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« Les enquêteurs EVAM interviennent pour faire la lumière sur des situations d’abus manifestes des prestations d’assistance »

L’EVAM a engagé trois enquêteurs qui, à la demande du directeur de l’Établissement, sont mandatés pour faire des enquêtes et des filatures sur des bénéficiaires soupçonnés de consommer abusivement certaines prestations d’assistance. Désireux d’en savoir davantage sur le pourquoi de ce nouveau dispositif administratif, Voix d’Exils a contacté Pierre Constantin, le responsable de l’Unité Assistance à l’EVAM. Interview.

Voix d’Exils : Pourquoi l’EVAM a recruté des enquêteurs ?

Pierre Constantin : La demande des Autorités cantonales pour que l’EVAM se dote d’instruments opérationnels efficaces dans son devoir de surveillance du bon usage des fonds publics ne date pas d’hier. Depuis l’instauration de la LARA (Loi sur l’aide aux requérants d’asile et à certaines catégories d’étrangers du 7 mars 2006), a été mis en place le Bureau de Traitement des Avis de Recherche (BTAR) ; cet office avait pour objectif de traiter toutes les demandes de recherche complémentaire de renseignements sur certains bénéficiaires de l’EVAM. Le déclenchement d’une investigation était prononcé dès lors que l’un ou l’autre des services de l’EVAM était sans nouvelles d’un bénéficiaire et que les recherches usuelles de base n’avaient pas permis de se faire une idée de la situation dudit bénéficiaire.

Le BTAR a permis de constater que certains bénéficiaires consommaient abusivement de certaines prestations ; les « oublis » d’annoncer toutes les sources de revenus, les  « mises à disposition » à des tiers de certaines prestations reçues. Le principe de la subsidiarité de l’aide sociale publique était lui aussi oublié plus ou moins consciemment. Les abus d’assistance étaient parfois à mettre sur le compte de l’ignorance et souvent, et pour des montants importants, étaient parfaitement conscients sinon organisés.

Les services sociaux cantonaux et communaux pour Lausanne se sont dotés d’inspecteurs et ont rapidement conclu à leur utilité économique et à leur nécessité en matière d’égalité de droit. L’EVAM a d’abord cherché à instaurer des collaborations avec ces services dans la perspective de diligenter des enquêtes à la carte ; cette proposition de partenariat n’a pas été suivie. L’EVAM n’est pas pionnier dans la mise en œuvre de ce dispositif de contrôle, il se met au niveau des standards cantonaux dans le domaine.

 

Concrètement, en quoi consiste leur rôle et quels sont les résultats après le recrutement de ces enquêteurs ?

L’examen de situations particulières par les différents métiers de l’EVAM peut exiger l’ouverture d’une enquête complémentaire sur l’un ou l’autre aspect du dossier. Une investigation administrative est d’abord réalisée et, le cas échéant, une demande d’enquête sur le terrain peut être requise. Le responsable de l’unité Suivi des Populations examine l’opportunité d’y donner suite, notamment par une vérification juridique. Dans le cas d’une validation, il définit le périmètre de la recherche et donne mandat aux enquêteurs pour toute suite à donner. Les enquêteurs font le travail d’enquêtes et de filatures, et produisent un rapport d’enquête à l’attention du responsable de l’unité Suivi des Populations ; le journal d’enquête et les pièces à conviction ne sont pas transmises ou alors, aux Autorités Judiciaires si elles l’exigent.

La plateforme de gestion des dossiers complexes conduite par le directeur de l’EVAM peut, à tout moment, diligenter une enquête.

Pour rappel, les enquêteurs ne sont pas compétents pour décider du lancement d’une enquête. Ils mettent à disposition de l’EVAM leurs compétences techniques en matière d’investigation.

 

Pouvons-nous savoir combien sont-ils et quand ont-ils pris leurs fonctions ?

La première personne est en fonction depuis le 1er avril 2014. Deux autres ont été recrutées et ont débuté leur activité au sein de l’EVAM le 1er juillet 2014.

Quelles sont leurs qualifications, de quels moyens disposent-ils et quelle est leur mission ?

Les enquêteurs viennent d’horizons différents comme la finance, les assurances, la sécurité. Ils possèdent les qualifications et expériences jugées nécessaires à la fonction.

 

Sur quoi ces enquêteurs se basent pour investiguer sur un requérant d’asile sur lequel pèse un soupçon ?

Les enquêteurs n’interviennent que sur mandat. C’est donc le mandant qui définit les bases de la recherche demandée. Un simple soupçon ne permet pas le déclenchement d’une enquête. Il s’agit dans tous les cas de faire la lumière sur des situations d’abus manifeste des prestations d’assistance. L’EVAM sera particulièrement attentif au principe institutionnel de proportionnalité dans le déclenchement et la conduite des enquêtes.

Qu’est-ce qu’ils feront de plus que les agents de l’EVAM, par exemple, concernant la domiciliation ou les moyens d’existence ?

Les collaborateurs et les collaboratrices de l’EVAM sont recrutés pour leurs qualifications dans la délivrance des prestations d’assistance. S’il leur arrive de demander des précisions sur certaines prestations soumises à conditions de ressource, ils et elles ne sont pas formés pour conduire des enquêtes de terrain et de manière continue dans le temps.

La fonction d’enquêteur permet des recherches transversales et surtout longitudinales sur le terrain des pratiques réelles des bénéficiaires.

Quels sont les champs d’action de ces enquêteurs ?

Ces champs d’action sont multiples et peuvent varier dans le temps. Le directeur de l’EVAM a indiqué la priorité n° 1 pour les années à venir : l’intégration des bénéficiaires au marché de l’emploi. Pour que la prise d’emploi demeure attractive, il s’agit bien de dissuader lesdits bénéficiaires de prendre des emplois non déclarés tout en cachant les revenus afférents à l’autorité d’assistance, en ce cas l’EVAM.

Comme vous l’avez compris, le dispositif se met en place actuellement. Un premier bilan pourra être fait en janvier 2015.

Qui sont leurs responsables, et ont-ils des partenaires outre l’EVAM dans l’exercice de leurs fonctions ?

Comme indiqué ci-dessus, les enquêteurs sont placés sous la conduite directe du responsable de l’entité Suivi des Populations. Cette entité est attachée à l’unité Assistance dont le responsable rend directement ses comptes au directeur de l’EVAM. La ligne est la suivante : directeur de l’EVAM, responsable unité Assistance, responsable de l’entité Suivi des Populations, enquêteurs.

 

Les requérants, étant les acteurs principaux de ce nouveau dispositif, sont-ils informés ?

Dans la recherche de mesures préventives contre les abus d’assistance, l’EVAM tient à informer ses bénéficiaires des solutions qui seront mises en œuvre très prochainement. « Voix d’Exils » constitue un vecteur parmi d’autres de ce souci de transmission de l’information ; votre article contribuera, nous l’espérons, à mieux éclairer les bénéficiaires « vaudois » et d’ailleurs.

Quelles seront les sanctions à l’encontre de ceux qui seraient incriminés dans l’aboutissement des enquêtes ?

Le fait de recruter des enquêteurs n’a aucun impact sur les types de sanctions à l’encontre des personnes faisant l’objet d’une enquête. Signalons que pour les abus d’assistance, les sanctions sont ordonnées par les Autorités Judiciaires et non pas par l’EVAM.

 

Propos recueillis par Bamba

Membre de la rédaction vaudoise