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Le calvaire des enfants des rues de Mogadiscio

Des enfants qui errent dans les rues de Mogadiscio. Source: http://www.flickr.com/creativecommons/

Depuis la chute du gouvernement somalien sous l’égide du président Mahamed Sayad Baree, en 1991, la Somalie a connu des guerres civiles qui n’ont épargné rien ni personne. Les jeunes, et en particulier les filles, sont les plus touchés par les privations et les violences qui étranglent le pays.

 

 

Selon la Convention des Droits de l’Enfant : «L’enfant est reconnu, universellement, comme un être humain qui doit pouvoir se développer physiquement, intellectuellement, socialement, moralement, spirituellement, dans la liberté et la dignité». Dans les pays sous développés, hélas, les enfants ne profitent pas de ces droits. En Somalie, où règne la guerre, la famine, la sécheresse et les épidémies, ce sont les jeunes qui sont les plus touchés. Depuis 30 ans, les nouvelles générations se succèdent et grandissent dans un pays chaotique. Elles n’ont jamais connu la paix, le respect des droits humains. Un adolescent de 15 ans déclarait en mars 2010 à Amnesty International : « J’ai vécu la plus grande partie de ma vie dans la peur »,et d’après cette même Organisation Non Gouvernementale (ONG), les enfants représentent la moitié de la population somalienne.

Des enfants livrés à eux-mêmes

Beaucoup d’enfants perdent leurs parents, soit parce qu’ils ont été tués lors de combats, soit parce que ces mêmes combats les ont séparés. Ils perdent alors la protection et l’affection et sont victimes de mauvais traitements, surtout dans le sud et le centre du pays où règne un chaos généralisé.

Les orphelins qui restent à Mogadiscio s’établissent aux alentours des restaurants pour manger les restes. Interrogé par la radio royale somalienne lors d’un reportage, Deeqow Caamir, un adolescent de 14 ans, confie : « Je vis dans un lieu dangereux et je n’ai personne qui puisse m’aider. J’ai besoin de nourriture, d’un abri, de vêtements, d’étudier, de soins… et beaucoup d’autres choses encore dont un enfant a besoin dans ce monde. Je suis exposé à des balles perdues et des obus de mortiers, car je dors au pied d’un mur… Moi et les animaux, on dort ensemble (il pleure). La famine et la peur m’ont conduit à consommer toutes sortes de drogues comme l’alcool, le kat, les cigarettes… pour oublier mon calvaire ».

Le reportage a également observé que des jeunes filles âgées de 9 à 17 ans vivent également dans la rue. Elles mendient en groupe autour des restaurants en tendant des gobelets et des assiettes. Elles sont exténuées, affamées, assoiffées et personne ne s’occupe d’elles, car chacun est submergé par ses problèmes personnels. Outre la faim, la peur et le froid, elles sont encore confrontées aux viols. Une femme somalienne témoigne : « Ça nous touche profondément de voir des jeunes filles qui dorment dans la rue, elles sont beaucoup plus vulnérables que les garçons. C’est une situation alarmante, mais qui nous dépasse ! ».

L’aide de la famille ou des ONG

Il y a deux systèmes de prise en charge des enfants. Le premier, voulu par le système clanique, consiste à répartir les enfants issus de parents très pauvres ou qui les ont perdu durant la guerre, au sein de leurs familles élargies pour qu’elle couvre leurs besoins basiques : avoir un toit, être vêtu, nourri et scolarisé. Certaines familles considèrent ces enfants comme les leurs, tandis que d’autres les exploitent.

Le deuxième système fait appel aux ONG. Tel est le cas de « l’association de prise en charge des enfants de la rue », une association locale qui se trouve actuellement à Mogadiscio. Elle est composée de jeunes étudiants qui se sont mobilisés avec très peu de moyens pour tendre la main aux enfants de la rue. Elle finance ses projets en majeures parties grâce à des cotisations et fait de son mieux pour améliorer leurs conditions de vie en fournissant des logements, des vêtements, de la nourriture et la possibilité d’étudier. Elle aide en particulier les adolescents et les jeunes adultes qui ont perdu leurs parents et qui doivent prendre en charge leurs frères et sœurs plus jeunes qu’eux.

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos :

Vous pouvez aider ces enfants en vous adressant à :

Amnesty International
Bureau régional romand

Rue de la Grotte 6
CH – 1003 Lausanne

Tél. 021 310 39 40

www.amnesty.ch 




Les dangereuses illusions de la prostitution

La prostitution: un chemin semé d’embûches.

«Je suis une mère célibataire au bénéfice de l’aide d’urgence. Je survis avec moins de trois cents francs suisse par mois. Je me prostitue pour pouvoir subvenir à mes besoins et à ceux de mes enfants. Je suis en Suisse depuis dix ans et je ne suis pas autorisée à y travailler, que faire d’autre ?» questionne Anouchka, requérante d’asile déboutée et mère de quatre enfants.

L’histoire d’Anouchka illustre les «raisons» qui poussent certaines immigrées à entrer dans l’univers impitoyable de la prostitution. Un monde tentaculaire, un cercle vicieux dans lequel Voix d’Exils a pu pénétrer. Enquête.


La prostitution : un marché très lucratif 

En Suisse, 90% des prostituées sont des étrangères en situation irrégulière et le plus souvent victimes de réseaux. La réalité est que la plupart d’entre elles sont en situation d’esclavage: elles souffrent d’extorsion, de menaces, de séquestration, elles ont été piégées et sont exploitées par des réseaux mafieux très bien organisés.

La prostitution est une activité lucrative qui, selon l’ONU, génère 5 à 7 milliards de dollars par année, affecte 4 millions de victimes et est sous le contrôle des mafias criminelles transnationales qui organisent le trafic des femmes de la même manière que celui des armes ou de la drogue.

La prostitution en Suisse se caractérise par le fait que la plupart des prostituées sont originaires d’Europe de l’Est, d’Amérique latine et d’Afrique. Ces femmes sont issues de l’immigration et sont majoritairement des «sans-papiers» qui vivent dans la clandestinité ou dans les centres d’aide d’urgences.

L’abondance de prostituées étrangères s’explique par deux «avantages» caractéristiques de ce «secteur informel» : des horaires de travail variables et la non nécessité de maîtriser parfaitement les langues pour pouvoir exercer cette activité. Les prostituées sont généralement jeunes, sans éducation et en majorité des femmes. Il s’agit d’une main-d’œuvre peu qualifiée.

Un voyage en enfer 

Bon nombre des travailleuses du sexe que nous avons rencontrées disent clairement qu’elles ont fui les contraintes sociales, politiques et économiques qu’elles subissent dans leur pays, et qu’elles ont préféré partir même si elles sont diplômées ou qualifiées.

La plupart des Africaines sont passées par l’Espagne ou l’Italie, après un périple dans différents pays d’Afrique subsaharienne qui les ont menées au Maroc. D’autres ont eu la « chance » de pouvoir prendre un avion depuis une ville africaine et sont arrivées dans une capitale européenne. Elles ont en majorité moins de vingt-cinq ans. Leur décision de quitter leur pays d’origine s’est faite pour les unes pour des raisons politiques ou pour échapper à un mariage forcé avec un « vieux », pour les autres parce qu’elles ont été piégées par des réseaux mafieux via internet ou par le biais d’annonces dans des magazines.

Certaines sont parties en sachant qu’elles allaient travailler dans l’industrie du sexe en Europe ; tandis que d’autres ont été abusées sur la nature du travail qu’elles allaient devoir effectuer. C’est le cas de la plupart des Nigérianes, mais aussi des Camerounaises, Sénégalaises et Congolaises que nous avons rencontrées à la rue de Genève ou à la rue de Berne, leur « quartier général », respectivement à Lausanne et à Genève.

Monique et Sonia* tiennent plus ou moins le même discours: elles disent travailler sous la contrainte pour se libérer des réseaux mafieux à qui elles doivent payer des sommes colossales. D’autres comme Anouchka, citée ci-dessus, disent le faire par nécessité.

Une fois arrivées en Suisse, elles doivent rembourser une lourde dette. Nombre d’entre elles s’acquittent de la seule partie de la dette qu’elles estiment acceptable, puis s’arrangent pour disparaître de l’entourage de leur créancier.

Quant aux prostituées originaires d’Europe de l’Est que nous avons rencontrées, elles disent négocier leur voyage essentiellement avec des agences de passeurs qui ont pignon sur rue dans leur pays d’origine. Certaines ont des liens d’amitié ou de solidarité avec ceux que la loi désigne comme leur proxénète, d’autres ont été trompées par des individus isolés qui profitent du contexte favorable aux trafics, d’autres, encore, sont parties avec un fiancé en qui elles avaient confiance…

«J’ai été obligée d’avoir des rapports sexuels avec des animaux»

Certaines de ces femmes expriment de la satisfaction à être en Suisse au regard des conditions de vie qu’elles ont laissées. Mais d’autres déplorent les

La souffrance derrière les apparences.

conséquences désastreuses sur le long terme. Sonia, originaire d’Afrique, regrette amèrement ce que sa vie est devenue après de longues années dans la prostitution. «Je me suis échappée d’un centre d’aide d’urgence, car quelques jours plus tôt j’avais été informée qu’un laissez-passer avait été signé par l’ambassadeur de mon pays en Suisse et donc j’étais expulsable à tout moment. Désespérée, je me suis retrouvée dans la rue, et pour survivre je n’avais pas d’autre choix que de me prostituer, n’ayant nulle part où aller et ne connaissant personne ici en Suisse. Quelques jours plus tard, j’ai fait la connaissance d’un Monsieur qui me proposait un travail digne dans une autre ville et un toit. En fait, cela a été le début d’un autre calvaire qui n’a pas de nom !», dit Sonia, avec un sourire douloureux qui en dit long sur ce qu’elle a subi en acceptant de suivre cet inconnu qui était en réalité un proxénète redoutable et impitoyable. «Une fois arrivée chez lui, il m’a droguée, battue, violée pendant des semaines et m’a vendue à un autre pervers qui a un bordel. Celui-ci, un vieux Suisse, me confie à sa compagne, une vieille femme africaine qui me fait comprendre que je suis leur esclave et que j’ai coûté très cher. J’apprends que j’ai une dette de 40’000 francs suisses, ce qui équivaut à 5 années de travail à plein temps. Elle me demande de me préparer pour la nuit. Pendant 5 ans, je vais travailler pendant des heures dans leur bordel avec d’autres filles. Comme une chienne. Des dizaines de clients à satisfaire par jour, la douleur au fond des entrailles, la violence, l’alcool, la drogue pour tenir le rythme infernal imposé par la cadence des clients… J’ai été forcée à pratiquer la scatologie (manger des excréments, ndlr) et la zoophilie (avoir des rapports sexuels avec des animaux, ndlr) pour assouvir les désirs sexuels de certains clients : des pervers sexuels européens de la pire espèce! Je me sentais sale, une machine à foutre, une poubelle, une vraie merde, je n’avais plus de larmes, ni de force, c’est dans la drogue que je me réfugiais. Aujourd’hui, j’essaie de tourner la page, malgré les séquelles. Ce n’est pas facile, c’est une blessure qui, je crois, ne pourra jamais cicatriser. J’ai fait la connaissance de Madame Mbog et son association m’ont aidés à tourner la page avec des soutiens psychologiques, un accompagnement et une réinsertion entre autres. Madame Mbog redonne une dignité aux femmes prostituées si souvent méprisées. Même si le combat n’est de loin pas encore gagné ».

Une issue possible ?

Mme Mbog Gemaine Epoula, est une Camerounaise qui a créé l’association «Femme, berceau de l’humanité malgré tout ». Son principal but? «Sortir les filles du trottoir et les aider à se réinsérer. Nous sommes installées en France, mais voyageons un peu partout en Europe, où se trouvent le plus de prostituées Africaines», nous explique la fondatrice que nous avons rencontrée à Genève. «Au départ, les femmes venaient vers nous pour les préservatifs et nous en avons profité pour leur poser des questions. Avec certaines, nous avons commencé à réfléchir à une stratégie commune pour les sensibiliser et les sortir de la rue», nous explique t-elle. Cette avocate de profession, a abandonné sa carrière pour se consacrer à plein temps à son association. «Toutes n’arrivent pas à tenir le coup. Seule une minorité écoute la sensibilisation et ne retourne pas dans la rue. La majorité y retourne, en expliquant que c’est la pauvreté qui les pousse, qu’elles doivent gagner de quoi nourrir leur famille entre autres. Par contre, elles promettent que si on leur propose une source de revenus, elles sont prêtes à quitter définitivement la prostitution», poursuit Mme Mbog, qui avoue n’avoir jamais imaginé qu’un jour elle laisserait tomber son métier pour inciter les travailleuses du sexe à se trouver une autre profession. Elle dit avoir pris «cette décision un jour… par hasard…», car, dans le cadre d’une enquête, elle découvre avec horreur qu’une mère prostituée, pour «garder» ses clients pervers, accepte l’offre que lui font ces derniers de sodomiser son fils de deux ans. Malheureusement, le fils ne résiste pas et meurt suite au viol. Mme Mbog, très marquée par cette horrible histoire, décide alors «de comprendre ce qui pousse les prostituées à accepter de subir tout ce qu’elles subissent! ».

Visiblement marquée, Mme Mbog interpelle avec une voix d’ange tous les concernés : «J’aimerais attirer l’attention sur le trafic d’êtres humains et communiquer deux messages. Le premier est que l’Afrique, en matière de prostitution, est en train de prendre tout ce que l’Europe a de plus sale pour miser ses espoirs là-dessus. Il faut expliquer aux gens que la vie est dure, mais que ce n’est que la solidarité qui nous fera dépasser les obstacles. Le deuxième message est pour les parents qui ont démissionné de leur rôle. On fait un enfant en essayant de lui donner les moyens d’aller plus haut. Ce sont les valeurs qu’on donne à un enfant aujourd’hui qui feront de lui la femme ou l’homme qu’il sera demain. Si on apprend à un enfant qu’il doit se prostituer pour avoir de l’argent, il pensera que son corps est sa seule source de revenus. Alors qu’il peut travailler. Même si c’est difficile. Nous pouvons encore arrêter les choses. Le message est aussi de demander aux gouvernements de trouver des solutions pour que les enfants aillent à l’école, que les gens soient protégés et, que les lois de l’asile et de l’immigration soit plus souples vis-à-vis des couches vulnérables, comme les femmes, parce que c’est quand elles traînent dans les rues qu’elles sont en danger », conclut-elle.

Fbradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

*Prénoms d’emprunt




La commune de Moudon et l’EVAM célèbrent « les Mille couleurs »

Le derviche tourneur de la fête des Mille couleurs. Photo: Najet

La grande salle de la Douane de Moudon a fait salle comble dimanche 15 avril à l’occasion de la fête des « Mille couleurs ». Accompagnés par leurs parents, des dizaines d’enfants se sont retrouvés pour chanter, jouer et danser dans une ambiance multiculturelle.

 

 

Des danses tout en couleurs. Photo: Najet

D’origine turque, mais ouverte à tous, « la fête des Mille couleurs », qui en est à sa neuvième édition à Moudon, a été organisée avec l’aide de la commune. Son objectif ? « Donner du bonheur aux enfants ! », lance Claude Vauthey, responsable de la commission des étrangers de la commune de Moudon. « Les enfants migrants restent souvent entre eux et notre objectif est de les intégrer aux enfants de Moudon afin d’éviter l’isolement », souligne Cécile Ehrensperger, responsable du secteur Nord-Ouest de l’EVAM (Etablissement vaudois d’accueil des migrants).

Une grande diversité d’activités

Le clown Macaron en pleine représentation. Photo: Najet

Pendant tout l’après-midi, la grande salle de la Douane a vibré sous les applaudissements, les chants, les rires des enfants et de leurs accompagnants. Il faut dire que le spectacle était varié : un groupe de musique congolais a fait chanter le public au rythme du gospel et des enfants portugais ont dansé sur des airs de leur région. Un danseur suisse a ébloui le public en faisant onduler sa robe comme un derviche tourneur au travers d’une danse soufie qui était rythmée par des mélodies égyptiennes. Des femmes turques, qui avaient revêtu les habits traditionnels, ont ondoyé sur une musique envoûtante. Quant au clown « Macaron », il a fait de fréquentes apparitions pour rythmer le spectacle. Son nez rouge et ses habits multicolores, son humour faussement naïf ont bien sûr déclenché de grands rires dans la salle.

Des cadeaux pour tous

Des jeux ont permis aux enfants de gagner différents prix et tous sont partis

Madame Mimosa après une journée de festivités. Photo: Najet

avec des friandises dans un cornet surprise Domi est venu à la fête avec sa mère Soliya. Il rayonne : «Je suis très content, j’ai gagné une trottinette ! La fête est super, je reviendrai l’année prochaine».

Mimosa, jeune mère de 6 garçons et 2 filles, accompagne sa petite tribu : «Je suis très heureuse d’être là et mes enfants aussi, confie-t-elle. C’est la première fois que nous venons à cette fête, car c’est la première année que je suis à Moudon. Avant j’habitais Genève».

Besiana est ravie, elle a reçu un sac dans lequel se trouve un ours en chocolat. Quant à sa sœur Shkurta, elle a participé avec ses amies à la fabrication des guirlandes qui décoraient la grande salle de la Douane. Les deux filles sont venues en voisines car elles habitent à Lucens.

Quelle que soit leur provenance, c’est promis, tous les enfants que nous avons rencontrés ont assuré qu’ils reviendront faire la fête « aux Mille couleurs » l’année prochaine !

Najet

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Quelques clichés de la danse envoûtante du « derviche tourneur aux mille couleurs »:

Le derviche tourneur aux « Mille couleurs ».(1/4) Photo: Najet

 

Le derviche tourneur aux « Mille couleurs » (2/4). Photo: Najet

 

Le derviche tourneur aux « Mille couleurs » (3/4). Photo: Najet

 

Le derviche tourneur aux « Mille couleurs » (4/4). Photo: Najet




L’histoire de Wahid venu d’Afghanistan (1/2)

Partie 1/2

Bonjour, je m’appelle Wahid (nom d’emprunt).

A l’âge de 10 ans, mon père a eu un cancer et est mort deux ans plus tard.

Toutes les difficultés ont alors commencé pour moi et le reste de ma famille.

Je suis l’aîné d’une famille de quatre enfants, j’ai un frère et deux sœurs.

Avec mon frère, mes sœurs, ma mère et ma grand-mère nous vivions tous sous le même toit.

Dès 12 ans j’ai été forcé à travailler

Pour ramener de l’argent à la maison, dès 12 ans j’ai gardé des moutons et des chèvres. J’ai aussi travaillé au service de personnes riches. Comme j’étais petit je ne pouvais pas faire d’autres travaux. Mes frères et mes sœurs pouvaient ainsi aller à l’école, mais moi je ne pouvais pas. Dès l’âge de 15 ans, j’ai fait de la manutention jusqu’à l’âge de 19 ans. Ce travail était bien pour moi, ma famille était contente, mes frères et mes sœurs pouvaient continuer à apprendre.

Un jour, un accident est arrivé

Un jour, je déchargeais des poutres d’un camion et un accident est arrivé. Une poutre est tombée sur mon collègue Rmzdym et il est mort. Ce n’était pas ma faute. Je suis alors rentré à la maison et j’étais très mal, très triste. Je ne savais pas quoi faire. Mon frère m’a dit : « le frère de Rmzdym, s’appelle Javid et il te cherche! ». Je me demandais ce qu’il voulait de moi. Ne sachant quoi faire, je suis allé prendre conseil chez mon ami Hysa qui est pour moi comme un frère. Hysa m’a dit : « Wahid, il faut que tu partes, Javid te cherche, il te menace de mort, on ne peut pas aller voir la police car ils ne feront rien, ils ne vont pas te protéger ».

Pendant deux nuits, je me suis caché dans la maison de Hysa. Lorsqu’il se rendait au travail en ville, il entendait que ça n’allait pas mieux pour moi. Je devais partir mais je n’avais pas d’argent. Hysa m’a alors prêté une somme, m’a fourni du carburant et m’a mis en contact avec l’un de ses amis qui était chauffeur. Le lendemain, à 4 heures du matin, j’ai quitté ma ville, ma famille, j’étais très triste.

On est parti pour Kandahar où on est resté deux jours et deux nuits. J’ai téléphoné à Hysa et les nouvelles n’étaient pas bonnes. Il m’a dit : « ne reviens pas sinon ils te tueront, si tu veux parler avec la famille de Javid, il faudra attendre très longtemps ».

Fuir au Pakistan

J’ai alors pris la décision de partir plus loin, au Pakistan où j’espérais trouver un travail. 5 jours plus tard, j’ai heureusement trouvé un emploi dans un restaurant car je n’avais plus d’argent, je dormais dans la rue, je ne mangeais plus. Le travail dans le restaurant ne payait pas beaucoup, je n’arrivais pas à vivre et à rembourser Hysa. Puis il m’a conseillé de me rendre en Iran, il pensait que j’y trouverais de meilleures conditions pour vivre et travailler. De plus, il avait un frère qui vivait là-bas.

Partir en Iran

Une semaine plus tard, je partais pour l’Iran. Je me suis rendu chez le frère de Hysa qui m’a donné de l’argent pour payer les passeurs qui m’avaient accompagné. Je suis resté une semaine chez lui, jusqu’à ce qu’il me trouve un travail. Il travaillait dans une usine de découpage de pierres et, peu de temps après, j’ai pu le rejoindre. Trois mois plus tard, la police iranienne m’a attrapé lors d’un contrôle, car je n’avais pas de passeport. Elle me demandait de l’argent pour me libérer. J’ai payé la police par l’intermédiaire du frère de Hysa et je suis sorti. Je suis alors retourné travailler à l’usine et 6 mois plus tard, la police est revenue pour me demander à nouveau de l’argent. Je me suis dit alors que ça ne finirait jamais…

Histoire à suivre dans quelques jours

Histoire de vie racontée par :

Fardudin

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




L’EVAM ouvre le dialogue avec les habitants du quartier de Montjoie

La tribune de la rencontre organisée par l’EVAM dans le quartier de Montjoie

Ambiance houleuse au Mont-sur-Lausanne lors de la séance d’information organisée par l’EVAM (Établissement vaudois d’accueil des migrants), le 28 mars dernier. Une partie des habitants du nouveau quartier de Montjoie ne veut pas d’un centre de formation pour migrants à leur porte et l’ont fait savoir haut et fort.

Une majorité des quelques 150 habitants de Montjoie présents ce soir-là se sont dits « trompés sur la marchandise ». A la place des commerces de proximités et de la garderie que la Caisse de pension Migros leur avait promise, c’est un centre de formation pour requérants d’asile qui s’installera dans deux bâtiments du quartier entre octobre 2012 et mars 2013.

L’EVAM compte implanter son nouveau centre de formation dans deux bâtiments au chemin de Rionzi 55-57

L’EVAM veut en effet concentrer dans ces bâtiments la quasi-totalité de son activité de formation, aujourd’hui disséminée dans cinq lieux de la région lausannoise. Ce regroupement concernera environ 40 collaborateurs et près de 300 requérants d’asile ou réfugiés. Résultat: les résidents de Montjoie craignent de voir la quiétude de leur quartier perturbée par ces nouveaux voisins.

« Ici, les habitants sont de toutes les nationalités. Nous ne sommes pas

Une exposition de photographies présente les programmes d’occupation de l’EVAM

racistes ou intolérants, mais nos craintes sont justifiées, a souligné l’un des habitants ». «Comment gérer les 300 réfugiés qui débarqueront quotidiennement et qui ne manqueront pas durant la journée de prendre possession des parties communes et des espaces verts initialement destinés aux enfants? », s’est inquiété un autre. « Il s’agit d’une population de pendulaires qui rentre chaque soir dans les divers lieux d’hébergement situés à l’extérieur du quartier » a précisé Pierre Imhof, le directeur de l’EVAM. « Ceci offre ouvre d’ailleurs la possibilité aux habitants d’utiliser une partie de ces locaux pour développer des activités de quartier en dehors des heures de cours, comme le week-end ». A ce dernier de conclure son intervention en soulignant que « les requérants d’asile font tout pour s’intégrer, ils souhaitent faire leur vie en Suisse et y ont un avenir. Actuellement, nous ne rencontrons aucun problème de cohabitation entre les centres de formation et les populations locales.

Pendant la soirée, certains s’en sont pris avec beaucoup de virulence au représentant de la Caisse de pensions Migros, Monsieur Christian Rosseli, propriétaire des lieux. Pour sa défense, ce dernier a affirmé « n’avoir pas trouvé d’autres locataires intéressés ou prêts à payer le prix demandé. Quant à la garderie, le projet a mis longtemps avant d’être soutenu par la commune. Entre temps, les négociations entre l’EVAM et la Caisse de pensions Migros avaient abouti et se sont soldées par la signature du bail en février dernier ».

Des banderoles visibles sur quelques balcons du quartier de Montjoie

Un groupe de contact pour faciliter le dialogue entre les habitants du quartier et l’EVAM

Au terme de la rencontre, une habitante du quartier a proposé de créer un groupe de contact afin de poursuivre le dialogue. Pierre Imhof a relevé la pertinence de cette idée et a invité les intéressés à contacter l’EVAM. Pour l’heure, l’aménagement du centre de formation fait l’objet d’une mise à l’enquête publique.

Sara

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Commentaire

J’étais le seul requérant d’asile présent dans la salle cette soirée et j’ai eu un sentiment de tristesse par la colère qui animait la majorité des personnes présentes, qui mêlait une déception quant aux promesses qui n’ont à priori pas été tenues par la Caisse de pension Migros et l’annonce de l’arrivée du centre de formation EVAM pour requérants d’asile dans le quartier.

Je souhaite rappeler ici que tous les migrants ne sont pas sans éducation. Ils 

désirent suivre une formation parce qu’ils jugent que l’acquisition de nouvelles compétences est fondamental pour faciliter leur intégration dans la société suisse.

Comment des habitants d’un quartier peuvent-ils être en colère face à la

Une banderole à proximité du futur centre de formation de l’EVAM

venue des requérants d’asile qui souhaitent se former sans les connaître ? D’où vient cette colère ? Est-ce dû au fait qu’ils n’ont pas eu ce qu’ils voulaient de la part de la Caisse de pension Migros: à savoir des commerces et une crèche ? Est-ce lié à une instrumentalisation de cette colère par des personnes qui ont déposé à plusieurs reprises des tracts dans les boîtes à lettres des habitants du quartier pour attiser une haine à leur encontre ? 

Un monsieur d’origine suisse est venu à ma rencontre à la fin de l’événement et il s’est excusé pour ce qui s’est passé. Je lui ai répondu qu’à présent, je comprends qu’il y a une grande différence entre ce que je pense de la population suisse et ce que pense de moi la majorité des personnes qui ont assisté à cette séance d’information.

Sara