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Comment les requérants d’asile vivent-ils l’intégration et ses difficultés en Suisse ?

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L’intégration est considérée, dans le domaine de la migration, comme un processus par lequel l’étranger arrivant dans un nouveau pays accède aux ressources économiques, culturelles, sociales et politiques du pays d’accueil. L’idée qui guide la rédaction de cet article est d’aider les requérants d’asile à comprendre l’intégration dans sa globalité et de soulever les difficultés qu’ils rencontrent à s’intégrer en Suisse, pays auquel ils ont demandé protection.

Le 5 juillet 2011, je réalise ma première interview avec Georges, 25 ans, Egyptien, requérant d’asile à Couvet (NE). Selon lui  « les requérants d’asile doivent respecter la société dans laquelle ils font une demande d’asile, même si leur demande est rejetée. Ils doivent s’intégrer dans le système et ne pas devenir un autre, ne pas changer de personnalité ». Dans ce même registre, un jeune homme de 27 ans, de nationalité togolaise, affirme que « de nos jours, l’intégration perd de sa valeur même chez les sujets nationaux. Je vois aussi des Suisses qui travaillent « au noir » pour ne pas payer d’impôts, qui n’achètent pas de billets avant de monter dans les transports publics, qui ne respectent pas les lieux communs, qui abusent de l’aide sociale.

Ce que nous demandons, déclare un requérant Ivoirien âgé de 30 ans vivant au centre d’accueil de Fontainemelon (NE), « c’est un esprit d’accueil de la part du canton dans lequel nous résidons. Nous sommes des êtres humains dans ce monde et devons nous adapter à toutes ces nouvelles choses qui nous sont étrangères. Cela prendra un certain temps, mais c’est pour mieux nous intégrer et espérer par la suite trouver un travail ».

Au centre des préoccupations des requérants d’asile : le travail

Le travail reste la grande préoccupation du requérant d’asile. L’Ivoirien trentenaire interviewé ci-dessus affirme ainsi qu’il a « l’impression que les employeurs des agences de placement du canton ne veulent plus engager de permis N et ne donnent pas de travail à ces derniers. Cela empire encore avec le chômage qui augmente et la crise actuelle qui touche toute l’Europe ». Cela a pour conséquence que les requérants qui, un classeur sous le bras, avec des documents, un CV, qui se rendent dans les entreprises, dans les bureaux de placement qui cherchent pendant des mois du travail finissent par se décourager et déprimer…Les seuls emplois a leur portée restent les travaux d’utilité publique proposés par le canton qui sont payés Frs. 30.- par journée de 8 heures de travail…

Une difficulté majeure que rencontre aussi les requérants d’asile est l’attente, parfois très longue, du développement de leur procédure d’asile. Ne trouvant pas de travail à cause de leur permis N, ils se sentent rejetés par la société. Par exemple, lors de la fête du 1er août 2011 (la fête nationale suisse), j’ai interviewé trois requérants d’asile de nationalités nigériane, congolaise et guinéenne sur des questions relatives au thème de l’intégration. Ma recherche de témoignages concernant l’intégration et le travail me conduit à penser aujourd’hui que ceux qui ont une activité lucrative sont au bénéfice d’une meilleure intégration. Les autres, qui n’ont pas cette chance, sont des proies faciles pour le travail au noir, le vol, le deal et peuvent tomber dans les filières interdites et dangereuses de l’argent facile.

Pour savoir ce qui pousse bon nombre de requérants à travailler au noir, j’ai interviewé l’un d’entre eux, Mamadou, Guinéen de 30 ans, qui affirme que « je n’ai rien à cacher et je vous dis la vérité! Je voulais travailler, je voulais être déclaré selon la loi, mais c’est comme si les autorités suisses avaient signé un accord avec les responsables des agences de placement afin qu’ils n’engagent plus de permis N. Je suis découragé! Ceux qui trouvent du travail, ce sont ceux qui sont en Suisse depuis plus de 5 ans et qui ont obtenu le permis B. Pour  moi, voilà ce qui m’a poussé à travailler au noir. Je gagne Frs. 2500 par mois, en plus des Frs 480.- de l’assistance financière, ce qui fait un total de Frs. 2980.-. En plus je ne paie pas d’impôts et je bénéficie d’un studio pendant 3 ans en Suisse. Je pose la question suivante à la Suisse : qui perd et qui gagne dans cette situation? A vous de juger, mais vos lois sont bloquantes ».

Dans ce même ordre d’idées, un Congolais, âgé de 35 ans, ne bénéficiant ni d’un permis de séjour ni d’un travail, depuis deux ans, déclare que les autorités « nous privent de nos droits à nous intégrer en Suisse pour que nous retournions dans nos pays ».

« Il ne faut pas mettre tous les requérants dans le même panier »

Voici le témoignage d’un requérant qui a la volonté  de travailler mais qui est contraint de prendre ce qui lui est proposé. Il suit actuellement un programme d’occupation du nom de « Neuchâtelroule »*. Il est très déçu car il a reçu une lettre du service de la main d’œuvre qui lui annonçait qu’il a le droit de travailler 10 jours par mois, ce qui lui permet de réunir la somme de Frs. 300.-. Somme qu’il ne doit pas dépasser, car il reçoit déjà l’assistance. C’est un dédommagement plus qu’un salaire. Pourquoi? Parce qu’il a un permis N.

Dans ces circonstances, un autre requérant m’a avoué avoir vendu de la drogue ce qui lui rapportait Frs. 2000.- par jour. Il m’a rétorqué, pour expliquer le motif de son trafic, que « j’ai une famille et je suis responsable, mais le système m’a poussé à faire ça ».

Encore un autre requérant, un nigérian âge de 32 ans me dit : « arrêtez de nous appeler « envahisseurs, profiteurs » : c’est la politique de la procédure de demande d’asile et le travail qui ne nous encourage pas et nous amènent dans l’illégalité pour avoir une meilleure vie… Écoutez-nous, certains de nous veulent garder une bonne réputation dans la société d’accueil, c’est pourquoi le permis B est la première condition pour nous pour trouver un emploi, faciliter notre intégration et pour que la population ne nous juge pas comme des « envahisseurs et des profiteurs ».

En effet, chaque jour, nous pensons au permis B. L’attente est très longue et décourageante. Nous sommes obligés de rester à l’assistance financière en gagnant Frs. 480.- par mois (dans le canton de Neuchâtel), ce qui ne couvre pas nos besoins journaliers. Ce que nous demandons, c’est que L’ODM accélère la procédure et améliore l’ouverture au marché du travail pour les requérants au bénéfice d’un permis N. Il ne faut pas mettre tous les requérants dans le même panier. Il faut ainsi cibler ceux qui ont la bonne volonté de s’intégrer au sens de la lois ».

Nous remercions certaines autorités suisses et associations qui luttent, défendent les réfugiés et qui crient haut et fort que déposer une demande d’asile en Suisse est un droit, malgré la forte pression de la politique de L’UDC quant à « l’immigration massive ».

Le fait de recueillir tous ces propos auprès des requérants d’asile m’a poussé à réaliser cet article sur le blog Voix d’Exils et me conduit, pour conclure, à poser la question suivante:

Que veulent les autorités suisses ? Pousser les étrangers hors de la Suisse ou trouver des solutions pour une meilleure intégration ?

Joseph

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Informations:

*Neuchâtelroule donne la possibilité d’emprunter des vélos, d’avril à octobre, en déposant une caution de 20 frs, pour une durée de 4h.



Aucun commentaire a Comment les requérants d’asile vivent-ils l’intégration et ses difficultés en Suisse ?

  1. Jag dit :

    Bravo à ceux qui acceptent de respecter les règles sociales d’ici, mieux que certains suisses qui trichent. Ils contribuent à faire de ce pays un endroit meilleur. Au vendeur de drogue que le système aurait soi-disant « poussé à faire ça », je rappelle ce que j’ai entendu moi-même comme migrant : Etre ici n’est pas un droit mais un privilège. La Suisse ne peut pas accueillir tout le monde. Elle n’y est pas obligée. C’est vrai que les procédures sont difficiles et parfois injustes et inéquitables. Parmi les gens qui soutiennent les initiatives xénophobes, plusieurs seront migrants un jour. Alors comment voudront-ils être traités? Mais en même temps, ce choix de partir et de venir, c’est le vôtre. Et le droit du peuple suisse, c’est qu’il soit respecté par ceux qui veulent en faire partie.

  2. Sophie dit :

    Je travaille avec des requérants d’asile déboutés et je ne remarque pas un seul jour où il y a une volonté de s’intégrer, en révisant leur cours de français donné par des bénévoles, en me posant des questions sur le fonctionnement des règles et des coutumes d’ici, dans une volonté de mieux comprendre où ils vivent, alors qu’ils ont déjà été rejetés. Je suis impressionnée de tous ces efforts qu’ils font, et en même temps désolée pour eux. Malgré les effots de la Suisse de vouloir diminuer le nombre de requérants, en appliquant des lois qui sont à la limite du droit humain (si ce n’est pas du tout!), cela ne fonctionne pas. Pire, cela n’empêche surtout pas de recourir à plus de restrictions, à plus de pressions sur ce qu’on oublie souvent de considérer comme des êtres humains, qui ont vécu l’exil, qui ont traversé des mers et des frontières au péril de leur vie pour trouver une vie meilleure ici. ces personnes déboutées veulent travailler également. C’est leur seule préoccupation de la journée et tentent alors de l’oublier en jouant au babyfoot ou en surfant sur Internet.

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