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Une maman fait un infarctus après une décision de l’ODM (SEM)

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Mussa Cissey à Ste-Croix

Mussa Cissey entouré d’enfants résidant dans le centre de Ste-Croix. Photo: Gervais

Mussa Cissey vit un cauchemar depuis la cruelle décision de l’Office fédéral des migrations (ODM) selon laquelle ce Gambien de 26 ans, animateur au foyer de Sainte-Croix, devrait quitter la Suisse dans les plus brefs délais.

Bon élève de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), Mussa Cissey occupe un siège éjectable depuis que l’Office fédéral des migrations (ODM) lui a opposé un refus à sa demande d’asile. Sa tragédie a eu des répercussions jusque dans son pays d’origine : à l’annonce de cette nouvelle désastreuse, sa mère déjà malade du cœur a fait un infarctus et est passée de vie à trépas. Elle savait pertinemment ce qui arriverait au cas où son fils serait rapatrié.

Beaucoup croiraient à première vue que Mussa Cissey est un intendant engagé pour les travaux au foyer de l’EVAM à Ste-Croix. Faux : ce travailleur dévoué est un requérant d’asile comme les autres, en Suisse depuis un an et quatre mois.

Suite un voyage périlleux de la Gambie au Niger en passant par le Mali dans une voiture en mauvais état, ce qu’on appelle communément en Afrique un « abattoir », il se rend en Libye dans un camion surchargé, où lui et les autres occupants se partagent la poussière du trajet. Puis il séjourne à la belle étoile pendant plusieurs nuits dans une forêt libyenne où se côtoient entassement et malpropreté. Se nourrissant comme il peut, il trouve alors un bateau de fortune qui le mène à travers la Méditerranée jusqu’en Italie. Il arrive enfin en Suisse, où il posera définitivement ses valises. Ce périple, qu’il fait l’effort d’oublier, réveille en lui du chagrin, et surtout de la consternation pour ses compagnons de route qui ont perdu la vie en chemin.

Depuis son arrivée, cet analphabète a rapidement appris le français, ainsi que l’anglais auprès des autres requérants d’obédience anglophone. Très disponible, il a la faveur des bénévoles et des assistants sociaux. L’un d’eux, le dénommé Andreas Zurbrugg, tenu par le secret professionnel, nous laisse néanmoins entendre son émotion : « C’est une situation touchante, on voudrait bien qu’il en soit autrement, mais on n’a pas d’influence. On lui a demandé si on pouvait faire quelque chose, s’il pourrait avoir des preuves des persécutions subies au pays, on lui donne de l’espoir, comme on le fait pour tout le monde. Mais après tout, c’est la personne qui est acteur de sa position : avec de nouvelles preuves il pourra peut-être rouvrir son dossier, parfois il y a de bons résultats. Je lui souhaite une bonne issue et j’ai déjà beaucoup de regrets pour le poste d’animateur qu’il occupait ici. »

Un grand frère pour les enfants

Tout les enfants de Ste-Croix peuvent en effet, même sans connaissance du français, prononcer le nom de Mussa en raison des nombreux services qu’il leur rend : il accompagne par exemple les plus jeunes à l’école quand le besoin s’impose, il emmène les requérants au sport et enclenche les téléviseurs lors des matchs de football. C’est ainsi qu’une octogénaire afghane, qui vit avec ses petits-fils, ne peut pas retenir ses larmes. Dans un français décousu, elle s’indigne, la tête vers le ciel et les deux bras levés: « Mussa no partir, papa my childrens Allah ! »

Le Gambien est ainsi au cœur de tous les évènements qui animent le foyer de Sainte-Croix, que ce soit le montage et le démontage du chapiteau pour le carnaval ou de multiples travaux avec la commune. Il n’est pas connu des services de police, même s’il avoue être malchanceux en ce qui concerne l’obtention d’un travail.

Seul bémol, ce modèle d’intégration à confondu procédure d’asile et processus d’intégration, et semble aujourd’hui être rattrapé par son passé. L’ODM lui demande de fournir plus de preuves des souffrances subies, ce qui paraît ambigu : recherché par les autorités de Banjul il est difficile, sinon impossible, pour lui d’obtenir des preuves auprès de ses anciens bourreaux.

Si l’on savait déjà au niveau de la Suisse les conséquences possibles des décisions de l’ODM, on ignorait cependant leurs répercutions au-delà des frontières helvétiques. La mort subite de la maman de Mussa est une pilule amère et les séquelles resteront indélébiles, même si le jeune homme arrivait à obtenir le fameux permis B.

En attendant, le couteau dans le cœur, le jeune orphelin inconsolable devrait quitter l’appartement de l’EVAM qu’il occupe depuis environ deux mois pour épouser un autre statut qui s’appelle « aide d’urgence ». Il compte néanmoins se battre jusqu’à la dernière goutte de sueur et si possible de sang, même si beaucoup pensent qu’il ne servira à rien de se livrer à un combat perdu d’avance.

« Jamais je ne retournerai vivant dans mon pays, ils veulent ma peau pour une histoire de sorcellerie et maintenant pour avoir réussi à m’enfuir », proclame Mussa, en ajoutant : « Je continuerai dans la bonne voie même si l’ODM doute de ma bonne foi. J’ai confiance en Allah qui est témoin de tout, car un jour il rendra son verdict. ».

Gervais Njiongo Dongmo



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