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Débat à l’Université de Neuchâtel autour du renvoi des criminels étrangers

De gauche à droite

Les intervenants et intervenantes du débat. Photo: Voix d’Exils.

A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme, le Centre Suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) a organisé à l’Université de Neuchâtel une conférence-débat sur la question du renvoi des criminels étrangers en lien avec le droit au respect de la vie familiale et le respect du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le mercredi 11 décembre dernier, sous la modération de la journaliste Valérie Kernen, les conseillers d’État neuchâtelois en charge de l’Économie et de l’Action sociale, Jean-Nathanaël Karakash, et vaudois en charge de l’Economie et du Sport, Philippe Leuba, ainsi que la politologue Nicole Wirchmann ont décortiqué ce thème, tout en revenant sur la question de faire cohabiter la sécurité intérieure et le respect des droits fondamentaux. Relevons tout de suite que le Service des migrations (SMIG) de Neuchâtel et l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) dépendent des départements dirigés par Messieurs Karakash et Leuba.

Plus de 2000 étrangers expulsés de Suisse depuis 2008

La politologue Nicole Wirchmann est revenue sur les différents instruments juridiques suisses qui prévoient le renvoi des criminels étrangers et qui protègent les droits de l’enfant. Selon les statistiques qu’elle a fournies, depuis 2008, plus de 2000 criminels étrangers sur le 1,2 million d’étrangers vivant en Suisse ont été expulsés et le pic a été atteint en 2010 avec 550 expulsions. Elle a par ailleurs souligné qu’«un étranger non Européen condamné à une peine privative de liberté de longue durée (12 mois au minimum), ou qui a fait l’objet d’une mesure pénale, peut voir son permis de séjour révoqué et être expulsé de la Suisse. Les Européens, pour être expulsés, doivent constituer une menace réelle et porter une atteinte d’une certaine gravité sur la sécurité de la société ou en cas de récidive». Donc, les Européens jouissent d’une protection très importante. Ensuite viennent les détenteurs d’une autorisation d’établissement (permis C) et les personnes mariées avec des Suisses ou des Suissesses ou ayant des enfants suisses et, enfin, les personnes détentrices d’autorisation de séjour (permis B). En définitive, conclura-t-elle, «plus votre droit de séjourner en Suisse est consolidé, plus votre durée de séjour en Suisse est longue, plus vous êtes protégé contre un renvoi». La politologue a terminé son exposé en précisant que la décision de renvoi d’un étranger criminel est prise par l’autorité cantonale en charge des questions relatives à la migration à la suite d’une action juridique où les cours et tribunaux décident si le renvoi de la personne est légitime ou non. Toutefois, a-t-elle indiqué, la Cour européenne des droits de l’homme n’accepte pas le renvoi des personnes mineures.

Aucun mineur étranger vivant en famille expulsé dans le canton de Vaud

Parlant de la pratique du renvoi des criminels étrangers dans le canton de Vaud, «canton réputé répressif et dur en matière de renvoi des étrangers criminels», selon les termes de la journaliste Valérie Kernen, le Conseiller d’État vaudois Philippe Leuba, en fonction depuis 2007, soutient que «lorsque les conditions légales permettent une révocation d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement, j’ai demandé à mes services d’analyser systématiquement les situations. Pour les détenteurs de permis C, c’est moi personnellement qui assume la révocation et c’est une décision très lourde à prendre, parce que vous touchez de très près la vie humaine dans ce qu’elle a de chair et d’os. Et j’estime qu’il appartient au politique de l’assumer et pas à l’administration. Pour les permis B et N, c’est l’administration qui est compétente en la matière, sous réserve évidemment d’une voie de recours au Tribunal Fédéral. Le taux de validation de nos décisions par le Tribunal Fédéral est très important et on a très peu d’échecs. Nos décisions sont rarement cassées, rendant le renvoi effectif lorsque le pays d’origine de la personne à expulser a signé un accord de réadmission avec la Suisse». S’agissant du renvoi des mineurs, M. Leuba a indiqué qu’il ne connaît pas dans le canton de Vaud de cas d’expulsion de mineurs ayant une famille en Suisse, sauf le cas d’un mineur Africain non accompagné venant d’Italie, renvoyé dans le cadre des accords de Dublin.

S’agissant de «l’amalgame qui assimile les requérants d’asile à des délinquants en puissance», le conseiller d’État Leuba affirme qu’il condamne cet amalgame à travers une politique expliquée, assumée et démontrée et lutte, par ailleurs, contre les politiques de «yakafokon» (ndlr : le yakafokon est une expression qui s’emploie pour critiquer et se moquer des personnes qui proposent à d’autres des solutions simplistes et irréalistes car négligeant des obstacles majeurs), dont l’initiative de l’Union démocratique du centre (UDC) sur le renvoi des criminels étrangers est l’illustration. Pour M. Leuba, «si l’initiative de l’UDC a été acceptée par une majorité de Suisses, c’est parce qu’elle a profité d’un sentiment populaire», relevant tout de même que «lorsqu’on expulse un étranger qui refuse délibérément de respecter notre ordre juridique, c’est comme ça qu’on démontrera qu’on a une politique cohérente et équilibrée».

Approche prudente sur le renvoi des criminels étrangers dans le canton de Neuchâtel

Intervenant en dernier lieu, le conseiller d’État neuchâtelois Jean-Nathanaël Karakash, en fonction depuis mai 2013, a relevé que dans le canton de Neuchâtel, les recours contre les décisions de révocation des autorisations de séjour et d’établissement sont traités par lui. «A Neuchâtel, on applique le droit, en tenant compte de la pesée des intérêts, de l’examen de la proportionnalité au cas par cas, du risque de récidive, de la prise de conscience, de la durée de séjour en Suisse, de la solidité des liens sociaux, de la situation familiale, de la nationalité, de la possibilité du retour au pays, de l’état de santé, de la connaissance de l’infraction, de l’existence des liens de mariage, de l’intérêt des enfants, autant de facteurs qui sont analysés», a-t-il dit, avant de poursuivre : «A Neuchâtel, on est plutôt dans une approche prudente, et si on considère qu’il y a risque de récidive assez faible et un danger limité pour la société d’accueil, on a une possibilité de réexaminer le dossier, plutôt que de voir nos décisions être révoquées. Neuchâtel se trouve dans un arbitrage constant d’allocations de moyens, l’opportunité de déployer un arsenal pour rendre des décisions de recours et pour exécuter les renvois lorsqu’ils sont possibles». Selon M. Karakash, «il est aberrant de gaspiller les fonds publics lorsque la personne qu’on a renvoyé de la Suisse y retourne au même moment que les personnes qui ont exécuté son renvoi». Il s’interroge aussi sur la pertinence des lenteurs de dispositifs qu’on met en place pour forcer les renvois.

Quid du renvoi d’un père de famille ?

Au cours du débat, répondant à une question de l’avenir de la famille en cas de révocation du permis de séjour et d’expulsion du père, M. Leuba a noté que dans le canton de Vaud, «si c’est le père qui est expulsé, la famille a la possibilité de le suivre, mais ce n’est pas parce qu’on révoque le permis B ou C de Monsieur Dupont, que celui de Madame Dupont doit aussi tomber. Le traitement est individualisé et ne concerne pas les autres membres de la famille». Cependant, a-t-il précisé, «pour une personne mineure, la procédure d’expulsion est collective car un mineur ne peut être séparé de ses parents».

Évoquant la mise en œuvre de l’initiative de l’UDC sur le renvoi des criminels étrangers, votée le 28 novembre 2010 et adoptée par 53% des citoyens ayant participé au scrutin, les trois orateurs ont unanimement reconnu des difficultés d’application, car l’initiative entre en conflit avec le droit international, surtout sur les points qui contreviennent à des principes fondamentaux comme ceux de la proportionnalité et des droits de l’homme. Il y a également le problème des ressortissants des pays dont la Suisse n’a pas signé d’accords de réadmission.

Pour la politologue Wirchmann, le débat sur le renvoi des criminels étrangers fait apparaître un conflit entre le renvoi, les considérations de la famille et l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle souligne qu’il y a globalement un conflit entre les droits de l’homme et la démocratie et entre le droit national et le droit international.

Pour M. Karakash, «on ne peut pas appliquer l’initiative UDC comme telle. La population l’a votée en connaissance de cause en sachant qu’elle ne serait pas applicable». Pour M. Leuba, «le peuple était informé mais n’en a pas tenu compte, il faut que la population ait la conviction qu’une politique normale est possible ».

Position du Tribunal fédéral

En fin de débat, la position du Tribunal fédéral (TF), qui refuse l’application de l’initiative de l’UDC parce qu’elle viole le droit international, a été expliquée. Dans sa jurisprudence du 12 octobre 2012, le TF affirme que le droit international impératif prime sur le droit national, qu’il soit constitutionnel ou légal. Or, le droit international parle de la proportionnalité en cas de renvoi, tandis que la Constitution suisse parle de l’automaticité du renvoi des criminels étrangers. D’où la nécessité, pour les autorités cantonales en charge des questions relatives à la migration, d’appliquer la Constitution et le droit pénal suisses avec le risque de voir en cas de recours leurs décisions cassées par le TF ou la Cour européenne des droits de l’homme.

Fin novembre 2013, le Conseil fédéral prévoyait de revoir le texte de l’initiative afin de le conformer au droit international impératif et mi-février 2014, la Commission des institutions politiques du Conseil des États a décidé de reprendre la grande majorité des propositions de l’UDC pour mettre en œuvre le renvoi des criminels étrangers.

Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




«Le débat public sur l’asile et la migration doit cesser d’être envenimé par des campagnes populistes»

M. Jean-Nathanaël Karakash, Conseiller d’État neuchâtelois. Auteur: canton de Neuchâtel

M. Jean-Nathanaël Karakash, Conseiller d’État neuchâtelois, chef du département de l’Économie et de l’Action sociale .

Jean-Nathanaël Karakash est conseiller d’État et chef du département de l’Économie et de l’Action sociale du canton de Neuchâtel depuis le 19 mai 2013. Le Service des Migrations (SMIG) du canton de Neuchâtel dépend de son département et, avec Voix d’Exils, il évoque les différents sujets concernant l’asile dans son canton. Entretien.

Le centre d’accueil de requérants d’asile de Perreux (CAPE) a été ouvert fin janvier 2012 pour désengorger les centres d’accueil de Couvet et Fontainemelon et, surtout, recevoir des requérants d’asile récalcitrants. Moins de deux ans après son ouverture, le CAPE est fermé par le canton de Neuchâtel pour être transformé en un centre fédéral géré par la Confédération. Peut-on connaître la raison de cette fermeture?

Jean-Nathanaël Karakash: Le centre de Perreux a été ouvert alors que le premier accueil était totalement débordé. Il s’agissait d’offrir des conditions d’accueil décentes aux personnes qui étaient précédemment placées dans des abris communaux. Dès le départ, le centre devait être temporaire. Les problèmes sont venus du fait que le canton n’avait pas d’expérience récente dans la gestion d’un centre de cette taille. Les moyens nécessaires n’ont pas été correctement évalués et le centre s’est rapidement retrouvé en situation de crise. Après que les moyens d’encadrement ont été adaptés aux besoins, le centre a fonctionné normalement.

Cependant, en 2013, la Confédération a lancé un grand projet de réorganisation du domaine de l’asile visant l’accélération des procédures et prévoyant, qu’à terme, 60% des requérants seraient accueillis dans des centres fédéraux. Pour le canton, cela signifie qu’il faut se préparer à une diminution progressive des places de premier accueil. Parallèlement, la Confédération doit augmenter ses propres capacités d’accueil et recherche donc des lieux pour installer ses nouveaux centres. L’idée est donc venue de faire de Perreux un centre fédéral. Si, actuellement, les centres de Couvet et Fontainemelon sont pleinement occupés, le déploiement de la réorganisation fédérale devrait en principe permettre au canton de fonctionner durablement dans de bonnes conditions, avec ces deux seuls centres.

Quant à la question des requérants dits « récalcitrants », le Conseil d’État ne croit pas que la réponse se trouve dans la création de structures spécifiques mais, plutôt, dans un accompagnement et un dialogue renforcés.

Avec la fermeture du CAPE, Neuchâtel ne dispose plus que de deux centres cantonaux de requérants d’asile avec une capacité cumulée de 160 requérants d’asile et ce chiffre va encore être revu à la baisse, en fonction du nombre de personnes qui seront placées sous la responsabilité de la Confédération à Perreux. Peut-on dire que Neuchâtel évite les requérants d’asile ?

La conduite de la politique d’asile relève de la Confédération en premier lieu. Ce n’est pas le canton de Neuchâtel qui a décidé de la réorganisation de la politique fédérale! Il n’y a donc aucune volonté de l’État d’éviter les requérants, mais, au contraire, d’offrir un accueil décent à toutes les personnes qui sont placées sous la responsabilité du canton.

Le canton de Neuchâtel accueille aujourd’hui environ 900 personnes en procédure d’asile. Quelle politique mettez-vous en place pour faciliter leur intégration dans la société neuchâteloise et éviter que leur état mental ne se détériore ? Comme le cas d’un requérant d’asile algérien qui s’est suicidé fin juillet 2013 à Fontainemelon, en attendant une décision de l’Office fédéral des migrations (ODM).

Les mesures déployées en matière de soutien à l’intégration sont déjà nombreuses et elles seront encore renforcées à l’avenir. Que ce soit avec l’augmentation du nombre de travaux d’utilité publique organisés dans le cadre du premier accueil, ou de l’optimisation de l’utilisation des forfaits d’intégration au travers du Programme d’intégration et de connaissances civiques (PIC), le nouveau programme d’intégration cantonal. En outre, l’enseignement du français sera renforcé, aussi bien au profit des personnes en premier accueil qu’en second accueil, avec les enseignants qui travaillaient précédemment au centre de Perreux.

Quant au tragique cas du suicide évoqué, il n’a pas été déclenché par une décision négative qui aurait été rendue. L’encadrement et l’ambiance à l’intérieur du centre de Fontainemelon ne sont pas non plus en cause. Mais, il est clair que les traumatismes vécus par les requérants dans leur pays laissent des traces parfois insurmontables, malgré les efforts déployés pour offrir un accompagnement à chacun.

Au début du mois de février 2013, trois mois avant votre entrée en fonction, le canton de Neuchâtel cherchait des fonds pour mieux gérer l’asile. Ces fonds ont-ils été trouvés ?

C’est un travail permanent auquel s’attachent les services concernés. Nous tentons constamment de nous adapter pour faire face à des situations qui changent rapidement en fonction des situations de conflits et des crises humanitaires qui éclatent tout autour de la planète. Ce processus d’amélioration continue ne sera jamais terminé.

Trois mois après leur demande d’asile en Suisse, les requérants d’asile, au bénéfice d’un permis N, ont le droit de travailler pour devenir autonomes financièrement. Mais leurs demandes d’emplois sont souvent refusées par les employeurs. Les requérants d’asile ont l’impression que l’autorité cantonale ne fournit pas assez d’efforts pour inciter les employeurs à engager des requérants d’asile. Qu’en dites-vous ?

Le canton souffre du taux de chômage le plus élevé de Suisse. Il est donc difficile pour tout le monde de trouver du travail et la concurrence est forte pour chaque poste proposé. L’État fait ce qu’il peut pour appuyer toutes les personnes qui recherchent un emploi et promouvoir l’intégration des migrants. Or, même si c’est difficile, c’est d’abord aux personnes concernées qu’il appartient de rechercher du travail.

Une quarantaine de requérants d’asile non- francophones viennent de suivre, pendant cinq mois, des cours de français dispensés par des étudiants bénévoles et le personnel administratif de l’Université de Neuchâtel (UniNE) dans le cadre du projet « Français pour tous ». Comment appréciez-vous cette initiative de l’UniNE, surtout que les requérants d’asile en second accueil n’ont pas de programme de formation pour leur intégration.

De telles démarches citoyennes sont évidemment positives et doivent être saluées. Cela dit, le renforcement de l’accompagnement en deuxième accueil est envisagé actuellement.

Que pensez-vous de Voix d’Exils ?

C’est un blog très bien fait et aussi je suis très intéressé de découvrir certaines des interviews qui avaient déjà été publiées. Félicitations, belle réussite et j’espère que ça puisse se poursuivre.

Votre mot de la fin

Je souhaite que le débat public sur la migration et, en particulier, sur l’asile cesse d’être envenimé par des campagnes populistes dictées par des intérêts politiques partisans indignes d’un pays démocratique. Sans se voiler la face quant aux difficultés objectives posées par la migration et l’intégration, il est urgent de replacer la promotion des droits humains au cœur des priorités de l’État, aussi bien en Suisse qu’à l’échelle européenne.

Paul Kiesse

Journaliste, membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




«L’histoire montre que face à de grandes menaces climatiques ou environnementales, c’est souvent le scénario «collaboration – solidarité» qui se met en place»

Étienne Piguet, Professeur à l'Université de Neuchâtel

Étienne Piguet, Professeur de géographie à l’Université de Neuchâtel. Photo: Bamba, Voix d’Exils

Le 11 mars 2014 a marqué les trois ans de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Depuis le début de l’extraction des barres de combustible radioactif de la piscine du réacteur numéro 4 de la central nucléaire, l’an dernier, il n’y a plus eu d’information explicite sur le sort des populations déplacées qui habitaient à proximité de la centrale nucléaire. Alors que « dans la préfecture de Fukushima, près de 30’000 personnes vivent encore dans des logements temporaires » (Le Temps, 11.03.2014), les autorités japonaises annoncent que la levée formelle de l’ordre d’évacuation prendra effet le 1er avril 2014. Celle-ci concerne quelques centaines de personnes dont le domicile est à une vingtaine de kilomètres de la centrale nucléaire. Pour cerner les enjeux de cette migration à la fois écologique et climatique, Voix d’Exils a rencontré Etienne Piguet, Professeur de géographie et spécialiste des flux migratoires à l’Université de Neuchâtel.

Voix d’Exils : Pouvez-vous faire le point sur la question des personnes déplacées du site de Fukushima ?

Etienne Piguet : Le cas Fukushima, tout comme celui de Tchernobyl et d’autres accidents technologiques, pose la question de la distinction entre déplacement de populations et migration. Il ne s’agit pas de dire que l’un est plus grave que l’autre, mais il y a une grande différence selon que les personnes doivent quitter leur lieu d’habitation pour quelques jours, quelques années ou définitivement. Les catastrophes nucléaires, ou plus généralement « écologiques » ont la particularité de contaminer souvent les terrains pendant longtemps, ce qui contraste avec des phénomènes « environnementaux » comme les ouragans qui permettent de reconstruire sur place.

Débris des étages supérieurs de l'Unité 4 de la centrale de Fukushima à côté du bâtiment. Photo: IAEA Imagebak, CC BY-NC-ND 2.0

Débris des étages supérieurs de l’Unité 4 de la centrale de Fukushima à côté du bâtiment. Photo: IAEA Imagebak, (CC BY-NC-ND 2.0.)

Quelle est la différence entre une catastrophe climatique et une catastrophe écologique ?

Il n’y a pas de consensus sur les définitions, ce qui rend les choses un peu compliquées. Mais on peut considérer qu’il y a, d’un côté, des catastrophes « écologiques » qui sont les accidents technologiques du style Fukushima ou Bhopal, en Inde, où finalement c’est une infrastructure créée par l’homme qui pose un problème de manière directe. Et puis, il y aurait de l’autre côté les aléas « environnementaux » qui ne seraient pas directement créés par l’homme, comme un ouragan ou la montée du niveau des mers, mais qui peuvent l’être indirectement via les changements climatiques. En termes de gravité, on ne peut pas dire que l’un présente un degré plus aigu que l’autre. Ce qu’on peut comparer, c’est la durée probable du déplacement des populations.

Quel est le statut de ces réfugiés dits « climatiques » ou « écologiques » ?

Je réfute le terme de « réfugié climatique », parce qu’il donne l’idée d’une cause unique qui serait le climat et qui aurait forcé les personnes à fuir. Il engendre, en outre, une confusion avec les autres réfugiés. On pourrait, par contre, distinguer les « déplacés environnementaux » qui seraient liés à des processus naturels, et les « déplacés écologiques », qui seraient plutôt dus à des catastrophes de type Fukushima. Là où je verrais une différence, c’est dans la possibilité d’établir des responsabilités qui, ensuite, pourraient avoir des conséquences en termes de dédommagement ou d’assistance. C’est clair qu’il semble plus facile d’établir des responsabilités dans le cas d’un déplacement de type écologique que dans un déplacement de type environnemental.

Les déplacés environnementaux retournent-ils chez eux après la catastrophe ?

Oui, le plus souvent, mais si on prend le cas de la migration après l’ouragan Katrina aux États-Unis, on note que, si beaucoup de gens ont quitté la Nouvelle Orléans, tous ne sont pas revenus. Cela est autant dû aux problèmes de discrimination et à la difficulté de retrouver un emploi qu’à la catastrophe elle-même.

De quelle protection bénéficient ces populations déplacées ?

Le droit international des réfugiés ne prévoit pas ce type de cas. Pour combler cette lacune, il y a différents courants. Premièrement, ceux qui proposent de créer un statut. Deuxièmement, ceux qui proposent d’intégrer ces facteurs de fuite dans la convention qui existe déjà (Convention de 1951 sur les réfugiés). Un troisième courant tend plutôt à développer une sorte de code de bonnes pratiques par rapport à ces migrants en améliorant l’assistance humanitaire, quel que soit le statut des personnes prises en charge, sans constituer une nouvelle catégorie spécifique.

Si un réfugié demandait l’asile en Suisse pour raison de sécheresse dans son pays, que se passerait-il ?

Dans l’état actuel des conventions, cette personne ne pourrait pas obtenir l’asile, car ce motif ne rentre pas dans le cadre de la loi sur l’asile. De la même manière qu’une personne ne peut pas se prévaloir d’être un réfugié de la pauvreté, même si, par ailleurs, dans certaines circonstances, il peut courir un risque pour sa vie. Ce qui se pratique dans certains pays, c’est une garantie de non-refoulement temporaire lorsqu’une catastrophe écologique ou environnementale survient. Lors de l’ouragan Mitch au Honduras et au Nicaragua en 1998, les États-Unis ont activé cette clause de leur législation. Cela a permis à ces ressortissants de rester plus longtemps que prévu aux États-Unis, où ils séjournaient, pour ne pas surcharger par leur retour l’infrastructure déjà très affectée de leur pays. On a pas d’exemple ce type ni d’instrument légaux correspondant en Suisse.

les étages supérieurs de l'Unité 4 de la centrale de Fukushima qui ont été endommagés par une explosion d'hydrogème. Photo: IAEA Imagebank CC BY-NC-ND 2.0

Les étages supérieurs de l’Unité 4 de la centrale de Fukushima qui ont été endommagés par une explosion d’hydrogème. Photo: IAEA Imagebank (CC BY-NC-ND 2.0).

Quelle sont les solutions qui se profilent pour ces personnes chassées de chez elles par la faim ou une catastrophe ?

Notre système d’octroi du statut de réfugié a déjà du mal à s’imposer en cas de violences politiques. C’est difficile pour les requérants de faire valoir ce motif. Si, en plus, on inclut des critères liés aux aléas environnementaux, on augmente le nombre de personnes qui pourraient solliciter la protection et on court le risque d’inciter paradoxalement les pays d’accueil à se fermer encore plus. Un argument vraiment pragmatique consiste à dire que la solution réside plutôt dans l’amélioration de la protection sur place, à proximité, en privilégiant une plus grande solidarité.

Les dégradations environnementales peuvent-elles engendrer des cercles vicieux de conflits et de migrations ?

Les dégradations environnementales engendrent un certain nombre de pénuries et de tensions dans les sociétés qui en sont frappées. Prenons le cas des pays habités par des groupes sédentaires et des groupes nomades. Vous avez déjà une certaine compétition pour l’espace, puisque d’un côté il faut de l’espace pour faire paître les troupeaux et de l’autre pour les cultures. Les sédentaires voient d’un mauvais œil les troupeaux arriver parce qu’ils cassent les barrières. Si, en plus, des tensions se développent parce qu’il y a moins d’herbe disponible et que les rendements sont plus bas, cela risque d’engendrer des conflits. C’est le début d’un cercle vicieux, puisqu’on va aussi utiliser des ressources pour le conflit, alors qu’on pourrait les utiliser pour faire face aux aléas environnementaux mais cela n’a rien d’une fatalité.

Qui sont les principales victimes des catastrophes écologiques et environnementales?

A première vue, on pourrait considérer que ce sont les migrants alors que, en fin de compte, ils sont parfois dans la moins mauvaise situation, puisqu’ils arrivent à se déplacer et finalement à éviter les pires conséquences. Ceux qui sont bloqués sur place, sont alors les principales victimes, soit de conflits et de cercles vicieux, soit simplement des catastrophes écologiques ou environnementales elles-mêmes. On le voit bien avec Katrina aux États-Unis, c’est principalement la classe aisée qui disposait de voitures, ou même parfois de résidences secondaires ailleurs, qui a pu fuir. Et ce sont les minorités défavorisées qui ont été coincées sur place et ont parfois payé de leur vie le fait de ne pas pouvoir se déplacer. De manière générale, ceux qui ont le moins de ressources, que ce soit en termes de capital économique ou social, paient évidemment le prix fort.

La croissance mondiale, les changements climatiques et le lobby nucléaire ne risquent-ils pas de créer des conflits ?

Dans des systèmes démocratiques, on a peu de famines effectives. Avec une bonne gestion politique, on peut nourrir des densités de population extrêmement élevées. Cela devient problématique quand on a d’un côté des déplacés environnementaux et de l’autre un système corrompu au service d’une minorité qui veut faire des profits à court terme.

Des travailleurs dans le principal centre de commande du site de Fukushima Daiichi. Photo: IAEA Imagebank (CC BY-NC-ND 2.0)

Des travailleurs dans le principal centre de commande du site de Fukushima Daiichi. Photo: IAEA Imagebank (CC BY-NC-ND 2.0)

La prise de conscience globale est-elle à la hauteur des risques encourus aujourd’hui?

Il y a actuellement une prise de conscience planétaire. A côté de toute une série de signes très inquiétants, il y a aussi toute une série de signes qui montrent qu’un scénario optimiste n’est pas exclu. Est-ce que le processus de prise de conscience va aller plus vite que les dégradations ? Le siècle à venir va être absolument crucial à ce sujet, mais il reste difficile de faire des pronostics. Des exemples historiques montrent que face à des grandes menaces, il n’y pas que le mécanisme « pénurie-compétition-conflit » qui se met en place, qui est le scénario terrible, mais aussi le scénario « collaboration-solidarité » qui permet le rapprochement d’individus et d’États qui, auparavant, pouvaient se considérer comme des ennemis pour toute une série de raisons. On peut penser par exemple à la sécheresse de 1973 au Sahel. C’est aussi une des raisons pour lesquelles le GIEC a reçu le prix Nobel de la paix.

Est-il possible de changer les choses aujourd’hui ?

Il y a vraiment deux fronts : répondre adéquatement en termes de protection des populations avant une catastrophe, et répondre en termes d’assistance aux populations après une catastrophe. Au Japon, par exemple, le degré de préparation aux tremblements de terre est traditionnellement très élevé et se manifeste jusque dans la conception de l’architecture des bâtiments. Cela permet de limiter massivement les pertes humaines et aussi les déplacements de populations. Le Bangladesh a mis en place des infrastructures d’alertes rapides en cas d’ouragans qui permettent de réagir efficacement. On a aussi, bien sûr, toute la question de la limitation de causes de catastrophes telles que les émissions de CO2 et la lutte contre le réchauffement climatique. Il y a encore, à l’échelle mondiale, un potentiel d’amélioration énorme dans les domaines de la lutte contre les causes, la protection des populations et l’assistance après un désastre.

Des employés de TEPCO Fukushima Daiichi Nuclear Power travaillant parmi les citernes de stockage d'eau radioactive de la centrale. Photo: IAEA Imagebank CC BY-NC-ND 2.0.

Des employés de TEPCO Fukushima Daiichi Nuclear Power travaillant parmi les citernes de stockage d’eau radioactive de la centrale. Photo: IAEA Imagebank (CC BY-NC-ND 2.0).

Lorsque les déplacés reviennent sur les lieux de la catastrophe, comment arrivent-ils à reconstruire leurs vies ?

On a des cas de figure où l’aide internationale génère une dynamique économique. La reconstruction se fait alors de manière rapide et efficace. Dans le cas du tsunami qui a frappé le Sri Lanka, il y a sept ou huit ans, on a assisté, non seulement à un retour des personnes déplacées, mais aussi à une augmentation de la population, parce qu’il y a eu des créations d’emplois et une relance de la dynamique économique. Mais il y a aussi des situations inverses, comme à Haïti, où l’aide promise n’arrive pas à destination ou, si elle arrive, est détournée. Ce qui demeure malgré tout, c’est une impressionnante volonté de reconstruction de la part des populations concernées, y compris parfois dans des zones à risque. Les gens préfèrent revenir, parce que c’est la terre de leurs parents, de leurs grands-parents, qu’ils ont toujours vécus là, et qu’ils ont un attachement très fort à leur lieu de vie. Parfois, il est impossible de reconstruire et on propose aux déplacés un nouveau village quelques kilomètres plus loin dans une zone moins dangereuse. Dans ce cas, il faut vraiment que les gens soient associés au processus de manière démocratique, sinon ils ne reviennent jamais, comme en Colombie, où la petite ville de Gramalote a été emportée par un énorme glissement de terrain. Un nouveau lieu a été trouvé à quelques kilomètres pour reloger les gens, mais une partie d’entre eux a préféré se rendre dans la capitale pour essayer de trouver du travail.

Est-ce que l’exode massif dans un pays voisin pourrait créer des problèmes de racisme ou de fermeture des frontières?

Il n’y a pas d’automatisme. Il est essentiel d’instaurer des politiques d’accompagnement pour que les personnes qui voient arriver les victimes de catastrophes n’aient pas l’impression d’être défavorisées par rapport à elles. On voit que, dans certains contextes, les capacités d’accueil sont très bonnes et que l’afflux de migrants a des impacts économiques positifs car ils dynamisent la société d’accueil. Malheureusement, il y a aussi des moments de crispation et de rejet.

Bamba

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Agenda

Témoignage de Naoto Matsumura, le dernier habitant de Tomioka, aujourd’hui à Lausanne

image-logo-bleu-noir-hep-vaudLe 18 mars 2014 à la HEP Vaud, Naoto Matsumura, dernier habitant de Tomioka, petite ville située dans la zone des 20km autour de la centrale nucléaire de Fukushima, viendra nous parler du destin qu’il a choisi en décidant de ne pas évacuer. Il sera accompagné d’Antonio Pagnotta, photographe et journaliste, qui lui a plusieurs fois rendu visite dans la zone interdite. Une vingtaine de ses photos seront exposées à la HEP Vaud dès le 13 mars.

« J’ai beaucoup de temps pour penser. Il est triste de voir ma ville natale sombrer, mais je ne déserterai pas. La centrale nucléaire m’a tout pris, ma vie et mes biens. Rester ici, c’est ma façon de combattre pour ne pas oublier, ni ma colère ni mon chagrin.

Naoto Matsumura, cité par Antonio Pagnotta dans « Le Dernier Homme de Fukushima ».

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Malgré son mépris absolu pour les droits de l’homme, la Chine devient membre du HRC

Un dessin produit par la rédaction neuchâteloise de Voix d'Exils.

Un dessin réalisé par Gonch, membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils.

«Tous les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en droits», affirme la première phrase du préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’Assemblée générale des Nations Unies a trahi ce principe fondateur en nommant la Chine 47ème membre du Conseil des droits de l’homme (HRC).

Le Conseil des droits de l’homme (HRC) est le principal mécanisme des Nations Unies pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Pourtant, le 12 novembre 2013, lors de sa 68ème session, l’Assemblée Générale des Nations Unies a décidé de faire entrer la Chine – considérée comme l’un des plus grands violateurs des droits humains– en tant que 47ème membre du HCR. Cette décision pose la question de la crédibilité et de la viabilité de cette institution censée être la gardienne et la promotrice des droits humains.

Manipulations politiques et économiques

L’entrée de la Chine au HRC a déçu et consterné non seulement les Tibétains et leurs partisans, qui ont fait campagne contre cette nomination, mais aussi toutes celles et ceux qui chérissent les droits de l’homme. Quand l’offense aux droits de l’homme est délibérée, lorsque l’homme fou prétend être sage, quand le non-respect des droits de l’homme par la Chine est volontairement ignoré, quand la Chine, grâce à ses manipulations politiques et économiques, a trouvé sa place au HRC, l’accumulation de ces signaux nous dit qu’il est temps de se réveiller.

La Chine: l’un des plus grand agresseurs des droits de l’Homme

N’oublions pas que plus d’un million de Tibétains sont directement ou indirectement morts suite à l’occupation brutale du Tibet par la Chine. 6000 monastères ont été détruits selon International Campaign for Tibet. De nombreux Tibétains sont toujours emprisonnés, notamment dans la tristement célèbre prison de Drapchi à Lhassa, la plus grande du Tibet. Le journal tibétain Phayul affirme que, depuis 2009, 126 personnes se sont immolées, une des plus hautes formes du sacrifice pour les Tibétains. Pourquoi se sont-elles immolées? La Chine doit une explication.

Lorsque la Chine est l’un des six États considérés par les observateurs des droits de l’Homme comme les plus grands agresseurs des droits humains, son entrée au HRC blesse la crédibilité des observateurs internationaux des droits humains. «C’est un jour noir pour les droits de l’homme [….] Élire la Chine comme juge en matière de droits de l’homme au niveau mondial c’est comme demander à un renard de garder des poules» a souligné Hille Neuer, directeur de l’ONG UN Watch et spécialiste des droits de l’Homme.

Dans sa déclaration officielle, le gouvernement tibétain en exil a exhorté les États membres de l’ONU à tenir la Chine pour responsable des incessantes violations des droits de l’homme au Tibet et responsable vis-à-vis des engagements qu’elle a pris.

L’omnipotence chinoise

53 années ont passé depuis l’occupation brutale du Tibet par la Chine. Aujourd’hui, elle est devenue très puissante: chaque nation poursuit une politique d’apaisement de ses relations avec la Chine et craint de la déranger parce que cela pourrait avoir un impact négatif sur ses exportations. Cela met les Tibétains dans une situation abyssale. La question du Tibet n’est pas un problème seulement pour les Tibétains, mais aussi pour le monde entier car le Tibet est considéré comme le quatrième plus grand réservoir d’eau douce de la planète du fait de sa couverture de glace.

Le fait que la Chine ait trouvé sa place dans le HRC signale t-il un nouvel engagement de sa part? Nous ne pouvons que l’espérer. Mais, pour les Tibétains, il est temps de s’unir et de s’élever contre les violations des droits humains au Tibet.

Gonch

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Des femmes migrantes exposent au centre socioculturel Pôle Sud

Oeuvre produite par l'une des participantes de l'atelier organisé par l'association MYRIADES.

Œuvre produite par l’une des participantes de l’atelier organisé par l’association MYRIADES.

Agenda – Lausanne

Une exposition de tableaux réalisés par des femmes migrantes dans le cadre d’ateliers de couture mis en place par l’association MYRIADES se tiendra du 12 au 29 mars 2014 dans les locaux du centre socioculturel Pôle Sud à Lausanne.

MYRIADES est une association à but non lucratif qui regroupe des femmes migrantes vivant en situation précaire. Par ses ateliers de couture bimensuels, animés par Karin Povlakic, juriste au Service d’aide juridique des exilés (SAJE), ces femmes ont l’occasion d’exprimer leur ressenti de la migration au travers de tableaux confectionnés à la main avec du tissu cousu sur toile. Plusieurs thèmes – comme les centres d’hébergement – sont ainsi représentés avec, en filigrane, l’impact psychologique de l’asile sur leur vie.

Le vernissage de l’exposition aura lieu le samedi 15 mars de 13h à 16h.

Gisèle

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Informations

Horaires d’ouverture de l’exposition :

Mardi :            9h-12h            16h-20h

Mercredi :        16h-20h

Jeudi :              9h-12h            16h-20h

Vendredi :        9h-12h            16h-18h30

Samedi :           13h-17h

 

Coordonnées du centre socioculturel Pôle Sud:

Pôle Sud

Av Jean-Jaques Mercier 3

1003 Lausanne

Tél : 021 311 50 46

info@polesud.ch