a jamais rien payé. Elle disait que chez elle j’avais besoin de rien car j’étais nourrie, logée et blanchie.

Ensuite, j’ai travaillé dans une famille suisse, et comme je ne pouvais plus loger chez ma cousine, ils ont pris un appartement à leur nom. Pour la caution, ils prélevaient chaque mois Frs. 50.- en plus du loyer qui était de Frs. 700.-. J’ai travaillé chez eux pendant six ans. Je me suis occupée de leurs quatre enfants. Le couple était froid. Je faisais partie des meubles. Tous les matins, je me réveillais à 05:00. Je me préparais pour allez travailler. Je sortais de chez moi a six heure et je devais changer à trois reprises de bus, car la famille habitait la compagne genevoise. J’arrivais vers 07:30 quand le couple partait au travail. Ils travaillaient les deux dans le secteur bancaire. Je commençais le travail en préparant le petit déjeuner de la grande, et les biberons des trois petits. Les enfants étaient adorables. J’avais toujours un accueil très chaleureux avec des câlins et des bisous. Je m’occupais d’eux jusqu’à dix-huit heures jusqu’à ce que les parents rentrent à la maison. La sixième année, la dame est tombée malade d’un cancer, malheureusement. J’étais très attachée à leurs enfants, mais la vie était devenue impossible, car il y avait beaucoup de violence au sein du couple. Puis, comme l’état de santé de la maman s’était dégradé, je devais alors m’occuper de leurs enfants 24 heures sur 24, 6 jours sur 7. Pendant une année, mon salaire est resté le même de Frs. 1000.- et mon loyer de Frs. 700.- malgré les heures de travail supplémentaires que je faisais. Mais, malheureusement, l’appartement était à leur nom. Ils m’ont alors mise dehors et ils ont pris une jeune fille au-pair canadienne, qu’ils allaient payer seulement Frs. 600.-. Ils m’ont expliqué que, soi-disant, la dame ne travaillait plus et ils n’avaient plus assez d’argent pour me payer. J’avais donné une caution de trois mois de loyer qu’ils ne m’ont jamais remboursé et je me suis retrouvée a la rue, sans argent, après six ans de travail. Les gens ont toujours des astuces pour profiter de la vulnérabilité des sans-papiers.

« Je gagnais 100 francs par mois et pendant des mois je n’ai plus rien reçu »

João Almeida  "Blurry silhouette" (CC BY-NC-SA 2.0)

João Almeida
« Blurry silhouette »
(CC BY-NC-SA 2.0)

 Najat, Marocaine de 40 ans

 Je travaillais pour une dame marocaine comme nounou au Maroc. Cette dame s’est mariée avec un Suisse et elle est venue s’installer à Genève, avec ses enfants. Comme j’étais attachée à ses enfants et que les enfants étaient aussi attachés à moi, un ami de cette dame m’a fait un visa. Je ne sais pas vraiment comment il a réussi à l’avoir. Mon salaire est resté le même : 100 francs par mois et pendant des mois je n’ai plus rien reçu.

Une autre dame marocaine m’a proposé du travail chez elle. Ma journée commençait à six heures du matin au restaurant de la dame. Je devais nettoyer et éplucher les légumes. A dix heures, elle arrivait pour commencer à préparer le menu et vers onze heures je devais me rendre à la maison pour récupérer les enfants et leur préparer à manger. Vers 13:00, je les amenais à l’école, puis je retournais à la maison pour tout nettoyer, ranger et faire le repassage. A 16:00, je devais chercher les enfants à l’école et m’occuper d’eux jusqu’à 18:00. Une jeune fille prenait après la relève et je devais retourner au restaurant pour aider Madame jusqu’à la fermeture. Ensuite, Madame partait avec des amis faire la fête. Quand je rentrais à la maison, la personne qui venait garder les enfants rentrait chez elle et moi, je prenais la relève. Madame rentrait en général à 05:00 du matin avec Monsieur. Elle ne m’a pas payé pendant plusieurs mois en prétextant que son restaurant ne fonctionnait pas bien et comme je ne parlais pas un mot de français et que je dépendais vraiment d’eux, j’acceptais la situation.

Sandra

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

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