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Les citoyens vaudois se prononceront sur le droit de vote et d’éligibilité des étrangers le 4 septembre

Des droits politiques inédits en Suisse pourraient être accordés aux personnes étrangères le 4 septembre prochain.

Le 4 septembre, les vaudois se prononceront s’ils acceptent ou non d’accorder le droit de vote et d’éligibilité aux étrangers au niveau cantonal. Présentation de quelques enjeux et interview de Michele Scala, co-président du comité d’initiative « Vivre et voter ici », membre du Parti socialiste et vice-président des Colonies Libres italiennes, à l’occasion d’une marche en faveur des droits politiques des étrangers organisée le 24 août par le Forum des Etrangères et des Etrangers de Lausanne (FEEL).

A propos de quelques enjeux de la votation du 4 septembre

Le 4 septembre, si le peuple accepte l’initiative « Vivre et voter ici », lancée par le Parti Socialiste Vaudois et soutenue par une vingtaine d’associations, le pays de Vaud pourrait devenir un canton pionnier en accordant le droit de vote et d’éligibilité aux étrangers vivant depuis au moins dix ans en Suisse et depuis trois ans dans le canton.

Par cette initiative, les initiants soutiennent l’idée que toute personne qui participe à la vie d’une société a le droit d’exprimer son opinion sur la façon dont celle-ci doit évoluer. Et ceci, indépendamment de son passeport.

Neuchâtel et le Jura accordent déjà le droit de vote aux étrangers sur plan cantonal. Dans le canton de Vaud, les étrangers jouissent déjà du droit de vote et d’éligibilité communal depuis 2003. Cependant, en cas de oui le 4 septembre, Vaud serait le premier canton à octroyer aussi le droit d’éligibilité. Ainsi, un personne étrangère pourrait ainsi être élue au Conseil d’Etat, au Grand Conseil  et même au Conseil des Etats.

Ada Marra, conseillère nationale PS souligne que « 60% des migrants en Suisse ont un permis C. La plupart sont là depuis 30 ou 40 ans. Le problème, c’est la différence faite entre l’identité et la citoyenneté ». En effet, la question qui se pose aujourd’hui est: au nom de quoi seules les personnes de nationalité suisse pourraient-elles exprimer leurs idées à travers l’acte fondamental du vote sur la vie en société? Une société dans laquelle les étrangers apportent aussi leur contribution : qu’elle soit financière par le paiement des impôts, économique par la mise à disposition de leur force de travail, sociale par leur engagement dans la collectivité ou encore culturelle ?

L’initiative « Vivre et voter ici » a récolté 14’400 signatures, déclare fièrement le président du FEEL Monsieur M. Tidiane Diouwara, lors d’un discours qu’il a tenu le 24 août à la place de la Palud. Un beau succès malgré le contexte tendu de la politique migratoire !

 

Michele Scala (à gauche) interviewé par Moustapha Abou Khader (à droite)

Interview de Michele Scala

Voix d’Exils : Pourquoi ne pas faciliter la naturalisation pour favoriser l’éligibilité au niveau cantonal ?

Michel Scala : La naturalisation représente certes un moyen pour un étranger d’acquérir le droit de vote et d’éligibilité. Mais elle est le résultat d’un processus individuel pas toujours simple et elle exige, pour les ressortissants des États interdisant la double nationalité, le sacrifice de leur nationalité d’origine. Ceci peut avoir de lourdes conséquences pour ces personnes comme des difficultés à retourner dans leur pays d’origine, l’éloignement avec la famille, etc. Rien que dans l’Union Européenne, près d’une demi-douzaine d’États interdisent ou restreignent la double nationalité. Par ailleurs, un canton n’est pas une nation souveraine : la couleur du passeport n’est pas un critère décisif pour l’octroi des droits politiques sur le plan local.

Au niveau communal, les étrangers sont peu nombreux à user de leur droit de vote. A quoi sert-il de demander le vote au niveau cantonal ?

Le pourcentage des immigrés qui votent est très bas, voire inférieur au pourcentage des votants suisses. Avant tout, il y a un problème de culture politique et d’information sur la manière de voter. Mais la pratique des droits politiques s’apprend, elle n’est pas automatique. La participation s’accroît avec le temps. Par exemple, avec l’introduction du droit de vote aux femmes en 1971, la participation des femmes à la vie politique n’a pas été immédiate.

Que peut-on tirer de l’expérience du droit de vote des étrangers au niveau communal ?

L’octroi des droits politiques sur le plan communal a des effets positifs contrairement à ce que L’UDC prétend. On remarque plus d’intérêt de la part des suisses pour ce que font les étrangers et vice-versa. Lors des dernières élections communales, des séances et des débats d’information ont eu lieu dans les locaux et les cercles des communautés étrangères. On y a parlé des retraites, du chômage, de l’assurance maladie, des salaires, mais aussi des logements, du prix des locations, de l’école, des taxes du travail, de la protection civile, des pompiers et du sport… Du jamais vu !

Si les étrangers obtiennent le droit de vote et d’éligibilité, en quoi cela profitera-t-il au canton de Vaud ?

Le canton y gagnera humainement et économiquement.

Aucun canton de Suisse n’a encore accordé le droit d’éligibilité aux étrangers au niveau cantonal, pourquoi les vaudois l’accorderaient-ils le 4 septembre ?

Le canton de Vaud a toujours été pionnier en matière d’octroi du droit de vote. C’est ainsi que le droit de vote des femmes fut pour la première fois accordé en Suisse en 1959 sur une initiative radicale. Les étrangers ont participé à l’élection des autorités communales pour la première fois en 2006. Vaud aurait donc à nouveau l’occasion de faire œuvre de pionnier et de montrer l’exemple !

Propos recueillis par :

Moustapha ABDOU KHADER

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Santé pour tous

Série 1: « Le message du mouton » par Nashwan BAMARNI, artiste originaire du Kurdistan – Irak




«Enseigner le français à des participants venus des quatre coins du monde »

Pouvoir communiquer dans son pays d’accueil: une nécessité.

Pour la deuxième année consécutive, le Bureau lausannois pour l’intégration des immigrés (BLI) a organisé des cours de français gratuits et quotidiens du 11 juillet au 19 août, de 18:00 à 19:30, à Vidy-plage, au sud de Lausanne. Près de cinquante participants ont répondu présents à chacune des leçons sauf lors des annulations pour cause de pluie. Helena Gonçalves est l’une des cinq enseignants qui ont accompagné les participants dans leur apprentissage de la langue française. Voix d’Exils l’a rencontrée lors d’un cours. Interview.

Voix d’exils : Vous ne connaissez pas les participants et leur niveau avant de donner vos cours, comment préparez-vous votre programme ?

Helena Gonçalves

Helena Gonçalves: notre programme a été préparé au préalable. Nous avons des thèmes et des objectifs pour chaque semaine de cours, ainsi que du matériel d’appui comme des fiches de vocabulaire, des images, des exercices, des dictionnaires et des jeux. Il suffit ensuite d’adapter le contenu du cours au niveau des apprenants présents.

Des participants appliqués

Avez-vous suivi dans votre classe des élèves qui ont participé à tous les cours ?

Oui. Beaucoup de participants ont suivi pratiquement tous les cours.

Quels sont les avantages de ce type de cours ?

(De gauche à droite) Helena, Lucas et Julie, les enseignants du BLI

Ils présentent beaucoup d’avantages, notamment, ils sont accessibles à tous, gratuits et il n’est pas nécessaire de s’inscrire. Le matériel et des boissons sont mis à disposition des apprenants. En plus, ils ont lieu dans un cadre très agréable en plein air, avec vue sur le lac Léman, dans une ambiance informelle et accueillante. Ainsi, certaines personnes ne souhaitant pas s’inscrire dans une classe et dans un cadre plus formel ont l’occasion de se familiariser avec le français, de dédramatiser l’apprentissage puis de faire le pas et de s’inscrire à des cours dans des classes à la rentrée. Ces cours permettent aussi de mettre en valeur les offres d’intégration mises à disposition par le Bureau lausannois pour l’intégration.

Que vous apporte, sur un plan personnel, cette expérience ?

C’est une expérience très enrichissante, autant du point de vue professionnel que personnel. C’est avant tout la possibilité d’enseigner le français à des participants venus des quatre coins du monde. Cette diversité d’origines, de langues, de parcours de vie, fait de ces cours un lieu d’échange absolument passionnant. En outre, cette diversité fait appel à des compétences qui vont au-delà du simple enseignement de la langue française, puisque l’enseignant doit également faire preuve de compétences en matière d’accueil et de flexibilité. Réussir cela chaque soir est sans aucun doute très important sur un plan personnel.

Quelques réactions des participants

Simonan Martemucci. Participante

«Je parle l’italien et l’anglais. Je suis architecte et j’ai pris connaissance de ce cours de français offert par le BLI sur un site internet lausannois. J’ai suivi le cours presque tous les jours à part une absence d’une semaine pour une raison professionnelle. J’ai trouvé les enseignants gentils, j’ai bien assimilé ce qui nous a été transmis pendant les cours et je me suis fait de nouvelles relations. J’ai des difficultés à parler en français, mais j’y arrive quand même petit à petit grâce à ce cours de français. Cette offre m’a donné l’envie de poursuivre mon apprentissage en m’inscrivant dans d’autres cours de français intensifs proposés à Lausanne par des associations».

Simonan Martemucci, Italienne

Ghezala Cherif. Participant

« Je parle arabe, italien, espagnol et un peu français. J’ai pris connaissance des cours de français offerts par le BLI grâce à mon épouse. Nous les avons suivis ensemble presque tous les jours, sauf une absence de deux jours due au mauvais temps. Les points les plus positifs de cette expérience ont été pour moi : les contacts que j’ai eu avec les autres apprenants, les échanges de connaissances et, enfin, le mélange des cultures. Comme je rencontre des difficultés à écrire et en grammaire française, je reviendrai l’année prochaine pour poursuivre ce cours ».

Ghezala Cherif, Algérien

Propos recueillis par :

Usaque BAHATI WAMUNGU

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Des requérants d’asile expérimentent l’art participatif (2/2)

Sur le comptoir du bar à absinthe de gauche a droite: Donatella, Marie-louise, Hadrien, David, Valentin et Beat

Dans le cadre de Bex & Arts 2011, une exposition époustouflante sur le thème des territoires s’est tenue du 27 juin au 2 juillet dans le grand parc Szilassy. Sous la férule de trois artistes suisses, une dizaine de requérants d’asile venus du foyer de Bex ont créé, en une semaine, des installations originales à partir de matériaux récupérés.

Episode 2/2

Beat Lippert, Donatella Bernardi et Hadrien Dussoix, les trois artistes à l’origine de ce grand workshop, ont invité le blog Voix d’Exils à visiter l’exposition. Ce vendredi 1 juillet, nous la parcourons en compagnie de Marie-Louise Eshiki et Valentin Odera Nkemneme, deux requérants qui ont participé à cette magnifique expérience.

Le recours à des requérants d’asile pour une expérience artistique nous a fortement interpellés et nous voulions connaître l’avis de Beat Lippert. « Avec Donatella, on a expérimenté et développé le concept du workshop participatif en 2007 à Netuno en Italie, précise l’artiste. On l’a appelé « Siamo tutti beati », soit « Nous sommes tous bienheureux ». L’idée était de travailler avec les artistes du lieu et sans budget, car le low-coast est l’une des contraintes de nos workshops. Pour Bex Art 2011, nous avons proposé le même concept aux résidents de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants de Bex. » Martine Gerber, assistante sociale à l’EVAM, et David Burnier, civiliste, éducateur de formation, ainsi que Anne Hildebrandt, étudiante en art et bénévole auprès de Bex & Arts ont également participé à cette expérience inédite.

L’arbre de la vérité imaginé par les requérants

Intitulée L’arbre de la vérité, la première œuvre qui nous est présentée est un pommier. Un long serpent, sorte de saucisson géant fabriqué avec du fil électrique, a été posé sur ses branchages déjà chargés de fruits. Des panneaux en sagex, sur lesquels sont inscrites des phrases poétiques et symboliques, pendent le long des branches. « Nous sommes dans le jardin du Paradis, explique Marie-Louise. On voit le serpent de la Bible qui a trompé Eve. Il lui a demandé de manger la pomme, le fruit interdit de la connaissance du bien et du mal. Pour fabriquer ce serpent, on a ramené plusieurs mètres de câbles électriques qu’on est allés chercher à la déchetterie de Bex.». Donatella confirme : « On n’a rien acheté en fait… Il y avait une montagne de câbles et tant d’autres choses dans cette déchetterie, c’était la caverne d’Ali Baba ! ».

« L’arbre de la vérité », une oeuvre collective

Les panneaux accrochés au pommier sont aussi l’œuvre des requérants, comme le relève Marie-Louise : « On a exprimé toutes les pensées qui nous passaient par la tête. Ensuite on les a écrites sur des panneaux qu’on a accrochés au bout d’un fil sur les branches. Donc ce que vous voyez écrit, c’est nos pensées ». «La nature nous attire parce qu’elle nous procure de l’eau de source », lit-on sur un panneau signé par Marie Louise. « The sky is very high and donkeys cannot fly » (« Le ciel est très haut et les ânes ne peuvent pas voler »), lit-on sur un autre panneau signé Valentin Odera Nkemneme.

Les requérants d’asile ont également peints des motifs décoratifs sur le tapis fabriqué à partir de plaques de cartons récupérées à la déchetterie. « On était assis sur le tapis, à l’ombre du pommier, pour faire tous les travaux. On a eu beaucoup de plaisir à passer toute la semaine à travailler ici au lieu de rester sans rien faire», souligne Marie-Louise.

Un tapis fabriqué à partir de la récupération de déchets

Des œuvres d’artistes confirmés

Poursuivant notre balade dans le parc, nous voyons Sea Level (Niveau de la mer) une installation composée d’une trentaine de piquets de fer hauts d’un mètre et munis de petits haut-parleurs – des plaques rondes en cuivre de 2 mm d’épaisseur et de 5 cm de diamètre environ. Les piquets sont reliés les uns aux autres par des fils. Sea Level, œuvre de Rudy Decelière, ingénieur du son et compositeur sonore, vibre d’une musique répétitive qui caresse les oreilles des visiteurs et s’accorde parfaitement avec les bruits de l’environnement.

« Sea Level ». Auteur: Rudy Decelière

Plus loin, nous découvrons Duplication 6, une oeuvre qui présente la copie conforme des six tombes de la dynastie Hope-de Szilassy, anciennement propriétaire du parc. Ces duplicatas sont placés à coté des originaux, mais hors du périmètre fermé du cimetière familial. Ce dédoublement, qui est l’œuvre de Beat Lippert, souligne l’importance des tombes qui pérennisent les maîtres des lieux. Ces derniers, bien que morts et enterrés, affirment leur présence en continuant de marquer leur territoire.

Duplication 6. Auteur:  Beat Lippert

Ensuite, nous apercevons un drôle debar renversé sur le côté. Symboliquement, ce Twisted stripclub gives shelter from rain (Club de strip retourné protègeant de la pluie), de l’artiste David Renggli, décrit la position inconfortable des migrants qui sont dépourvus d’enracinement au sol. Les requérants ont été autorisés à mettre leur grain de sel en installant sur le bar des chaises et quelques objets. Ce bar, peu conventionnel, a d’ailleurs servi lors de la présentation du workshop aux visiteurs.

« Bar à absinthe ». Auteur: David Renggli

Pour finir notre visite, nous admirons la Casa of happiness (Maison du bonheur) de Meike Dölp et Isabelle Krieg qui se présente sous la forme d’une serre investie par les dessins des requérants qui ont copié les motifs décoratifs du tapis posé sous le pommier.

« Casa of hapiness ». Auteurs: Meike Dölp & Isabelle Krieg

En quittant ce parc magnifique, nous sommes touchés par l’effort déployé par les requérants d’asile dans cette pratique participative et engagée, ce qui démontre leur volonté de s’intégrer dans la société. Leurs mots déposés sur le pommier, qui sont des expressions de leur vie quotidienne et de leur créativité, ne nous laissent pas insensibles et nous ne pouvons que demander à ce que ce genre d’expérience puisse être renouvelée !

Niangu NGINAMAU

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils





L’autre visage

Série 1: « Le message du mouton » par Nashwan BAMARNI, artiste originaire du Kurdistan – Irak