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L’abri de Coteau-Fleuri fait grincer des dents ses habitants

Abri PC de Coteau Fleuri réquisitionné pour les requérants d'asile

Un dortoir de Coteau-Fleuri

En février dernier, l’EVAM a ouvert à Lausanne une structure d’accueil destinée aux migrants inscrits l’aide d’urgence. Voix d’Exils, qui s’est rendu sur place, a pu constater le mécontentement des habitants face à l’exiguïté des lieux et aux contraintes horaires.

Une trentaine d’hommes seuls à l’aide d’urgence dorment actuellement dans l’abri PC de Coteau-Fleuri. Un joli nom pour un endroit exigu qui impose à ses usagers des horaires stricts puisque ses portes se ferment le matin dès 09h00 avant de réouvrir à 19h30. Pendant la journée, une structure d’accueil toute proche prend le relai. Là encore, les lieux sont modestes : un coin télévision et un babyfoot, deux canapés et un réfectoire pour les repas. Deux assistants sociaux et trois animateurs encadrent les migrants. Un Centre de soins infirmiers de la Policlinique Médicale Universitaire (PMU) y tient sa consultation.

Le jour de notre passage, fin février 2011, la dizaine d’hommes présents ne veulent pas parler à Voix d’Exils. « Vous êtes des informateurs de la police ! » lancent-ils à notre grande surprise. Nous décidons alors de revenir le lendemain. Ashot, de nationalité arménienne, accepte de nous parler. « Je viens de Nyon, où je suis resté sept mois. Après, j’ai été transféré au Coteau-Fleuri. Contrairement à Nyon, ici nous sommes contrôlés par la police à chaque coin de rue. Le principal problème que nous rencontrons est que nous devons quitter l’abri le matin et nous ne pouvons y revenir que le soir pour dormir. Passer la nuit dans un abri de guerre avec 14 personnes dans la même pièce, c’est une situation insupportable ! Nous avons le sentiment d’être délaissés, quelle tristesse ! Le plus important pour nous est de pouvoir nous reposer pour ne pas errer en ville. Voyez vous-même comme les gens dorment sur les canapés ! ».

Les incohérences de l’aide d’urgence

Responsable du secteur Lausanne de l’EVAM, Pascal Rochat explique que si l’abri PC est fermé pendant la journée, c’est pour assurer la tranquillité des enfants qui fréquentent l’école primaire des Grangettes, située dans le même bâtiment. En effet, l’abri PC, qui peut accueillir jusqu’à 50 migrants, fait partie d’un complexe scolaire qui appartient à la Ville de Lausanne. L’EVAM a obtenu le droit de l’exploiter et en assure l’intendance et la surveillance.

Le soir, lorsque nous passons vers 20h00 à l’abri PC, nous sommes accueillis par deux agents de sécurité. L’un d’entre eux nous accompagne dans une pièce où se trouvent quelques requérants, debout à côté de leur lit. Parmi eux, Falou, originaire de Guinée française, nous raconte son parcours de Nyon à Sainte-Croix, puis à Coteau-Fleuri. Il tient le même discours qu’Ashot, et se plaint amèrement des contraintes et de l’étroitesse de son nouvel hébergement.

Le paradoxe économique de l’aide d’urgence

Interrogé le 3 février dernier par le journal 24 Heures, au lendemain de l’arrivée des 22 premiers requérants, Pierre Imhof, Directeur de l’EVAM, souligne que l’abri de Coteau-Fleuri «est une solution de secours. (…) Paradoxalement, le système de l’assistance d’urgence coûte beaucoup plus cher que les autres formules d’hébergement». Il s’explique : «nous ne devons fournir à ces migrants rien de plus qu’une aide matérielle». Autrement dit : un lit, les repas, des soins si nécessaire, mais pas d’argent. A première vue très simple, ce dispositif implique de fait un encadrement onéreux. A tire d’exemple, un requérant en cours de procédure touche  8 francs par jour pour ses repas, tandis que les trois repas que l’EVAM sert aux déboutés coûtent en moyenne 25 francs par jour ! «Nos charges se réduiraient aussi si nous pouvions construire pour disposer de locaux adaptés à nos besoins», poursuit le Directeur de l’EVAM. « Mais les oppositions sur le plan communal rendent, pour l’heure, tout projet immobilier des plus incertains ».

Niangu NGINAMAU

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




Une belle rencontre pour « briser le mur invisible »

Créer des liens sociaux par la broderie et la couture

Se rencontrer en échangeant des savoir-faire

Échanges de techniques sur la broderie et la couture, découverte de mets africains, discussions à bâtons rompus autour d’un repas. Voici un aperçu des activités qui se sont déroulées lors la semaine valaisanne contre le racisme du 14 au 21 mars 2011. C’est à cette occasion que deux univers féminins se sont rapprochés à Ardon pour apprendre à mieux se connaître. Une première.

« Concentre-toi bien sur la toile. Prends l’aiguille dans ta main droite, passe-la une première fois comme ça, encore comme ça et une troisième fois dans le sens inverse ». Sur un ton calme et posé, Mary-Jane, membre de l’association de broderie Le Jardin des passions, apprend à Roza, requérante d’asile, comment broder un motif sur une nappe. Cette scène, peu habituelle, s’est déroulée le 15 mars dernier au Centre de formation pour requérants d’asile, le Botza, dans le village valaisan d’Ardon qui compte environ 2500 habitants.

C’est à l’initiative du Centre que cette rencontre a été organisée : « Nous avons voulu profiter de la semaine valaisanne contre le racisme pour rapprocher les brodeuses d’Ardon et les requérantes d’asile en apprentissage dans notre Centre. Toutes vivent dans le même village sans vraiment se connaître. Notre objectif était de briser le mur invisible qui existe entre elles », expliquait à Voix d’Exils, Marie-Christine Roh, chargée administrative au Botza, une semaine avant le début de la rencontre.

L’idée depuis a fait son chemin. Une dizaine de brodeuses d’Ardon, pour la plupart Suissesses, ont fait le déplacement au Botza. Le temps d’une après-midi, elles ont appris aux requérantes d’asile les techniques adéquates pour broder artistiquement des nappes, des rideaux, des tableaux décoratifs et bien d’autres ouvrages. Les brodeuses n’ont pas eu l’impression d’avoir donné sans rien recevoir en retour : « De leur côté, les requérantes nous ont appris à fabriquer de petites roses en tulle. Je n’avais jamais vu faire cela et je repars avec quelque chose de formidable », assure Renée Praz, présidente du Jardin des passions.

Franchir les barrières linguistiques

Au delà des échanges de « techniques » dans le domaine de la couture et de la broderie, la rencontre a aussi été l’occasion d’un grand brassage culturel. « Je me sens si proche de toi », s’est exclamée une Suissesse qui, pour la première fois, avait l’occasion de promener ses mains sur le voile qui recouvrait la tête d’une Somalienne. Fières de leur tradition d’hospitalité, les requérantes ont fait déguster à leurs hôtesses divers mets africains, dont des beignets somaliens et du café érythréen. « Manger ensemble avec des gens qu’on ne connaissait pas du tout avant m’a fait un grand bien », a souligné Degho, requérante d’asile somalienne. Et une autre de renchérir : « en faisant l’effort de discuter avec nos visiteuses, j’ai laissé de côté ma peur de parler en français approximatif. Je me suis rendu compte que j’avais franchi la barrière linguistique ». « Je réalise une fois encore qu’aller à la rencontre de l’autre est une vraie source de richesse », confie Teresa. En attendant, pour Eva, membre du Jardin des passions, ce premier contact établi par son association avec les requérantes d’asile n’est qu’une première étape : « la porte est largement ouverte. C’est sûr, nous reviendrons ». D’ailleurs rendez-vous a déjà été pris pour assister au défilé de mode que projette le Botza en juin prochain.

Constant Kouadio et CDM

Membres de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Un voyage en train pour dépasser les préjugés racistes

Se marier pour les papiers

Une performance pour mettre en doute les préjugés racistes

Pour donner un coup d’envoi à la semaine valaisanne d’actions contre le racisme, qui s’est déroulée du 14 au 21 mars 2011, les Valaisans ont fait le choix de l’originalité en invitant des personnalités à traverser tout le canton à bord d’un train spécial afin d’interpeller la population. Si la formule a permis de toucher beaucoup de monde, elle a aussi mis à jour les scepticismes qui planent autour des modes de lutte contre le racisme.

 

« Bonjour, nous célébrons la semaine valaisanne d’action contre le racisme. Voici l’affiche sur l’événement avec un concours qui vous permet de gagner un ipod ». Munie d’un sac à dos, un appareil photo autour du cou, Céline Exquis, déléguée à l’intégration de Monthey, apostrophe les usagers du train régional qui vient de quitter Brigue pour Sierre. Quelques minutes plus tôt, ses collègues des autres bureaux de l’intégration du canton venaient de sensibiliser les passants au problème que représente le racisme à la gare de Brigue. Nous sommes le 14 mars, jour du lancement de la semaine valaisanne d’action contre le racisme. Cette célébration est en lien avec la journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale commémorée par l’ONU tous les 21 mars en hommage aux 69 personnes tuées par la police sud-africaine, lors d’une manifestation contre l’apartheid en 1960.

Le train spécial contre le racisme a relié le Haut-Valais au Bas-Valais en passant par les gares présentes sur l’axe Brigue-St-Gingolph. « L’idée est de s’attaquer aux stéréotypes qu’on entend sur l’origine, la religion ou le sexe » explique la déléguée à l’intégration de Sierre, Marie-Françoise Pitteloud. S’adressant à ses concitoyens, la Conseillère d’Etat Esther Waeber-Kalbermatten affirme « qu’il faut toujours faire un premier pas au-devant des étrangers, s’ouvrir aux autres sans se laisser influencer par des slogans dépréciatifs vis-à-vis de certaines populations ».

Du ludique contre le racisme

Que ce soit dans les gares de Brigue, Sierre, Sion, Martigny, Monthey et St-Gingolph, les usagers ont eu droit à des présentations théâtrales contre le racisme. « Il paraît qu’il sent mauvais », « Tu crois que c’est pour le permis ? » pouvait-on lire sur des pancartes brandies par les comédiens. « J’ai  été interpellé par les affiches. J’ai noté qu’il faut qu’on soit tolérant envers les étrangers dans notre société », affirme  Théophile, un Suisse de 20 ans.

Pour sa part, Céline Exquis déclare que « globalement, le public a été réceptif à notre action. Beaucoup ont accepté de prendre nos affiches dans les trains et les gares. Mais le fait qu’il y ait eu des gens qui ont refusé d’en recevoir montre qu’on a encore du travail à faire pour briser les stéréotypes et en finir avec le racisme  dans notre société ». « Pour réaliser l’intégration, nous devons vraiment lutter contre le racisme et la discrimination. C’est indispensable » analyse quant à elle Esther Waeber-Kalbermatten. A y regarder de plus près, les migrants partagent ce souhait, mais beaucoup ne croient pas à sa concrétisation.

« Nous voulons vraiment des actes concrets de la part des autorités »

Pendant que les officiels font leur discours à Viège, le sujet suscite des réactions de toutes parts. « La scène à laquelle nous assistons est un pur folklore. Ce n’est pas avec un train, fut-il rempli de représentants des autorités, qu’on va nous faire croire qu’on lutte contre le racisme » lance Cheick O. réfugié somalien vivant à Sierre. Même réaction pessimiste de la part des migrants qui, nombreux, ont fait le déplacement lors de l’arrêt du train à la gare de Viège. « On a tellement vu d’actes racistes dans cette partie du Valais que personne ne peut venir nous duper. Beaucoup de Hauts-Valaisans ont des préjugés sur les étrangers et ce n’est pas un train qui va les faire changer d’avis » déclare Mader K. réfugié érythréen.  « Nous voulons vraiment des actes concrets de la part des autorités » affirme Christian, requérant d’asile. Et de poursuivre : « Le jour où les Valaisans arrêteront de penser qu’à chaque fois qu’un homme d’origine africaine veut se marier avec une Suissesse c’est uniquement aux fins d’obtenir un titre de séjour, le jour où la police cessera d’arrêter les Africains à la gare en pensant qu’ils sont tous des dealers,  alors c’est seulement à ce moment-là qu’on pourra dire que les préjugés racistes auront  réellement diminués ».

Pour l’heure, Céline Maye, déléguée à l’intégration à Sion, se veut rassurante : « il faut entreprendre beaucoup d’actions différentes pour lutter contre le racisme ; le train spécial d’aujourd’hui est un événement parmi d’autres. Tout ne peut pas changer d’un seul coup. J’exhorte les uns et les autres à garder espoir et la lutte contre le racisme sera un succès ».                                   

CDM, membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils