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Pourquoi les dictateurs des pays de tiers-monde s’accrochent tant au pouvoir ?

Congo, Ouganda, Sri Lanka et bien d’autres : nombreux sont les pays en voie de développement qui sont encore aujourd’hui dirigés par des dictateurs souvent sanglants. Comment ces régimes parviennent-ils à s’installer durablement ? A quand la démocratie dans les États du Tiers-monde ? La rédaction valaisanne de Voix d’Exils apporte son regard sur cette problématique ô combien sensible.

Mouammar Kadhafi. (CC BY-NC-SA 2.0). Auteur: Ssstto

Mouammar Kadhafi. (CC BY-NC-SA 2.0). Auteur: Ssstto

Le monde est rempli de chefs d’Etat dictatoriaux qui ne connaissent pas la valeur de la démocratie. Ils privilégient leurs intérêts personnels plutôt que ceux de leur pays et s’accrochent au pouvoir éternellement, quel qu’en soit le prix.

Un simple regard sur l’histoire des pays en voie développement permet d’observer la longue lignée de dictatures militaires qui ont prévalu dans ces régions. Cela a été la tendance ces 50 dernières années, presque à chaque fois qu’une nation colonisée a retrouvé son indépendance.

Richesses naturelles et influences internationales

Après l’indépendance, l’espoir était souvent le même : un meilleur futur en pouvant disposer des propres ressources naturelles du pays. Mais après quelques années, force est de constater que de nombreux pays se sont retrouvés coincés entre deux forces : le bloc communiste d’un côté, le bloc capitaliste de l’autre. Dans un contexte de guerre froide, ces deux rivaux ont souvent agi dans la crainte de voir une région basculer dans le camp ennemi et de perdre du même coup le contrôle de précieuses richesses naturelles. La peur d’une avancée adverse a mené à une politique sans scrupule et à des interventions militaires, notamment en Afrique. L’exemple du Congo est frappant : Patrice Lumumba, considéré comme proche du régime soviétique, a été tué par une combinaison d’agences belges et américaines au profit de Mobutu, plus « occidento-compatible », qui est par la suite devenu – entre 1965 et 1997 – l’un des plus rudes dictateurs jamais connus en Afrique.

Les richesses naturelles dont disposent bon nombre de pays en voie de développement – bien que souvent exploitées par un pays du bloc Nord – expliquent également le maintien à long terme de ces dirigeants assoiffés de pouvoir. Avec un accès presque sans surveillance à ces ressources et à l’argent qu’elles génèrent, les dictateurs en ont profité pour acheter des armes et s’enrichir.

 

Mahinda Rajapakse, Président du Sri Lanka depuis 2005. affiche de Mahinda, prise en 2009 (CC BY 2.0)

Mahinda Rajapakse, Président du Sri Lanka depuis 2005. affiche de Mahinda, prise en 2009 (CC BY 2.0)

Le népotisme au service de dynasties familiales

Au quotidien, ces dictatures érigent en norme les violations de la constitution, l’impunité, la gabegie, ou encore la torture de leurs adversaires politiques. Le népotisme devient également monnaie courante, à l’image du Sri Lanka, où le président Mahinda Rajapakse, arrivé au pouvoir en 2005, a mis en place une véritable dynastie familiale. Un de ses frères est le président du parlement, un autre est le ministre du développement économique, un troisième frère n’est autre que le puissant et redouté secrétaire d’Etat au ministère de la défense, enfin son fils, Namal Rajapakse, joue également un rôle important dans les affaires du gouvernement.

Une bonne partie des dirigeants des pays en développement foulent leur Constitution nationale (s’il y en a une) et se déclarent président à vie. Cela les pousse à un point de non-retour, prenant ainsi la direction du despotisme sans autorité légale. Ils créent tant de dégâts qu’ils ont peur de quitter le pouvoir par crainte de représailles. Ils savent que ceux qu’ils ont blessés voudront avoir leur revanche.

Quelques rares exemples de démocratie

Sous l’influence de quelques meneurs européens, comme Gorbatchev ou Mitterrand, qui prônent plus de démocratie pour le continent africain, la donne a malgré tout évolué au passage des années 80. Dès 1991, des conférences nationales se tiennent, des mutations voient le jour dans les administrations, des nouvelles constitutions sont rédigées : la démocratie est en marche. Plus récemment, l’Afrique du Nord a également semblé faire un pas vers la démocratie. Le « printemps arabe », déclenché en Tunisie en 2011, a fait tomber le régime de Ben Ali (24 ans de règne), celui de Kadhafi en Lybie (42 ans) et de Moubarak en Egypte (30 ans).

 

Denis Sassou Nguesso, President of the Republic of the Congo, addresses the general debate of the sixty-fourth session of the General Assembly. 25/Sep/2009. United Nations, New York. UN Photo/Marco Castro. www.unmultimedia.org/photo/

Denis Sassou Nguesso, President of the Republic of the Congo, addresses the general debate of the sixty-fourth session of the General Assembly.
25/Sep/2009. United Nations, New York. UN Photo/Marco Castro. www.unmultimedia.org/photo/

Mais, malgré ces bouleversements, les régimes autoritaires refont souvent surface, à l’image du pouvoir autoritaire réintroduit en Egypte durant le court passage à la présidence de Mohamed Morsi, qui est resté au pouvoir de 2012 à 2014. Ce dernier a néanmoins été élu démocratiquement. D’autres pays n’entrevoient, eux, aucun signe de changement. C’est notamment le cas du Congo Brazzaville, ou Denis Sassou, président de 1979 à 1992, règne à nouveau sur le pays depuis 1997.

Il semble donc que les valeurs traditionnelles de la démocratie mettront du temps à s’installer dans les habitudes des pays du tiers-monde, Afrique en tête. Quelques nations ont malgré tout réussi à assurer une transition présidentielle démocratique. C’est le cas de la Tanzanie, du Ghana, de l’Afrique du Sud, de la Mauritanie, ou encore du Botswana. Les autres nations doivent s’en inspirer.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils