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Guerre ouverte entre l’Union Africaine et la Cour pénale internationale

La Cour pénale internationale. Photo: josef.stuefer.  (CC BY-NC-ND 2.0)

La Cour pénale internationale. Photo: josef.stuefer
(CC BY-NC-ND 2.0)

Le samedi 5 octobre dernier, à l’occasion d’une session extraordinaire, l’Union Africaine (UA) a demandé l’ajournement des procédures engagées par la Cour pénale internationale (CPI) contre deux têtes de l’exécutif kenyan pour crimes contre l’humanité.

La CPI est accusée d’être impérialiste et raciste par l’UA ; et plus particulièrement par le Premier ministre éthiopien Hailemarian Desalegn.

La Cour pénale internationale et l’Union Africaine

Fondée par le Statut de Rome en juillet 1998 sous l’impulsion des Nations Unies et officiellement instituée le 1er juillet 2002 lors de l’entrée en vigueur du Statut de Rome, la Cour Pénale Internationale est une organisation internationale indépendante, qui n’appartient pas au système des Nations Unies. Il s’agit d’une juridiction permanente dont le but est de contribuer à mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale.  Elle ne se substitue pas aux tribunaux nationaux des États membres de la CPI et elle est saisie qu’en dernier recours : en cas d’incompétence d’un État à organiser un procès juste et équitable.

Quant à l’Union Africaine, il s’agit d’une organisation d’États africains créée en 2002, à Durban en Afrique du Sud, en application de la déclaration de Syrte du 9 septembre 1999. Ses buts sont d’œuvrer à la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et du développement à travers l’Afrique, surtout par l’augmentation des investissements extérieurs par l’intermédiaire du programme du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD).

La CPI et les dirigeants africains

Cette cour pénale a une relation très particulière avec l’Afrique car, depuis sa création, elle a en ligne de mire 29 dirigeants Africains. Notamment Laurent Gbagbo, ex-président de la Côte d’Ivoire, ou William Ruto actuel vice-président du Kenya.

Lors de sa session extraordinaire du 5 octobre, l’UA a émis le souhait de se retirer de la CPI «qui ne fait que juger les Africains» selon ses dires… Cette intention a fait couler beaucoup d’encre et des voix se sont élevées pour s’opposer à ce projet. Pour Desmond Tutu, défenseur des droits humains sud-africain, «Nous devons unir nos forces et interpeller les voix responsables au sein de l’UA – le Nigeria et l’Afrique du Sud – pour s’interposer afin de garantir que les persécutés restent protégés par la CPI».

Davis Malombe, vice-directeur de la commission kenyane des droits de l’homme, n’est pas en reste car il estime que la demande d’ajournement des procédures «n’était rien d’autre qu’une nouvelle tentative de faire dérailler et retarder la justice pour les victimes kényanes». Il souligne par ailleurs que des requêtes similaires avaient déjà été refusées et devraient l’être à nouveau. Quant à Koffi Annan, ancien Secrétaire Général des Nations Unies, sa position est que le débat visait davantage à protéger les leaders que les victimes.

Se retirer de la CPI pour se mettre à l’abri

Notre regard de journalistes nous permet de lever une voix critique contre cette décision de l’UA. Ce sommet aurait pu être dédié à une réflexion approfondie sur les maux qui minent le continent notamment la misère, la famine, l’emploi des jeunes ou l’absence de gouvernance démocratique. Qui plus est, au lendemain du dernier naufrage de Lampedusa, l’Afrique n’a même pas observé de journée de deuil en mémoire de ses enfants disparus mais a essayé de se soustraire à la justice internationale.

L’enjeu est donc bien, selon nous, que le retrait de la CPI de l’UA permettrait aux dictateurs d’exercer leur pouvoir en toute impunité. Et c’est bien l’exercice de ce pouvoir sans limite qui fait que des milliers d’Africains prennent des risques considérables pour quitter leur pays.

Hervé, Serge et Balla

Membres de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils