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«À Damas, on s’habitue à vivre avec l’incertitude de la guerre»

Une colonne de fumée suite à une explosion qui s’est déroulée à d’une épicerie se trouvant dans la rue «Al Qosour el Jadid». Image prise depuis l’Al Qosour Square le 20 janvier 2014.Image recueillie sur K.N.N, le profil Facebook d’habitants du quartier Qasaa.

Une colonne de fumée suite à l’explosion d’une épicerie de la rue Al Qosour el Jadid. Image prise depuis l’Al Qosour Square le 20 janvier 2014 et recueillie sur K.N.N, le profil facebook d’habitants du quartier de Qasaa.

Damas, l’une des plus ancienne ville du Sham, est le théâtre quotidien d’échanges de tirs entre les rebelles et l’armée du régime de Bachar el-Assad. Les vagues d’oiseaux qui ornaient habituellement le ciel de la capitale syrienne font aujourd’hui place à des colonnes de fumée. Malgré cette tragédie, la ville reste vivante avec ses rues bondées de monde et saturées par la circulation. Voix d’Exils a réussi à entrer en contact avec quelques damasquins qui témoignent de leur quotidien dans cette ville meurtrie par presque quatre années de conflit.

Le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU dénombre 39’393 personnes assassinées à Damas ville et campagne pour 2’600’000 habitants depuis le début du conflit. Selon un sondage réalisé par «The Economiste, Intelligence Unit», une société indépendante rattachée au groupe The Economist, qui classe les villes en fonction de 30 critères (incluant notamment la stabilité, le système de santé, la culture, l’environnement, l’éducation et les infrastructures), Damas arrive en dernière position du classement sur les 10 villes les moins agréables à vivre en 2013.

Étudier sous les bombes

Chaque matin, les habitants de Damas se réveillent dans le fracas des tirs et des bombardements. Ils s’informent alors auprès de leurs voisins ou à travers les réseaux sociaux pour vérifier si leur lieu de travail et les établissements scolaires fréquentés par leurs enfants sont loins de tout danger. «J’ai peur et je me culpabilise à chaque fois que j’envoie mes enfants à l’école sous les tirs des chars et les roquettes» confie Diana, mère de deux enfants et habitante du quartier Qasaa au nord-est de Damas. Elle prend beaucoup de précautions avant d’envoyer ses enfants à l’école, surtout que l’établissement scolaire voisin du leur a été frappé par une roquette une semaine auparavant. Quant à Marwan, opticien, père de quatre enfants et résident du quartier de Sha’alan (nord-ouest de Damas), il veut rester à Damas malgré les difficultés, mais il a surtout peur pour ses enfants. «Ils n’ont pas la chance de vivre dans un environnement stable et sécurisé. Malheureusement, je n’ai pas la possibilité de les envoyer à l’étranger».

Les quartiers de Damas. Source: mapcarta.com

Les quartiers de Damas. Source: mapcarta.com

Les enfants sont les premières victimes de cette guerre manigancée par des criminels. Ils trouvent ni stabilité ni sécurité et ils manquent de conditions minimales pour étudier et jouer. Ils sont frappés par la pénurie de médicaments, le manque d’eau potable et de combustible, surtout en hiver. Mais le plus insupportable pour eux est sans doute la crainte permanente de perdre à tout moment un proche, un ami ou un enseignant.

Pour sa part, Kinan, étudiant à l’Université de Damas et habitant du quartier de Barzeh au nord de Damas, il peine à potasser ses cours le soir. «Il n’est pas facile de planifier son temps pour ses études parce que les heures d’approvisionnement en électricité changent toujours». Puis il conclut en rigolant : «l’électricité vient chez nous comme un visiteur».

Des étudiants sont en face de l'Université de sciences informatique de Damas, devant la route qui conduit à l’aéroport de Damas attendent le bus. Source : Image prise le 11.11.2014 par une connaissance de Rama.

Des étudiants attendent le bus en face de l’Université de science informatique de Damas, devant la route qui conduit à l’aéroport. Source : Image prise le 11.11.2014 par une connaissance de Rama.

Survivre à la file d’attente

La guerre a détruit une grande partie de la ville et la vie devient de plus en plus chère. Les prix des produits d’importation ont triplé et sont difficiles à trouver. Même les produits locaux ont vu leurs prix doubler, alors que les salaires ont stagnés. Mohamad, habitant de Baramkeh, quartier plutôt privilégié et sécurisé de Damas, affirme «qu’on a l’impression que c’est un pays à feu et à sang. Pour la majorité des gens qui vivent ici, au centre-ville comme moi, on souffre surtout de l’augmentation du prix du gaz et moins des explosions en bas de la rue».

L’un des problèmes récurrent que rencontre Maher, habitant du quartier de Tijara au nord-est de Damas, c’est faire le plein de sa voiture. Il est obligé, à chaque fois, de faire la queue depuis minuit devant l’une des rares station-service ouverte, car c’est l’heure de la livraison du carburant. La file d’attente est devenue, en fait, le quotidien des damasquins, surtout devant les boulangeries et les centres de distribution de bouteilles de gaz. Ce qui les expose à un danger permanent, puisqu’à plusieurs reprises, ces files d’attente ont été la cible de bombardements.

Le trafic durant la matinée dans  la rue Shoukry Al Qouwatly entre l’hôtel Four Seasons et la rivière de Barada river. Image recueillie sur K.N.N, le profil facebook d’habitants du quartier Qasaa

Le trafic durant la matinée dans la rue Shoukry Al Qouwatly entre l’hôtel Four Seasons et la rivière Barada. Image recueillie sur K.N.N, le profil facebook d’habitants du quartier de Qasaa.

Des rues et des transports publics bondés

La circulation dans la ville est de plus en plus difficile et les habitants ont beaucoup de peine à se rendre d’un lieu à l’autre. Dareen, résidante du quartier de Mouhajrin, à l’ouest de Damas, mettait auparavant environ 25 minutes pour se rendre depuis chez elle jusqu’au quartier d’Al-Mazzeh, au sud-ouest de Damas, où se trouve son travail. Elle parcourt aujourd’hui, pour le même trajet, quelques heures à cause des nombreux check-points lors desquels les voitures sont fouillées par les soldats pour s’assurer qu’elles ne dissimulent pas de bombes. Les transports publics sont toujours bondés et les rues sont constamment gorgées de piétons ; phénomène observé depuis le déplacement forcé des habitants des régions périphériques en ville.

Réflexes de survie

Pour faire face à cette situation dramatique vécue au quotidien par les damasquins, ils développent des stratégies de survie qui leur permettent de s’adapter à cette incertitude permanente. Selon Boushra, mère de deux enfants et habitante du quartier de Mazzeh, «la crainte a fait de moi une personne plus forte qui aime la vie encore plus qu’avant». Quant à Fadi, médecin, père de trois enfants et résident du quartier de Bab Touma, à l’est de Damas, il s’exclame que «malgré les explosions on doit vivre. Ça c’est la vie ! Malgré ce changement, on s’habitue à vivre avec cela». Pour Rana, résidente du quartier de Dwel’a, au sud-ouest de Damas, la source du bonheur dans un pays qui vit la guerre est différente. Malgré les drames et les pressions autour d’elle, elle se considère «privilégiée et heureuse, lorsqu’aucun membre de (sa) famille ni tué, blessé ou enlevé!».

Malgré les combats, les assassinats, les pénuries et les kidnappings, les damasquins s’adaptent et gardent l’espoir de mener à nouveau un jour une vie à peu près normale.

Amra

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Mords la pomme…

Auteur: Hossein, membre de la rédaction Neuchâteloise de Voix d'Exils.

Auteur: Hossein, membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils.

Mords la pomme,

Ne la mords pas si tu ne veux pas,

Arrose seulement un peu l’arbre dans lequel tu prends des pommes,

Ne l’abats pas à coups de hache.

Les amis; après l’immigration, on gagne la sécurité, la liberté et une société ayant des lois et un ordre. Mais on perd la terre, les amis, la famille et le milieu auquel on appartient.

Il faut être conscient au départ que la vie va forcément changer, et que plus l’on s’accroche à ce que l’on perd, plus ce sera difficile de s’adapter au mode de vie de la société dans laquelle on se réfugie. Selon mon observation, peu de réfugiés en Suisse parviennent à s’élever dans l’échelle sociale. Bien que la société suisse bénéficie d’un petit nombre de réfugiés activement impliqués dans la vie sociale, de créatifs et d’industriels qui contribuent au développement de ce pays, je pense qu’il serait plus profitable de former les gens dans différents domaines. Par exemple, pourquoi attendre que l’aide sociale m’achète du poisson tous les jours plutôt que de m’apprendre à pêcher? Certains réfugiés m’ont confié que cela ne valait pas la peine de travailler pour un très petit salaire, alors que les services sociaux paient autant ou même parfois plus pour rester chez soi.

Je pense que par solidarité avec le peuple qui nous accueille, il faudrait que le réfugié ou le demandeur d’asile contribue au bien-être général de la Suisse.

Il faut toujours de l’effort et du dévouement pour devenir un grand homme.

Afin de créer une société solidaire, unie, riche d’idées; pour arriver à une civilisation digne et harmonieuse, il est impératif que des milliers de mains s’entrelacent, afin d’exercer une influence positive sur la culture de ce pays.

Il est naturel que l’environnement et les conditions sociales créent et influencent nos caractères ainsi que nos mentalités. Au lieu de prendre pour repaire les seules valeurs offertes par sa communauté, la migration offre aux peuples l’occasion de s’ouvrir sur la diversité des cultures du monde et ainsi d’activement partager cette nouvelle richesse de connaissances.

Apprécions la liberté et la sécurité offertes sans penser à la couleur de peau. Ne permettons pas que l’élément «humanité» soit sacrifié par les idées de supériorité de race, de religion ou de sexe. Si les valeurs de solidarité, d’empathie et de simple gentillesse étaient universelles parmi les peuples, cela voudrait dire que Gandhi et Mandela sont encore vivants en chacun de nous.

Hossein

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Le ministre bernois Hans Jürg Käser réitère ses excuses pour avoir qualifié les requérants d’asile de «petits nègres»

De gauche à droite : M. Celeste Ugochukwu, Président du Conseil de la Diaspora Africaine en Suisse M. Hans Jürg Käser ministre bernois de la police et des affaires militaires et Mme Emine Sariaslan la Présidente du FIMM.

De gauche à droite : M. Celeste Ugochukwu, Président du Conseil de la Diaspora Africaine en Suisse; M. Hans Jürg Käser, ministre de la police et des affaires militaires du canton de Berne et Mme Emine Sariaslan, Présidente du FIMM.

Qualifiant a plusieurs reprises de «petits nègres» les requérants d’asile lors d’une présentation du centre pour demandeurs d’asile de centre de Berthoud (BE), le 11 septembre dernier, les propos du ministre bernois de la police et des affaires militaires avaient provoqué un tollé. Ce dernier a réitéré ses excuses auprès du Forum pour l’Intégration des Migrantes et des Migrants (FIMM) et du Conseil de la Diaspora Africaine en Suisse lors d’une rencontre qui s’est déroulée le 4 novembre dernier.

Le ministre bernois de la police et des affaires militaires, M. Hans Jürg Käser, avait déclaré lors d’une présentation à des visiteurs du centre pour demandeurs d’asile de Berthoud (BE), en date du jeudi 11 septembre 2014, que chaque «Negerbubli» (petit nègre) sait que la Suisse est un pays de cocagne. Ces propos, rapportés par un journaliste du quotidien Der Bund, avaient provoqués l’indignation de plusieurs organisations et institutions telles que la Commission fédérale contre le racismele Forum pour l’Intégration des Migrantes et des Migrants (FIMM) et le Conseil de la Diaspora Africain de SuisseM. Hans-Jürg Käser avait confirmé le lendemain avoir prononcé ces mots, mais avait justifié les avoir utilisés pour démontrer aux visiteurs du centre comment la pression migratoire est élevée et a ajouté avoir choisi un langage accessible à tous. Ce dernier se défendait d’être raciste, mais avait concédé avoir utilisé une formulation «peut-être maladroite» et avait présenté ses excuses. Pour répondre à ces propos du ministre, une lettre ouverte signée conjointement par le Forum pour l’Intégration des Migrants et des Migrantes (FIMM) et le Conseil de la Diaspora Africain de Suisse lui avait été adressé. Les deux organisations ont appelé le ministre à utiliser «un langage respectueux et non discriminatoire» et ont sollicité une entrevue.

Sur invitation du Conseiller d’État, la Présidente du FIMM, Mme Emine Sariaslan, la Responsable de la communication du FIMM, Mme Heidi Mück et le Président du Conseil de la Diaspora Africaine en Suisse, M. Celeste Ugochukwu l’ont rencontré le 4 novembre dernier. Au cours de cette entrevue, qui s’est déroulée, selon les plaignants, «dans une ambiance amicale, sincère et digne», M. Käser a réitéré ses excuses pour ses propos. Les parties ont convenu de la nécessité «d’une utilisation prudente de la langue pour favoriser le dialogue sur les questions de migration et surmonter les préjugés» et ont décidé de rédiger un communiqué de presse commun ce qui, entretemps, a été fait.

Pour les deux organisations, cette affaire est aujourd’hui «réglée».

Alex

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils