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La surpopulation est source de tensions au sein du foyer EVAM de Crissier

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Pascal Rochat, chef du secteur Lausanne de l’EVAM. Photo: Omar Odermatt

En arrivant au foyer EVAM de Crissier, Najet, 39 ans, découvre avec inquiétude que la cohabitation dans des espaces trop restreints est source de problèmes et de conflits. D’une capacité totale de 316 places, le foyer de Crissier accueille aujourd’hui 405 personnes, ce qui représente un taux d’occupation de 125%. Hélas, ce problème de surpopulation et la promiscuité qui en découle touche aujourd’hui toutes les structures d’hébergement de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). Témoignage.

 

 

 

Lorsque je suis arrivée à Crissier, il y a plus de cinq mois, j’ai reçu un classeur avec le règlement interne qui recommande, entre autre, de respecter le calme à partir de 22h00. Ayant des problèmes de sommeil, mon attention s’est focalisée sur ce point du règlement.

Il m’a fallu plusieurs jours pour me rendre compte que Crissier, qui est un endroit isolé dans la forêt, n’était pas une prison. En arrivant en Suisse, je ne savais pas quelle était la réalité des requérants d’asile au niveau de l’habitation, des usages dans les centres d’accueil. A Crissier, il y a beaucoup de monde, beaucoup de bruit, c’est très inconfortable. On doit partager sa chambre avec une personne inconnue. Mes nuits blanches ont commencé dès mon arrivée. La cause en est le bruit occasionné par mes voisins, ils font la fête, écoutent de la musique très fort, et se disputent à toute heure du jour et de la nuit. Ils ne respectent pas le besoin de repos des autres résidents.

Comment est-ce possible que des gens fassent la vaisselle entre 22h00 et 01h00 du matin ? Pourquoi des gens se disputent-ils dans le corridor pendant des heures sans que les personnes chargées de la sécurité n’interviennent ?

Ma voisine Fatia, mère bosniaque avec sept enfants, a la tête souvent bandée car elle ne supporte plus le bruit. Tout comme moi, elle trouve qu’il n’y a pas une bonne application du règlement. Naghia, jeune mère d’origine turque, n’arrive pas à dormir ni à faire dormir son bébé de trois mois.

Beaucoup de requérants d’asile pensent qu’on cherche à nous rendre fous afin de décourager l’immigration. Ils ne comprennent pas pourquoi ces personnes qui troublent la tranquillité et sèment le désordre ne sont pas averties ou punies. Personnellement, j’ai fait appel à la sécurité et ceci à plusieurs reprises. J’en ai même parlé à mon assistant social. Tous m’ont dit : « On va voir ce qu’on peut faire ».

Pour en savoir plus, j’ai interviewé Pascal Rochat, chef du secteur Lausanne de l’EVAM.

Voix d’Exils : Certaines personnes font beaucoup de bruit surtout après 22h00. Pourquoi ne respectent-elles pas le règlement ?

Pascal Rochat : Il y a effectivement des gens qui n’appliquent pas les règles. Cela est dû en partie à cause des problèmes de santé surtout au niveau psychique et aussi à cause de la densité d’habitation. Il y a actuellement 405 habitants de 25 nationalités différentes au Centre de Crissier.

Que dit le règlement pour protéger les résidents du centre qui veulent se reposer après 22h00 ?

Le règlement dit qu’il est interdit de faire du bruit après 22h00, comme par exemple préparer à manger à la cuisine, faire de la musique, etc.

Qui est chargé de faire appliquer le règlement ?

Les assistants sociaux et les surveillants.

Quelles sont les sanctions prévues pour ceux qui ne respectent pas le règlement ?

D’abord un avertissement. Après deux avertissements il y a une sanction financière qui sera décidée au cas par cas. Pour des choses graves comme la violence, il peut y avoir expulsion ou transfert dans un autre foyer. J’aimerais préciser que la vie au Centre est difficile car être seul, loin de sa famille, de son pays et cohabiter avec 405 habitants, c’est une situation très dure.

Est-ce que les sanctions sont appliquées ?

Oui, elles sont appliquées, et elles s’accompagnent d’un rapport d’incivilité.

Quelles sont les solutions envisagées pour faire revenir le calme ?

Interdire les équipements qui font du bruit et causent les dérangements et distribuer des boules Quiès gratuites à l’infirmerie. A noter que nous sommes responsables des gens qui ont le permis N et F. Ceux qui obtiennent le permis B devraient normalement quitter le foyer, mais ils restent car c’est très difficile de trouver un logement. Mais il y a beaucoup de personnes au bénéfice des prestations d’Aide d’urgence qui ne devraient pas être logées à Crissier et souvent c’est elles qui n’appliquent pas les règles. 

Propos recueillis par Najet

Membre de la rédactrice vaudoise de Voix d’Exils



Aucun commentaire a La surpopulation est source de tensions au sein du foyer EVAM de Crissier

  1. Soe dit :

    Il serait peut-être tout simplement temps que le canton de Vaud exécutent les renvois avec célérité. Quand est-ce que nos autorités comprendront que leur « largesse » ne rend service à personne et qu’il vaut au final mieux pour ces personnes une expulsion qu’une attente insoutenable… ? Sur les 405 habitants, combien de personnes sont d’ailleurs en situation illégale et sommées de quitter notre pays ??

    Faut-il vraiment qu’ils fassent du « bruit » après 22.00 (et pourquoi 22.00 et pas 20.00 comme d’hab’) pour que le canton de Vaud les « expulse » ? 😉 Sinon, la sanction « financière » pour une personne déjà réduite à l’aide d’urgence… pas très pratiquable, ni dissuasif. Y pourrait pas tout simplement les fatiguer en leur proposant quelques activités physiques, par exemple nettoyer les cours de recrés des seringues dissimulés par des dealers ?

    • Sophie dit :

      Les personnes ayant un permis N ou F ne sont pas expulsables. Les permis N attendent simplement que leur calvaire à Crissier ou dans d’autres foyers soient écourtés grâce à l’efficacité connue et appréciée de la Confédération qui décide si oui ou non ils peuvent rester. Quant aux permis F, ils ont été reconnus personnes à protéger car mis en danger s’il y a un retour dans leur pays dans l’immédiat.
      Quant aux programmes permettant de défouler ces personnes un peu trop bruyantes, peut-être que s’ils avaient accès plus simplement à un travail (ou à une démarche allant dans ce sens), ça les défoulerait et ils comprendraient le règlement un peu plus efficacement. Sinon, il y a des travaux d’utilités publics où effectivement ils peuvent se retrouver à nettoyer les cours et les jardins publics des seringues déposées …. par les CONSOMMATEURS (qui sont généralement nos compatriotes) et non les dealers, s’il-vous-plaît.
      On est à 120 secondes, l’invité de la rédaction sur Couleur 3 avec vincent Kucholl déguisé en voisin pas content ou quoi?

      • Soe dit :

        LeTemps, 1er juillet 2011 :

        «Il y a actuellement une cinquantaine de personnes à l’aide d’urgence qui restent à Crissier alors qu’elles devraient théoriquement se trouver dans un foyer spécial. La dynamique entre les nouveaux arrivés et ceux qui sont déboutés est très différente. Cela ne facilite pas notre travail d’assistant social», confie C.B.

        Sur le travail :
        Après trois mois de procédure, les personnes au bénéfice d’un permis N peuvent travailler (a fortiori si elles disposent d’un permis B). Elles n’ont dès lors rien à faire dans ce centre, puisqu’elles peuvent (et doivent) être autonomes financièrement 😉 A l’instar des permis B, le canton devrait dès lors les orienter vers l’autonomie, si leur santé ne leur permet, et les mettre gentiment à la porte. Il ne s’agit pas d’un camp de vacances, non ?

        Sur le programme d’occupation
        Les programmes d’occupation devraient exclusivement s’adresser à ceux qui n’ont pas encore passé 3 mois en procédure (voire 6 mois si le canton décide une prolongation de l’interdiction) ou les déboutés. Ne mélangeons pas tout, effectivement.

        Je vous rejoins par contre sur les consommateurs. Ils devraient être punis beaucoup plus sévèrement (par exemple en étant mis à l’aide d’urgence s’ils dépendent de l’aide sociale). Ils entretiennent effectivement un système mafieux. Par contre, si la demande crée l’offre, l’offre entretient aussi la demande. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais les vendeurs deviennent de plus en plus agressif et n’hésitent plus à interpeller le passant.

      • Sophie dit :

        c’est vrai que si l’on se réfère exclusivement à ce qu’il y a dans la procédure, et donc hors réalité, tout serait envisageable dans le meilleur des mondes. Cependant, nous savons que ce n’est pas le cas et vous en seriez conscient si vous étiez sur le terrain. C’est bien l’enjeu des travailleurs sociaux, ainsi que les bénéficiaires, confrontés à cette réalité, qui doivent appliquer et suivre des procédures que le peuple décide en suivant les belles idées d’un certain parti. Les requérants d’asile, les réfugiés, les étrangers en général, clandestins ou non, sont simplement les bouc-émissaires de personnes voulant asseoir un certain pouvoir et tirer des bénéfices purement individuels. Comment ça se fait qu’on parle tant de cette population qui ne représente que le 0,8% de la population (les requérants d’asile) et que ce ne sont que ce n’est que la « mauvaise graine » qui intéresse la population. Arrêtons de nous laisser manipuler et allons leur parler, échanger, comprendre leur situations plutôt que de se baser sur des procédures.

        Pour les consommateurs, on pourrait instaurer l’aide d’urgence à nos concitoyens drogués (???!!!). C’est bien sur ce point-là que je vois toute l’absurdité de cette mesure contraignante, qui l’est pour tous et non pas seulement pour les personnes sensées quitter notre pays…Et puis, j’habite au-dessus d’une « rue marchande » et je me suis dit l’autre jour que le monde de la rue, même si c’est celui de notre jolie ville de Lausanne en Suisse, et bien elle est triste à regarder et c’est bien dans celle-ci que ces personnes errent tous les soirs.

        Mais bon, on aura beau échangé sur ce forum, je ne songe même pas à vous faire changer d’avis. J’ai été simplement choquée et triste de voir ce genre de propos sur ce site et je me devais de réagir.

        Merci quand même de m’avoir rappelé qu’il y a des personnes qui ont leur propre vision des choses et que ce n’est pas à coup de mots que je vais pouvoir les changer.
        Un bon weekend!

      • Soe dit :

        « Citation : et que ce n’est pas à coup de mots que je vais pouvoir les changer. »

        J’ignore le sens que vous voulez donner à cette phrase. Vous savez, je suis généralement de bonne composition et un mot réussira plus à me convaincre qu’un coup sur la tête. Mais passons. Bon week-end à vous également, j’espère que j’y survivrai 😉

        « Citation : J’ai été simplement choquée et triste de voir ce genre de propos sur ce site et je me devais de réagir.  »

        Par contre, l’article sur le retour de la peine de mort figurant sur ce site vous a ni choqué ni attristé ?

        Vous me demandez pourquoi 0.8 % de la population résidente peut mettre à ce point la Suisse en ébullition ? C’est simple : nos autorités n’ont pas le courage d’appliquer nos lois et le sentiment d’injustice qui en ressort se répercute malheureusement sur les requérants. Si vous amplifiez ce sentiment avec le presque 5.3 mia que nous coûte chaque année (1.5 x le budget de l’armée !) la politique d’asile… vous aurez la réponse. Pour diminuer le ressentiment à leur égard, il ne faut dès lors pas tenter de nous exclure du début, mais répondre simplement à nos attentes qui passent pas un respect digne et humain de nos lois (mais également dans leur application et la mise en oeuvre des renvois). Vous pouvez d’ailleurs regarder nos voisins (Fribourg, Valais, les cantons alémaniques) : le sujet n’est pas aussi émotionnel car ils font leur boulot et ne maintiennent pas des populations dans une misère crasse par manque de courage (au motif compassionel qu’être misérable ici est toujours mieux qu’être de retour là-bas) et ne donnent pas le sentiment à leur population que rien n’est fait (peut-être à tort, qu’en sais-je ?).

        C’est un peu comme avec les « riches » chez nos voisins français. Ils sont peu nombreux, ne font pas vraiment de mal et les fiscaliser plus ne rapportera pas grand chose. Pourtant, le manque de rigueur du gouvernement précédent a précipité sa chute.

        Il y a ainsi un équilibre à trouver et le canton de Vaud ne l’a pas trouvé s’agissant de sa politique migratoire. Une certaine partie de la gauche vaudoise avait d’ailleurs bien compris le mécanisme lorsqu’ils ont commencé à « taper (=fiscaliser davantage) sur les riches étrangers » (jackport électoral) ;o)

        Pour le reste, s’agissant du nombre, il ne faut pas oublier que la Suisse reçoit ~20’000 (!) demandes d’asile chaque année (bien plus que la Grèce et l’Italie en chiffres absolues qui ont sombré face à la charge financière de cet accueil / ou que la France et l’Allemagne en proportion de sa population) et n’a qu’environ 35’000 naissances. L’effet budgétaire (les 5.3 mia) sont dès lors considérables, surtout que cette aide dure généralement plus longtemps que celle offerte aux familles les premiers temps de la naissance de leur enfant. Il y a alors peut-être aussi un effet « jalousie » face à des personnes qui savent pour leur écrasante majorité qu’elles n’ont pas le droit d’être là (mais qui joue sur l’écoulement du temps de leur procédure et le manque de courage de nos autorités lorsqu’elle doivent appliquer la loi). Je n’ose d’ailleurs imaginer le nombre de « chances » lors d’une procédure de tomber sur un fonctionnaire qui se dira : je vais prendre ma semaine de vacances avant de traiter ce cas ou je verrai peut-être mieux demain si j’arriverai à assumer de traiter ce cas comme la loi le requiert ou allez je n’applique par la loi pour celui-ci, il est tellement mignon et n’a commis aucun délit, etc etc. L’image du film « La Forteresse » où l’on voit une fonctionnaire expliquer à un requérant comment recourir contre sa propre décision se passe d’ailleurs de tout commentaire 😉

        voilà voilou … message trop long, désolé !

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