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Tisser des liens entre les Bellerins et les requérants de Bex à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés

Le traditionnel repas multiculturel de la fête de Bex. Photo: Voix d'Exils

Le traditionnel repas multiculturel de la fête de Bex. Photo: Voix d’Exils.

La Journée mondiale des réfugiés a réuni, dimanche 23 juin, les résidents du foyer Evam et des habitants de la ville de Bex dans une ambiance festive et détendue.

Organisée conjointement par le Groupe d’appui aux réfugiés (GAR) et le foyer Evam de Bex, la journée des

Annelise Cretton,  membre du Groupe d’appui aux réfugiés. (GAR)

Mme Annelise Cretton, membre du Groupe d’appui aux réfugiés. (GAR)

réfugiés s’est voulue fédératrice. Musique, clown, magicien, peinture et plats gourmands ont fait la joie des petits et des grands.

Annelise Cretton, membre du GAR, a rappelé que la rencontre avait pour objectif de tisser des liens entre les Bellerins et les résidents du foyer Evam. La journée se voulait aussi être une parenthèse pour permettre aux migrants de mettre provisoirement de côté les difficultés et les souffrances de l’exil. Annelise Cretton a incité les participants à aller les uns vers les autres pour poser des questions, parler de leurs craintes car, selon elle, si celles-ci sont « partagées elles peuvent être dépassées ! »

M Erich Dürst, directeur de l'EVAM. Photo: Voix d'Exils

M. Erich Dürst, directeur de l’EVAM. Photo: Voix d’Exils

Le directeur de l’Evam, Eric Dürst, a débuté son allocution par une description de l’évolution internationale du phénomène migratoire, en s’appuyant sur des statistiques américaines. Selon ces chiffres, les déplacements de populations ont atteint un record historique en 2013, car 45 millions de personnes à travers le monde ont dû quitter leur foyer pour fuir les violences et les guerres. Parmi elles, 29 millions se sont déplacées à l’intérieur des frontières de leurs propres pays et 15 millions ont dû traverser la frontière de leur pays pour se mettre en sécurité. 80% des personnes ayant migré en 2013 se trouvent dans des pays proches du pays qu’elles ont dû quitter. Le directeur a conclu son intervention en mentionnant qu’une petite poignée de ces migrants a trouvé refuge à Bex.

Voix d’Exils a rencontré sur place Christine Blatti Villalon, responsable du secteur Est à l’Evam et membre

Mme Christine Blatti Villalon, cheffe du secteur Est de l'EVAM. Photo: Voix d'Exils

Mme Christine Blatti Villalon, responsable du secteur Est de l’EVAM. Photo: Voix d’Exils

du comité d’organisation de la fête.

Voix d’Exils : Pourquoi avoir organisé cette fête le 23 juin ?

Christine Blatti Villalon : La Journée mondiale des réfugiés a lieu le 20 juin. Mais, pour des raisons pratiques, nous l’avons fêtée le 23 juin, parce que c’est un dimanche et que les bénévoles ainsi que les visiteurs extérieurs sont plus disponibles.

En quoi cette fête est importante pour les requérants du foyer Evam de Bex ?

Pour eux, c’est important de se montrer sous un angle différent et de pouvoir offrir quelque chose de leur culture d’origine, comme des plats et des musiques. Ce sont des gestes qui viennent du cœur et qui touchent les personnes auxquelles ils sont destinés.

Depuis combien de temps cette fête est-elle organisée dans le centre au Bex ?

Depuis l’ouverture du centre en 1982, la fête a eu lieu presque chaque année.

Quel est votre message en cette journée des réfugiés ?

Je crois que dans ce foyer, qui compte 180 personnes, il est important d’avoir conscience que chaque fois que quelqu’un fait quelque chose c’est tout le foyer qui est concerné. Si quelqu’un fait quelque chose de bien, le retour sur le centre est positif, mais si quelqu’un fait quelque chose de mal, le retour sur le centre est négatif.

Lamin et Samir

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Les tours de magie captivent l'attention des enfants. Photo: Voix d'Exils.

Les tours de magie captivent l’attention des enfants. Photo: Voix d’Exils.

Les ennuis des enfants s’en vont comme par magie

La Journée mondiale des réfugiés qui s’est déroulée au centre de Bex cette année a aussi été très importante pour les enfants du foyer. Pourquoi ? Parce que presque tous les enfants ont trouvé ce jour-là le bonheur, notamment grâce aux nombreux tours de magie du prestidigitateur qui a animé la fête. Ce dernier les a tellement captivé qu’il a même réussi à les faire participer à quelques-uns de ses tours !

Lamin




Une fête de quartier pour célébrer le melting pot yverdonnois

L'atelier proposant une balade sur le dos d’un âne. Photo: Voix d'Exils

L’atelier proposant une balade sur le dos d’un âne. Photo: Voix d’Exils.

Samedi 15 juin, l’Amicale, un regroupement d’habitants du quartier de Pierre-de-Savoie de la ville d’Yverdon-les-Bains, a organisé une fête de quartier en collaboration avec l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) et en partenariat avec le Service jeunesse et cohésion sociale de la ville d’Yverdon (le JECOS). Cette fête avait pour but de favoriser la cohésion sociale, l’intégration de tous et de promouvoir la qualité du bien vivre ensemble de la ville d’Yverdon. Compte-rendu de l’événement.

Cette année, pour la première fois, l’événement a pris la forme d’une fête de quartier ; alors que lors des 7 éditions précédentes, il consistait en un forum dédié à un grand débat et à des échanges d’idées entre les habitants à propos des questions d’intégration sociale.

La fête de quartier : la nouvelle formule de l’Amicale

L’Amicale a changé la formule de l’événement en décidant de mettre sur pied toute une journée

L'atelier maquillage. Photo: Voix d'Exils

L’atelier maquillage. Photo: Voix d’Exils

permettant une rencontre conviviale sur le terrain entre les autochtones et les communautés étrangères peuplant la ville d’Yverdon. Cette journée s’inscrivait également dans le cadre du premier prix «Ville en santé 2013», remporté par la ville d’Yverdon. Mauricette Garcia, habitante du quartier de Pierre-de-Savoie et membre de l’Amicale, souligne sur un ton laissant transparaître sa satisfaction que «ça fait un moment qu’on est en train de préparer cette fête de quartier, et ça nous tenait à cœur d’organiser une grande fête ce qui est une première. Comme nous pouvons le voir, elle est très réussie. Ce soir, il y aura plus de monde et on terminera vers 23 heures»

Au menu : des activités variées

Le tennis de table. Photo: Voix d'Exils

Le tennis de table fait le bonheur des jeunes. Photo: Voix d’Exils

Sous des tentes l’on trouvait des expositions, des petits bricolages faits par les enfants fréquentant l’Amicale, des ateliers de maquillages, des stands de restauration et un atelier proposant une balade sur le dos d’un âne. On a aussi eu l’occasion d’assister à des représentations de danses folkloriques, ainsi qu’à des jeux sportifs, comme du tennis de table ou du football. Cette journée avait décidément tout pour plaire pour les petits comme pour les grands et a donné lieu à une véritable rencontre entre les différentes communautés culturelles du quartier. Ce véritable «melting pot» permettait d’effacer les différences de cultures ou de religions, pour laisser entrevoir une seule et même communauté ; celle des habitants et des habitantes d’une ville. L’après-midi a été marqué par la remise de fleurs pour remercier toutes celles et ceux et qui ont organisé et contribué à la bonne marche de l’événement : Puis la fête s’est terminée par des concerts, de la danse et des chants.

M. Jean-Claude Ruchet Municipal de la ville Yverdon-les-Bains en charge du service de la Jeunesse et de la Cohésion sociale. Photo: Voix d'Exils

M. Jean-Claude Ruchet, Municipal de la ville Yverdon-les-Bains en charge du service de la Jeunesse et de la Cohésion sociale. Photo: Voix d’Exils

L’intégration sociale : fondement de la politique yverdonnoise

Parmi les convives de l’événement se trouvait Monsieur Jean-Claude Ruchet, Municipal en charge du service de la Jeunesse et de la Cohésion sociale à Yverdon-les-Bains. Il nous confie qu’il «pense que c’est important d’avoir ces moments de rencontre entre les habitants du quartier et les autres communautés. Faire connaissance avec les uns et les autres est extrêmement important pour l’intégration sociale du quartier, y compris celle des habitants du bâtiment de l’EVAM qui participent à l’organisation de cette fête et aux activités. Cette rencontre entre habitants et requérants d’asile favorise donc la cohabitation et ceci participe au bien vivre ensemble. Soutenu financièrement par la ville d’Yverdon et le JECOS, cette fête de l’Amicale est à sa toute première édition et j’espère qu’à l’avenir il y en aura d’autres».

Mme Cecile Ehrensberger cheffe de service adjointe du JECOS. Photo: Voix d'Exils

Mme Cecile Ehrensberger, cheffe de service adjointe du JECOS. Photo: Voix d’Exils

Pour Cecile Ehrensperger, cheffe de service adjointe du JECOS, un tel événement «permet une cohésion sociale entre les habitants grâce au développement des réseaux sociaux et communautaires, mais également l’implication, la participation et l’empowerment des citoyens dans le processus d’intégration sociale, qui est le fondement de la politique sociale yverdonnoise. Organisé en collaboration avec l’EVAM, ce processus d’intégration permet de mettre sur pied des programmes d’utilité publique favorisant l’insertion sociale, des démarches communautaires pour permettre aux étrangers de toujours faire partie de cette démarche qualité de vie de la ville. Notre démarche vise aussi aussi à résoudre les problèmes que rencontrent les personnes migrantes comme les préjugées et la stigmatisation qui rongent la société.»

André et El Sam

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




La ferveur de pèlerins africains gagne Saint-Maurice

Le 12ème édition du pèlerinage aux Saints d’Afrique à Saint-Maurice. Photo: Voix d'Exils.

Le 12ème édition du pèlerinage aux Saints d’Afrique à Saint-Maurice. Photo: Voix d’Exils.

Quelques 1200 immigrés chrétiens venus d’Afrique ont fait vibrer la commune valaisanne de Saint-Maurice , le 2 juin dernier, à l’occasion de la 12ème édition du pèlerinage aux Saints d’Afrique. Récits de martyrs, prières, chants et danses, accompagnés par des chorales africaines ont rythmé cette journée particulière.

La cérémonie a débuté en matinée avec la salutation de bienvenue de Pierre-Yves Robatel, représentant de la commune de Saint-Maurice. S’en est suivi le mot de circonstance de Claude Didierlaurent, secrétaire de l’Association pour le pèlerinage aux Saints d’Afrique. La prière d’ouverture fut récitée par le président de cette association, le chanoine Michel Ambroise Rey de l’Abbaye de Saint-Maurice. Puis, la chanson de Jean-Claude Gianadda, «Rêve d’un monde», devenue l’hymne de ce pèlerinage, a été entonnée pour mettre tous les pèlerins dans l’ambiance de cette fête aux couleurs africaines.

Communauté érythréenne à l’honneur

Tour à tour, les pèlerins ont écouté le récit de la vie de martyrs d’Afrique en commençant par l’Africain dont la ville valaisanne porte le nom, à savoir l’Egyptien Maurice. Puis le récit de la vie de Sainte Bakhita, une esclave soudanaise convertie au christianisme, devenue religieuse, qui pardonna sa captivité à ses négriers. Tout ce moment était accompagné de chants et de danses, dans une ambiance électrique faite de joie et de bonne humeur.

Signalons que pour cette 12ème édition, c’est la communauté érythréenne qui était à l’honneur, avec un de ses moines du 18ème siècle, Ghebré Michaël, dont le récit de vie a été lu par Ferdinand Ilunga, coordinateur de l’Association qui organise ce pèlerinage aux Saints d’Afrique.

Tous les pèlerins ont prié pour que la guerre cesse, non seulement en Erythrée, mais aussi dans toute

Le 12ème édition du pèlerinage aux Saints d’Afrique à Saint-Maurice. Photo: Voix d'Exils.

Le 12ème édition du pèlerinage aux Saints d’Afrique à Saint-Maurice. Photo: Voix d’Exils.

l’Afrique, afin que celle-ci retrouve sa dignité d’origine qui a fait d’elle le berceau de l’humanité et garantisse une vie meilleure à ses fils.

La matinée s’est terminée par un repas apporté par les pèlerins. Les tables ont été dressées pour la circonstance et ouvertes aux participants, de sorte que tous puissent manger à leur faim, à la table de leur choix. Ainsi va la solidarité africaine.

En début d’après-midi, les pèlerins se sont rendus à la basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice pour la célébration eucharistique présidée par Monseigneur Joseph Roduit, l’Abbé territorial de l’Abbaye de Saint-Maurice. Une belle cérémonie «à l’africaine», lors de laquelle on chante, danse et loue Dieu.

Célébrer les valeurs africaines

Michel Ambroise Rey a déclaré que « cette journée est une réussite, pleine d’émotions et de joie partagées. Que Dieu en soit loué !». Quant à Ferdinand Ilunga, membre du comité d’organisation, il souligne que «ce pèlerinage est un rassemblement symbolique qui milite en faveur de l’unité et du développement de l’Afrique à partir de la foi chrétienne. Non seulement on y fait des cultures africaines les vecteurs de l’expression de la foi chrétienne, mais on y réfléchit aussi aux moyens adéquats pour sortir l’Afrique de sa déchéance actuelle. Ici, on célèbre les valeurs africaines comme la joie de vivre, la solidarité, l’hospitalité et le sens religieux.» Pour sa part, Marie Alphonsine, venue de Bâle, n’a pas caché sa satisfaction : «ce pèlerinage est une réussite totale. Une belle journée, une profonde prière, une intense émotion partagée; Dieu était avec nous. Qu’il en fasse autant pour toutes nos préoccupations. Et qu’il sauve l’Afrique !»

Ainsi s’est terminé ce grand weekend. Rendez-vous pour le prochain pèlerinage aux Saints d’Afrique le 1er juin 2014.

Angèle Bawumue Kongolo

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

 

Un pèlerinage d’origine suisse

C’est le père Fridolin Zimmermann, ancien missionnaire en Afrique, qui eut l’idée de rassembler chaque année tous les immigrés africains vivant en Suisse. Le père Zimmermann partit en mission à Tunis, en 1973, et y travailla comme curé de paroisse et bibliothécaire. Revenu en Suisse fin 1999, il assuma plusieurs fonctions pastorales, notamment l’animation missionnaire. Avec le soutien de différents groupes d’étudiants et de missions, il créa le pèlerinage aux Saints d’Afrique en 2001.

 




«Le fichage ADN des requérants d’asile serait une mesure stigmatisante voire discriminatoire»

Christian Raetz, préposé à la protection des données et à l'information du canton de Vaud.

Christian Raetz, préposé à la protection des données et à l’information du canton de Vaud.

S’appuyant sur les statistiques policières de huit cantons qui établissent une augmentation de la criminalité depuis le Printemps arabe sur le sol suisse, Christophe Darbellay – président du Parti démocrate-chrétien et conseiller national – a déposé une motion intitulée «Effectuer un test ADN sur certains requérants d’asile pour lutter contre la criminalité» qui a été adoptée par le Conseil national le 17 avril 2013. Cette motion permettrait d’établir des profils ADN de manière préventive et systématique de certaines catégories de personnes pouvant potentiellement commettre des délits. Si le Conseil des États valide la motion, le Conseil fédéral devra créer une loi pour la concrétiser. Voix d’Exils a souhaité mettre en perspective les enjeux d’une telle motion en donnant la parole à Christian Raetz, préposé à la protection des données et à l’information du canton de Vaud. Interview.

Pouvez-vous commencer par présenter votre fonction et votre travail 

Je suis préposé à la protection des données et à l’information du canton de Vaud. Nous sommes trois personnes à travailler dans l’équipe. Nous avons une double casquette : l’une porte sur la protection des données et l’autre sur la transparence. Du côté de la protection des données, il y a une loi cantonale qui s’applique aux administrations cantonales et communales, et des organismes comme l’EVAM par exemple. Nous sommes en étroite collaboration avec les autorités tout en veillant au respect de la loi ainsi qu’aux installations de vidéosurveillance exploitées par les communes ou le canton. Cependant, nos actions ne couvrent pas le traitement des données des établissements privés, comme par exemple l’installation d’une caméra par la Coop, ou encore la Migros avec la carte Cumulus. Ceci n’entre pas du tout dans notre champ de compétences, mais dans celui du préposé fédéral à la protection des données.

Nous sommes aussi l’instance de recours contre des décisions que pourraient prendre les autorités cantonales ou communales en matière de protection des données sur une tierce personne.

Comment l’utilisation de l’ADN est-elle encadrée juridiquement actuellement ?

Le Code de procédure pénale suisse autorise le prélèvement d’un échantillon et l’établissement d’un profil ADN pour élucider un crime ou un délit. Un tribunal peut aussi ordonner l’établissement d’un profil ADN lorsqu’une personne est condamnée pour des délits d’une certaine gravité. La loi sur les profils ADN impose des règles sur la manière de procéder; elle prévoit aussi la création d’une base de données centralisée. Les profils ADN des personnes mises hors de cause, acquittées ou bénéficiant d’un non-lieu sont retirés de la base de données. Il en va de même pour les personnes condamnées après des durées fixées par la loi. Seul l’Office fédéral de la police peut faire le lien entre un profil et une identité.

La motion de Monsieur Darbellay concernant le test ADN de certains  requérants d’asile, notamment à titre préventif, a été adoptée par le Conseil national en avril 2013. Quel est votre avis à ce sujet?

Il est à noter ici que prendre les empreintes digitales ou l’ADN de quelqu’un constitue, du point de vue de la construction juridique, une atteinte à la personnalité. Considérée comme une atteinte grave par certains et anodine par d’autres, elle constitue dans tous les cas une atteinte au droit de la personne, donc à un droit fondamental. C’est pourquoi on peut le faire, mais à certaines conditions, notamment des conditions de restrictions des droits fondamentaux. Cela nécessite une base légale, il faut aussi qu’il y ait un intérêt public qui justifie cette restriction et que la restriction du droit fondamental soit proportionnelle à l’intérêt public considéré. Après, il y a aussi des choix politiques qui sont faits par le législateur qui a un large pouvoir d’adopter ou pas ce type de mesures (la prise d’ADN), sachant aussi qu’en Suisse, il n’y a pas de contrôle de la constitutionnalité des lois. Une des questions que soulève ce projet est la discrimination d’un groupe ciblé de la population. Un groupe évalué selon certains critères est jugé particulièrement à risques, et tous les membres de ce groupe sont considérés comme suspects potentiels, en tout cas plus suspects que le reste de la population. Donc, c’est clairement une mesure qui est stigmatisante voire discriminatoire. Avec une remise en cause d’un principe qui est fondamental dans l’Etat de droit : la présomption d’innocence. Après, ce sont des choix politiques qui doivent être faits. Et ces questions soulèvent aussi des problèmes au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a une position plutôt restrictive s’agissant du fichage préventif. On admet le fichage ADN de manière générale pour les personnes qui ont été condamnées; mais il y aurait un pas de franchi si on l’autorisait a priori sur des personnes jugées à risques.

Selon l’article 33 de la loi fédérale sur l’analyse de la génétique humaine, le prélèvement nécessite notamment le consentement écrit de la personne. Au cas où la personne ne veut ou ne peut pas écrire ce consentement, que se passerait-il ?

Le prélèvement peut se baser soit sur une base légale, soit sur le consentement de la personne. Donc on peut tout à fait imaginer une base légale qui oblige les personnes à donner leur ADN par un frottis ou un autre procédé sans qu’elles aient la possibilité de s’y opposer. On peut passer outre le consentement si on a une base légale suffisamment claire qui le permet. Après, du point de vue de l’intérêt public, on peut considérer qu’on va lutter contre la criminalité et que cela constitue donc un intérêt public. On peut être d’accord que cet intérêt public existe, mais la question est celle de la proportionnalité d’une telle mesure. Donc, par rapport aux entorses que la mesure porte aux droits fondamentaux de la personne, cela pose problème. Est-ce que vraiment ça se justifie ? Est-ce que le but qu’on veut atteindre, à savoir résoudre un certains nombre de délits, dont la plupart sont mineurs et commis par des délinquants venus du Printemps arabe ? On n’est pas en règle générale dans le grand banditisme. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas lutter contre, mais là on a un problème qu’on veut résoudre, et on propose un moyen pour le résoudre. Est-ce que ce moyen qu’est le fichage ADN est vraiment proportionnel par rapport au problème de criminalité qui se pose ? Là est la question.

Cette motion respecte-t-elle la Constitution suisse? Est-elle applicable ?

Elle ne doit pas impérativement respecter la Constitution suisse. Le système juridique suisse n’a pas de Cour constitutionnelle au niveau de la Confédération. Le Parlement peut adopter des lois qui constituent des entorses aux principes constitutionnels voire qui s’y opposent. Dans le canton de Vaud, on a une Cour constitutionnelle, mais au niveau de la Confédération non. Du coup, si cette motion poursuit son chemin parlementaire, il va y avoir d’innombrables débats pour savoir si la mesure est constitutionnelle ou non. Mais, même si elle ne l’était pas, on ne peut pas exclure qu’elle soit adoptée. Après, c’est un choix politique encore une fois qui, en Suisse, ne peut pas être remis en cause par un tribunal. Ce qui pourrait arriver c’est une remise en cause par une instance internationale comme, par exemple, la Cour européenne des droits de l’homme.

Les requérants d’asile doivent déjà donner leurs empreintes digitales lors de leur arrivée en Suisse. Comment cela est-il encadré ? Et en quoi la prise d’ADN serait-elle différente ?

Les empreintes digitales des requérants d’asile sont prises pour s’assurer que les requérants n’ont pas déjà déposé une demande ailleurs, c’est le cas avec l’accord Schengen et de Dublin. On est vraiment ici dans des finalités qui ne sont pas les mêmes que la finalité proposée par la motion Darbellay qui est policière et répressive.

Du coup, les empreintes digitales des requérants d’asile prises selon la législation Schengen pourraient être utilisées dans le cadre d’enquêtes policières ?

Les empreintes digitales sont stockées dans le système EURODAC dans le but de déterminer l’Etat qui est responsable de la demande d’asile. A l’origine, il n’était pas prévu de pouvoir utiliser ces données à des fins répressives. Toutefois, le Parlement européen vient sauf erreur d’adopter des modifications réglementaires qui permettront d’accéder à ces informations pour l’élucidation de crimes graves.

Concrètement, pensez-vous que le fichage ADN soit une mesure utile pour lutter contre la criminalité de certains requérants d’asile ?

Je précise évidemment que je ne suis pas policier. Après, j’ai de la peine à me rendre compte, mais rappelons par exemple que lorsqu’on a commencé à récolter les empreintes dans le cadre d’enquêtes policières, les criminels ont commencé à porter des gants. Maintenant, si on met l’ADN, qu’en sera-t-il ? J’imagine que dans un certain nombre d’enquêtes, cela peut-être utile. Après il y a des choix politiques qui doivent être faits. Donc, il y a aurait une certaine efficacité, c’est très probable, mais avec des effets négatifs, dont une inégalité de traitement entre certains ressortissants d’un pays qui seront soumis au fichage et d’autres non.

Où vont être rangés les fichiers s’il y a la prise d’ADN pour certains requérants d’asile ?

Cela dépend du niveau de la juridiction cantonale ou fédérale. Les deux étant envisageables. Mais j’imagine que ça serait plutôt au niveau fédéral, avec une possibilité d’accès pour les autorités cantonales. Après, pour l’accès, cela concernerait les normes usuelles : les données seraient très protégées dans des systèmes très sécurisés. Il faut rappeler que la sécurité absolue n’existe pas, et c’est un des problèmes avec l’informatisation croissante, mais les bases de données publiques sont en général très bien sécurisées. Après, la faiblesse est humaine. Les banques en savent quelque chose. Ce peut aussi être une défaillance au niveau de la sécurité des données. C’est pour cela aussi qu’au niveau de la collecte des données, un principe veut que l’on collecte le minimum de données nécessaires pour minimiser les risques. Sachant qu’une fois qu’une base de données existe, elle suscite, en général, un certain nombre de convoitises.

Si dans 10 ans toute la population devait donner ses empreintes ADN, comment qualifieriez-vous le monde dans lequel nous vivrions ?

La motion Darbellay pose une question de principe : si le législateur pense que c’est justifié de créer une base de données à titre préventif visant une partie de la population, on met alors le doigt dans un engrenage. Si on le fait pour ce type de population, pourquoi est-ce qu’on ne le ferait pas pour d’autres groupes de population ? Au hasard, les personnes de sexe masculin entre 18 et 25 ans qui sont célibataires, qui sont parmi les groupes de populations les plus criminogènes, les plus susceptibles de commettre des délits. On peut identifier un certain nombre de groupes, dont d’ailleurs vous (nous, les deux journalistes de Voix d’Exils) feriez partie. Alors après pourquoi pas vous ? Ou pourquoi pas tous les oncles ? Parce qu’on considère que c’est surtout les oncles qui commettent des abus sexuels sur les enfants, ou tous ceux qui travaillent avec la finance, et après on peut tout imaginer.

Personnellement, je préférerais la situation dans laquelle l’ensemble de la population serait fichée plutôt que des groupes cibles. Cela ne veut pas dire que je souhaiterais que l’ensemble de la population soit fichée. Mais, quitte à le faire, soyons cohérents et allons jusqu’au bout. Mais cela ne serait pas une société qui me réjouit particulièrement, où par principe on suspecte les personnes plutôt que de faire primer la présomption d’innocence. Mais là aussi, quels sont les intérêts que l’on considère comme étant prépondérants ? A ce propos, le débat autour des services secrets américains : la National Security Agency (NSA) avec l’affaire Snowden est intéressant. Beaucoup de personnes considèrent que l’atteinte à leur sphère privée se justifie vu le bien qu’on veut atteindre, c’est-à-dire une sécurité maximum. Et du coup certains disent «mais est-ce que les terroristes n’ont pas déjà gagné ?», vu que l’on remet en cause les acquis essentiels au sein de nos sociétés démocratiques. Donc, à titre personnel, je ne suis pas pour cette tendance de surveillance accrue. Mais cette tendance de placer l’aspect sécuritaire avant tout est là. Pour revenir aux caméras de vidéosurveillance, on peut mettre des caméras partout, et probablement que cela va résoudre un certain nombre de délits et d’infractions. Mais au vu des atteintes que cela constitue pour l’ensemble de la population, est-ce que ça se justifie ? A mon sens non.

On est ainsi face à des choix de société. Nous sommes dans une société démocratique, mais on ne sait pas comment sera la Suisse ou l’Europe dans 40 ou 50 ans. On peut se dire aussi que certains outils de surveillance sont acceptables quand ils sont dans les mains de dirigeants en démocratie, et qu’ils le sont moins dans des régimes non démocratiques. Là aussi, il y a un principe de prudence à respecter. Et qui peut prévoir l’évolution d’une société sur 50 ans ? Personne, je pense.

Propos recueillis par :

Cédric Dépraz et El Sam

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos:

Pour consulter la motion de Christophe Darbellay « Effectuer un test ADN sur certains requérants d’asile pour lutter contre la criminalité » cliquez ici

 




«Mes premiers jours en Suisse»

La Suisse. Auteur: Damien Ligiardi (CC BY-NC-ND 2.0)

La Suisse. Une photo de Damien Ligiardi (CC BY-NC-ND 2.0)

André, un jeune Congolais de 21 ans, raconte son arrivée en Suisse. De surprises en déceptions, de rencontres en découvertes, il nous emmène sur les chemins tortueux de l’asile. Témoignage.

«Le mercredi 14 mars 2012, j’arrive au Centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe où je vis mon premier choc : lors du dépôt de ma demande d’asile – mon premier jour en Europe – je suis placé en «semi-détention» (selon les propos d’un gardien), comme l’exige la procédure.

Au centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe

Je passe donc près d’un mois en semi-détention à Vallorbe et cette expérience est très traumatisante. Mis à part le décor qui a changé, je retrouve ce que je fuyais dans mon pays : des hommes en uniforme qui se prennent pour des dieux, le mépris, l’enfermement, la misère lisible sur le visage des résidents et une alimentation bizarre, comme des macaronis roses mélangés à de la salade.

Au moment du départ du centre, on me remet un ticket de train. Destination : la ville de Lausanne. Arrivé à Lausanne, je me rends au service de la population de Canton de Vaud – le SPOP – qui me délivre un permis N, puis à l’antenne administrative de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants – l’Evam – qui me remet 12 francs d’assistance financière journalière. Je me rends alors compte que je vais être transféré à Sainte-Croix ! je me demande alors «c’est où Sainte-Croix ?» J’interroge un Monsieur à la gare de Lausanne qui m’explique l’itinéraire à prendre. Désorienté et n’ayant pas la connaissance du pays, j’arrive à la gare de Sainte-Croix et je me demande si je suis toujours en Suisse, parce que dans mon imagination et vu le trajet effectué depuis Vallorbe, je pense être renvoyé hors des frontières du pays.

Arrivé au foyer Evam de Sainte-Croix

Arrivé au foyer Evam de Sainte-Croix, et selon le protocole, je me rends à l’intendance où l’on m’attribue un lit ainsi que quelques ustensiles pour la cuisine. Après m’être installé dans la chambre que je partage avec quatre autres requérants d’asile qui sont arrivés avant moi, je sors prendre l’air à la découverte du village qui m’accueille. Durant mon parcours à pieds, je me rends compte combien je suis loin de chez moi : Boma, une ville portuaire qui se trouve en République démocratique du Congo. Je ne peux retenir mes larmes qui se mettent alors à couler telles la pluie un jour d’orage. Je me rappelle alors les miens que je ne reverrai pas de si tôt et je me dis alors qu’il y a vraiment de quoi péter un plomb et devenir fou, se mettre une balle en pleine tête ou simplement essayer d’écrire un livre de deux mille pages jusqu’à en devenir ivre.

M’ayant aperçu en train de pleurer, un groupe de requérants d’asile s’approche de moi pour me consoler en me disant de prendre courage, que je m’adapterai, que ce parcours de la procédure d’asile me fortifiera et me rendra plus endurant. Ils m’invitent alors à jouer avec eux au volley-ball, histoire de me changer les idées. Une fois la nuit tombée, impossible pour moi de fermer l’œil, car ma tête est bourrée d’appréhensions. Je passe alors une nuit blanche. Le lendemain matin, avec mes compagnons de chambre, impossible de communiquer, car on ne parle aucune langue commune. Une vraie Tour de Babel ! C’est ainsi que s’ajoute l’ennui et l’isolement à la litanie de mes soucis. N’ayant personne avec qui discuter dans la chambre et n’étant pas enthousiaste à l’idée d’aller à l’extérieur à cause du froid extrême inconnu du jeune Africain que je suis, je pense alors à mes amis d’autrefois jouant au football pieds nus sous la chaleur brûlante de l’Afrique. Je m’exclame alors: « Dieu sauve moi ! ». Après mon bain, n’arrivant pas à manger par manque d’appétit et à cause de mes tourments, je cherche alors à savoir s’il y a dans le foyer des gens provenant du même pays que moi. C’est alors que j’en découvre un avec qui je sympathise et que je ne le lâche plus de la journée, soulagé de ne plus être seul. Avec ce dernier, on discute alors de tout et de rien et on mange avec appétit de la nourriture de notre pays. Le soir tombé, nous décidons d’aller regarder la télévision dans la salle prévue à cet effet, où je croise des gens venus des quatre coins du globe. Après avoir échangé avec eux, je commence enfin à me réjouir de mon séjour au foyer, qui m’offre la possibilité de mieux connaître le monde en étant en contact avec des personnes de diverses origines et cultures.

Quelques mois plus tard

C’est ainsi que débuta mon parcours en Suisse. D’un côté certes peu évident quant à ses débouchés, mais enrichissant et fortifiant de l’autre.

Aujourd’hui, mon activité de rédacteur à Voix d’Exils me permet de sortir de ma coquille de Sainte-Croix et de rencontrer du monde – dont le syndic de la Ville de Lausanne – par le biais d’interviews et de reportages. Je suis encore dans la même situation stressante, improbable et sans perspectives d’avenir. Mais, depuis que je suis à Voix d’Exils, je suis sorti de la déprime. Le sentiment d’utilité conféré par le choix, l’élaboration et l’aboutissement d’un article me redonne confiance en moi et fait que je ne me considère plus comme la cinquième roue du carrosse.»

André

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils