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Les requérants d’asile déboutés sont dans une impasse

Mme Christiane Jaquet-Berger, députée au Grand Conseil vaudois et Mme Christine Morerod, membre de l’église St-Paul à Lausanne. Photo: Niangu NGINAMAU

Le collectif Droit de rester et la Coordination Asile-Migration Vaud  font pression sur le canton de Vaud pour demander « plus de diligence et d’humanité » dans le traitement des demandes de régularisation des requérants d’asile déboutés. Pour l’heure, ce statut conduit généralement à une impasse.

M. Bernard Borel, ancien député au Grand Conseil vaudois et M. Jean-Michel Dolivo, député au Grand Conseil vaudois. Photo: Niangu Nginamau

Jeudi 3 novembre dernier, le collectif Droit de rester a convoqué la presse à Lausanne pour une conférence de soutien à M. Fatmir Krasniqi. Ce requérant d’asile débouté avait été interviewé par  Voix d’Exils en mai 2011. Emprisonné au Centre administratif de Frambois, à Genève, M. Fatmir Krasniqi avait été libéré en mars 2010. Plus d’une année plus tard, sa situation administrative n’a toujours pas évolué et il est actuellement menacé d’expulsion par le Service de la population du canton de Vaud. Droit de rester a dénoncé « l’arbitraire » du traitement des dossiers des requérants d’asile déboutés, et dit craindre « un effet Vol spécial » qui pousserait les autorités à multiplier les expulsions.

En juin dernier, des députés, des artistes et des intellectuels s’étaient également réunis à Lausanne à l’appel de la Coordination Asile-Migration Vaud (CAMIV) pour exprimer leur soutien en parrainant des requérants d’asile déboutés et pour demander leur régularisation. A cette occasion, ils avaient transmis un manifeste à M. Philippe Leuba, conseiller d’Etat vaudois qui était alors en charge du département de l’Intérieur. Dans ce document, il était fait mention de 35 requérants déboutés qui habitent depuis au moins cinq ans dans le canton et qui avaient fait une demande de régularisation comme les y autorise l’article 14 de la Loi sur l’asile. Mais leur demande avait pourtant été rejetée « sans autre précision ».

M. Jacques Neirynck, conseillé national PDC et Mme Graziella de Coulon, membre de Droit de Rester. Photo: Niangu Nginamau

L’un des signataires, l’avocat Christophe Tafelmacher n’avait pas mâché ses mots : « La situation faite aux personnes déboutées m’apparaît inacceptable et contraire aux droits humains. D’un côté, les autorités les confinent à l’aide d’urgence, qui représente en réalité une forme de contrainte étatique, et de l’autre côté, elles leur interdisent de travailler. Cette voie est à la fois indigne et inhumaine, mais aussi inefficace : le renvoi de nombreuses personnes ne peut être exécuté et elles restent donc des années durant dans cette voie sans issue ». Comment dès lors sortir de cette impasse ? A M. Christophe Tafelmacher d’ajouter qu’à ses yeux « la seule solution pour redonner une dignité tant à ces personnes qu’au droit d’asile en Suisse serait de les régulariser ».

M. Claude Calame, philosophe et professeur à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris. Photo: Niangu NGINAMAU

En demandant à des personnalités d’intervenir dans le débat, la Coordination Asile souhaitait relancer la question de la légitimité de la loi sur l’asile et de son application « au vu des nombreuses violations des droits humains qu’elle génère ».

De fait, la question de la régularisation des migrants qui vivent ici depuis des années, certains avec des enfants, concerne tout le monde et le soutien apporté par des personnalités en vue démontre qu’il serait temps d’ouvrir un débat public sur l’application cantonale de la Loi sur l’asile avant de le porter au niveau fédéral auprès des services de Mme Simonetta Sommaruga, Conseillère fédérale, cheffe du Département de Justice et Police.

Niangu NGINAMAU

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Commentaire

Il est plus que jamais nécessaire de repenser l’évaluation des demandes de régularisation dans une perspective constructive. Actuellement, les critères inclus dans la loi sont mal définis et constituent des obstacles le plus souvent insurmontables au vu des conditions de vie imposées aux requérants d’asile. Si un grand nombre de personnes déboutées restent dans le canton, c’est qu’elles n’ont pas la possibilité de repartir dignement et en toute sécurité. Leur vie est désormais ici et il est nécessaire de prendre acte de cette réalité en reconsidérant leur demande de régularisation  sur la base de l’article 14 de la Loi sur l’asile.

N.G.

 




Voix d’Exils vous souhaite de très belles fêtes de fin d’année!

 




Un blackout au centre d’hébergement collectif de Crissier provoque un sérieux malaise !

Le centre d’hébergement de Crissier de nuit.

Du samedi 3 Décembre au lundi 5 Décembre 2011, les requérants d’asile du bâtiment 8, troisième étage du centre d’hébergement collectif de l’Evam (Etablissement vaudois d’accueil des migrants) de Crissier ont été privés d’électricité. Reportage exclusif de Voix d’Exils.

Un profond malaise a régné au foyer de Crissier durant plusieurs jours et ça a râlé énormément du côté des requérants d’asile affectés par la panne de courant. Ceux-ci ont en effet vécu un véritable calvaire durant le blackout et même au-delà…

Qui est responsable des dégâts ?

Accoudé sur un banc installé devant leur réfrigérateur, Regat et Sembrete constatent les dégâts occasionnés par ce week-end privé d’alimentation électrique. Tout est pourri dans leur frigo qui dégage une odeur nauséabonde. Dans la chambre voisine, c’est le désarroi total. Mirka, refugiée Erythréenne, jeune mère de jumeaux, est en pleine discussion avec ses compatriotes venus nombreux s’enquérir de la situation. Mirka a les yeux rouges à priori par manque de sommeil, car les nouveaux-nés ont passés toute la nuit à pleurer, n’ayant pas l’habitude de vivre dans le noir absolu. Elle n’a pas pu fermer l’œil depuis plus de 48 heures et elle dit se sentir fatiguée, épuisée. Depuis samedi, elle se nourrit uniquement d’eau sucrée et de pain rassis ; car bien que l’électricité soit revenue, il n’est toujours pas possible de cuisiner au troisième étage. Pour se faire à manger, il faut se rendre au deuxième ou au quatrième étage. Mais Mirka ne peut pas laisser ses jumeaux seuls dans la chambre. Très tôt ce matin, elle a dû se rendre à l’hôpital pour un « check-up » de ses jumeaux, car pendant toute la durée de la coupure de courant, ses enfants ont été privés de médicaments. La température ambiante ayant accéléré la dégradation de médicaments qui étaient stockés dans le réfrigérateur. Elle veut maintenant savoir qui paiera pour les dégâts occasionnés ? Ce lundi, au cœur des palabres de tous les groupes de requérants rencontrés, figure en bonne position le sujet qui taraude tout le foyer de Crissier depuis samedi matin : la coupure de courant. « C’est ce qui est à l’origine de notre colère », nous dit Sana. Il ajoute que « nous sommes moins que des prisonniers depuis samedi. Nous ne pouvons pas préparer à manger, faute d’électricité ». « Il faut aller chez les voisins du deuxième ou du quatrième étage pour le faire ».

La grogne gagne les requérants de Crissier durant la semaine du 5 au 11 décembre

Les requérants disent se sentir bafoués et méprisés. Aucun responsable du centre Evam de Crissier n’est venu s’expliquer par rapport à l’incident. D’où les réactions que nous avons recueillis durant cette semaine:

Philémon, requérant Erythréen dit « je ne sais pas pourquoi certaines personnes éprouvent du plaisir à nous voir tristes ». « Ils nous prennent pour des animaux » lance Regat une requérante également d’origine Erythréenne. « Ils (certains collaborateurs de l’Evam de Crissier) nous manquent de respect et nous abusent, nous allons écrire au directeur de L’Evam – M. Pierre Imhof – pour le mettre au courant des dérives en pagaille de ses collaborateurs ici à Crissier » menace Sana requérant d’origine Guinéenne. Il faut souligner que la quasi-totalité des requérants du centre de l’Evam à Crissier disent être persuadés que M. Pierre Imhof n’est pas au courant du laisser-aller, désordre, chaos et du mépris vis-à-vis des requérants que certains collaborateurs de l’Evam font régner à Crissier. Bvira, requérant d’origine sri-lankaise veut que « des têtes tombent », « à l’instar de l’amende qu’on nous impose pour chaque rendez–vous manqué, nous demandons aussi que les responsables, directs ou indirects de cette catastrophe payent » assène t-il.

Le vigile en service le week-end du « blackout », contacté, dit avoir juste informé les requérants « ne pouvoir rien faire car (…) le mot d’ordre est d’attendre jusqu’au prochain jour ouvrable, de ne rien entreprendre pour solutionner le problème quel qu’en soit le cas ».

La direction réagit le 14 décembre

Nous avons contacté la chargée de communication de l’Evam, Emmanuelle Marendaz-Colle, pour connaître la version de la direction de l’Etablissement Vaudois d’Accueil des migrants. Elle nous a fait savoir que c’est notre demande qui l’a informée de cette situation et que « la nécessité de Voix d’Exils s’y voit ici pleinement illustrée ». Elle mentionne que « la direction de l’Evam n’était pas au courant de cette panne », et après renseignements, elle nous a confirmé qu’effectivement une panne avait bien eu lieu « au 3e étage de l’un des trois bâtiments du site, qui a été provoquée par les travaux d’ouvriers qui étaient présents le samedi matin pour installer de nouveaux dortoirs ». Elle a par ailleurs souligné que « la direction de l’Evam ne peut que déplorer le fait que les surveillants qui travaillaient ce week-end là, qui sont des collaborateurs d’une entreprise de sécurité en sous-traitance mandatée par l’établissement, n’aient pas pris les mesures nécessaires (…) pourtant claires et contenues dans un classeur à disposition dans chaque loge de surveillants. (…) Concernant les résidents de l’étage, les assistants sociaux du foyer ont reçu l’instruction de les réunir le vendredi 16 décembre 2011 à 13h30, afin qu’ils puissent recevoir une explication du responsable de secteur concerné, M. Pascal Rochat, qui était en vacances lors de l’incident. Il leur remettra un bon Migros de 30 francs en dédommagement de la nourriture avariée » a conclu la chargée de communication de l’Evam.

Voix d’Exils a été invité à assister à ladite réunion. Affaire à suivre prochainement.


Fbradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils