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« J’ai abusé de l’aide sociale malgré moi »

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Mix et Remix à propos des étrangers abuseursAlors que le peuple suisse se prononcera le 28 novembre à propos de l’initiative de l’UDC concernant le renvoi des criminels étrangers, Voix d’Exils a décidé de donner la voix à un « abuseur » de l’aide sociale, afin de mieux comprendre les raisons qui l’ont conduit à commettre son acte. Elmundo*, ressortissant congolais vivant en Suisse depuis 20 ans, a accepté de répondre à nos questions.
Voix d’Exils : Vous êtes de nationalité congolaise et en Suisse depuis 20 ans. Est-ce que  vous avez déjà obtenu un permis de séjour quelconque depuis ce temps ?

Elmundo : Non hélas, non, je n’ai pas obtenu un permis de séjour tout à fait à la hauteur de ce que j’attendais.

VdE : Quelle est votre situation familiale actuelle ?

El : Ma situation familiale est délicate, puisque je ne vis plus avec ma famille. Mais nous avons quatre enfants à charge et je dois m’en occuper. Tout de même, il s’agit de ma famille.

VdE : Avez-vous abusé de l’aide sociale ?

El : Oui, j’ai malheureusement abusé malgré moi de l’aide sociale, vu la situation dans laquelle je me trouvais, puisque je ne pouvais pas… j’étais dans l’étau entre ma situation de séjour et ma situation financière qui n’était pas tout a fait bonne. Donc, étant donné que j’avais ma famille à charge avec une femme qui n’avait pas d’emploi… oui j’ai abusé de l’aide sociale.

VdE : Vous venez de dire que vous avez abusé de l’aide sociale, pouvez-nous expliquer comment cela est arrivé ?

El: En 1993, j’ai  épousé une Suissesse qui avait déjà deux enfants de son premier mariage  et qui n’avait pas de travail. Etant donné qu’elle ne recevait pas d’allocations familiales de la part de son premier mari, j’ai dû m’occuper de ses enfants et des miens, ce qui faisait quatre enfants plus nous deux. Voilà ce qui m’a poussé à faire cet acte car je n’arrivais pas joindre les deux bouts.

VdE : Est-ce que vous avez volontairement abusé de l’aide sociale ?

El: Si les conditions nécessaires me permettaient de subvenir aux besoins de ma famille, je n’aurais certainement pas abusé. On est toujours tenté par le diable, comme on dit, et voilà que la situation est arrivée : mon travail dans la restauration  ne me permettait pas à lui seul de joindre les deux bouts et donc j’ai continué à percevoir l’aide sociale.

VdE : Auriez-vous fait autrement ?

El : Logiquement oui j’aurais fait autrement. Si ma situation était bonne, je ne serais pas allé chercher cet argent à l’aide sociale.

VdE : Avez-vous été sanctionné pour cet abus ?

El : Oui, j’ai été sanctionné par la Préfecture de Lausanne qui m’a mis à charge une amende de 3’000.- Frs. et qui m’a demandé en plus de rembourser la totalité des aides perçues indûment.

VdE : Sur le plan de la santé physique et familiale, quelles ont été les répercussions ?

El : Merci pour  cette question car elle est capitale !  Effectivement, personnellement j’étais traumatisé par cette situation, étant donné que j’ai agi malgré moi. C’était un mal nécessaire. Suite à cela, ma femme aussi a eu un problème de dépression  durant plusieurs mois. Les choses, je les ai vécues difficilement. Difficile de supporter toutes les conséquences qui se sont produites après, même au niveau de mon couple : il y a eu séparation, le divorce et tout ce qui s’en suit…

VdE : Envisagez-vous de récidiver un jour ?

El : Non ce serait trop dur, je ne peux pas récidiver, ça n’a aucun intérêt actuellement.

VdE : Regrettez-vous d’avoir fait cela ?

El : Oui, je regrette vivement de l’avoir fait ! Mais comme je l’ai expliqué, il n’y a pas de fumée sans feu. C’est une question qui s’est posée et il y a eu une réponse.

VdE : Que pensez-vous de l’initiative de l’UDC qui sera votée le 28 novembre 2010 ?

El : Je pense que le peuple votera non à cette initiative, surtout concernant l’abus de l’aide sociale, étant donné qu’on sait que c’est toujours le chien, le malfamé qu’on jette le premier dans la rivière. Alors, je pense qu’il faut comprendre que c’est humain qu’une personne puisse faire une bêtise durant un moment difficile de sa vie, car c’est un moment de faiblesse, un moment de vulnérabilité.

VdE : Sachant que cette initiative comprend les étrangers criminels et les abuseurs de l’aide sociale ?

El: Je pense que les abuseurs de l’aide sociale ne sont pas tels qu’on les affiche. L’abus comme tel, c’est un problème de société, un problème de précarité qui est très important et qui implique ce genre d’action qui n’est finalement pas volontaire, on n’a pas le choix. Donc on vote non.

VdE : Quelle aurait été votre réaction si vous vous aviez appris que vous étiez renvoyé de Suisse à cause d’un abus de l’aide sociale ?

El : Je pense que les conséquences du traumatisme que je vis auraient été plus graves. On a vu des gens mourir, on a vu des gens se suicider  parce qu’on les arrachait à leur famille. Donc il faut comprendre que ça peut porter préjudice.

VdE : Que diriez-vous à l’UDC par rapport au message que porte son initiative?

El: A l’UDC ? Je proférerais un message sage en leur disant de ne pas proposer des mesures à la hâte, compte tenu que des phénomènes humains existent, que des phénomènes sociaux touchent des gens qui vivent ici en Suisse. Les étrangers qui ont construits leurs vies ici depuis plusieurs années, ils ont aussi des enfants.

*Prénom d’emprunt

Propos recueillis par Niangu NGINAMAU



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