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Les passeurs : des tours opérateurs (presque) comme les autres

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Un bateau transporte des migrantsCe dossier offre l’interview exclusive d’un homme qui se trouve à la tête d’un réseau très important de passeurs recourant à la complicité de fonctionnaires européens. Affirmant avoir « aidé » près de 3000 personnes en près de 20 ans à traverser les frontières, il évoque les tarifs et les destinations comme une simple agence de voyage. Nos rédacteurs réagissent et une anthropologue prend position face à ce phénomène de la migration illégale.

Abu Rawand (nom d’emprunt) est un passeur kurde d’origine irakienne qui réside en Turquie depuis plusieurs années. Il a accepté d’accorder à Voix d’Exils un témoignage en exclusivité et, selon ses dires, il s’agit de sa première et dernière interview, prudence oblige ! Ce père de famille d’une cinquantaine d’années est très connu dans le milieu des passeurs, car il occupe une fonction importante dans son réseau, et grâce à lui des milliers de personnes se sont exilées en Europe. Le « Cavaliere », comme l’appellent ses amis, maîtrise plusieurs langues et dispose de très bonnes connaissances en géographie et en droit, notamment des codes pénaux de plusieurs pays européens. Ce leader de passeurs a débuté ses activités dans les années 1990. Il est cultivé, très calme et prudent, ce qui lui a permis de ne jamais être arrêté pour ses activités.

Voix d’Exils : Combien coûte « un voyage » par personne ?Un bateau transporte des migrants

Abu Rawand: Le prix du voyage dépend du moyen de transport employé, du circuit et de la sécurité qu’il nécessite. Par exemple, un voyage à pieds, qui va de la Turquie jusqu’en Grèce et qui peut durer de huit à treize jours, coûte entre 3000 à 4500 dollars US. Si le même voyage se fait par camion de marchandises, le tarif grimpe de 6000 à 8000 dollars US. Un voyage en partance de Turquie à destination de l’Italie, par la mer sur un zodiaque, coûte 8000 dollars US par personne. Le voyage par voie aérienne de la Turquie vers l’un des pays de l’Union européenne coûte entre 18’000 et 25’000 dollars US par personne adulte. Le tarif est divisé par deux pour les mineurs. Nous pratiquons aussi des tarifs pour les voyages entre les pays européens pour les déboutés de pays qui souhaitent demander l’asile dans d’autres pays. Prenons les exemples suivants : de la France à destination de l’Angleterre et de la Suisse, le voyage coûte entre 2000 et 3000 dollars US. Un voyage en partance de la Suède, la Finlande, le Danemark ou la Norvège à destination de l’Allemagne, la France ou la Suisse coûte entre 3000 et 4000 dollars US.

Sur quelle base fixez-vous le prix du voyage ? Est-ce que ça dépend du trajet ou du moyen de transport utilisé ?

Nous fixons le prix du voyage selon les risques encourus, le circuit et le moyen de transport utilisé. Toutefois, le prix du voyage peut décroître en fonction des effectifs.

Les voyageurs ont-ils le choix de la destination ?

Les migrants qui sont nantis financièrement ont le choix de la destination et du moyen de transport, mais ça dépend des places libres et des sommes qu’elles sont prêtes à investir. Par contre, ceux qui n’ont pas de moyens financiers suffisants doivent se résigner à suivre nos propositions.

Comment faites-vous pour passer outre les contrôles effectués par les Etats ?

Nous avons des collaborateurs dans les corps des gardes-frontières et des polices des pays de passage. Pour les déplacements à l’intérieur de l’Europe, nous employons des citoyens européens.

Comment réglez-vous la question des papiers d’identité ?

Les traversées se font clandestinement et tous les objets ou documents susceptibles de faciliter l’identification du pays d’origine des migrants sont détruits, afin de compliquer leur expulsion en cas d’arrestation. Mais nous détruisons aussi ces données pour protéger nos passeurs.

Comment s’établissent les contacts avec les candidats au « voyage » ?

Les candidats au voyage nous contactent sur le numéro d’un portable qui change d’un voyage à l’autre, ou via des cabines téléphoniques publiques à des moments bien définis. Ces contacts s’établissent grâce à nos personnes ressources dans les pays où il y a une forte affluence de migrants, ou à travers des migrants qui ont déjà bénéficié de nos services.

Quels sont les risques que vous encourez au cas où les passagers n’arrivent pas à destination ?

L’arrestation du groupe se solde par cinq à quinze jours de privation de liberté par individu. Une fois leur peine purgée, les autorités relâchent dans la nature ceux dont ils n’arrivent pas à définir le pays d’origine et rapatrient les malchanceux. Donc, la péripétie reprend pour les premiers. Il y a aussi les victimes de maladies ou d’accidents au cours du voyage, ce qui reste cependant des événements rares.

Êtes-vous prêt à risquer votre vie pour les gains importants que génère votre activité ?

Bien sûr, il y a dans cette activité des intérêts colossaux qui font que je risque ma vie, surtout pour le père de famille que je suis. Mais je pense aussi que je suis en train d’aider les personnes qui rêvent de trouver en Occident la sécurité, la stabilité et la protection, ce qu’ils ne trouvent pas dans les dictatures. J’ai commencé ce boulot en 1989 et je suis content de faire ce travail, ce indépendamment des intérêts matériels. J’ai même permis à trente personnes de voyager gratuitement à destination de l’Europe. Bien que ces traversées soient réalisées illégalement, je partage la joie des voyageurs quand ils arrivent à destination sans encombre.

Avec combien de personnes collaborez-vous dans les pays de destination ?

Nous avons des collaborateurs dans presque tous les pays d’origine et les pays de destination occidentaux : en Irak, Turquie, Syrie, Liban, Iran, Russie, France, Italie, Suisse, Allemagne, aux Pays-Bas, en Suède, Norvège, Irlande, Angleterre et au Canada. J’estime leur nombre entre 350 et 450, mais il est variable en raison de la période prise en considération et des fluctuations du marché de la migration.

Pouvez-vous nous décrire un voyage qui a mal tourné et comment vous l’avez vécu ?

Au cours de ma carrière, j’ai aidé plus de 2800 individus, de toutes nationalités, à se rendre en Occident pour bénéficier de la sécurité. Nous avons connu parfois des accidents. Je me rappelle en particulier d’un qui s’est déroulé durant l’hiver 2003. Nous étions trois groupes qui comptaient au total 180 personnes et nous nous rendions de Turquie en Grèce. Après huit jours de marche, un des trois guides principaux, d’origine grecque, est tombé malade et a décidé de rentrer chez lui. Mais son groupe a tout de même décidé de poursuivre son chemin. Deux jours plus tard, ils se perdent et la majorité des voyageurs se retrouve dans un état de déshydratation avancé. Un soir, ils sont contraints d’allumer un grand feu dans la forêt au risque de se faire remarquer. Deux voyageurs succombent finalement à cause de la déshydratation, la fatigue et le froid. Quant aux neuf autres, ils sont à ce jour encore portés disparus. Je n’arriverai jamais à oublier cet accident qui m’a profondément marqué, c’est comme s’il s’était déroulé la veille !

Interview réalisée par Honer Ali

Interview traduite par Chaouki Daraoui et Hassan Cher

Grèce – Italie aller simple

Un bateau transporte des migrantsUne légende pour trois photos exclusives de Voix d’Exils

Ces photographies suivent le périple d’un jeune « voyageur illégal » de 25 ans originaire du Kurdistan irakien. Ce voyage, qui a été effectué en 2009, reliait la Grèce à l’Italie et lui a coûté 7’500 dollars US; mais était « sous garantie ». En cas d’échec, et pour autant qu’il survive à l’aventure, la somme lui était normalement «remboursée».

Le bateau, qui a été affrété par un réseau de passeurs, est en fait un ancien bateau de pêche, ce qu’on appelle communément « un bateau poubelle ». Il a juste été repeint et le moteur a été remplacé par celui d’une voiture juste avant le départ. Ce bateau transportait 125 adultes et environ 30 ou 40 enfants. Le poids que représente la totalité des passagers est donc important et augmente les risques du voyage. 90% des occupants sont kurdes et les 10% restants viennent d’autres pays arabes. Les hommes occupent le pont, tandis que les femmes et les enfants sont à l’ abri dans la cale.

Un bateau transporte des migrantsLe cinquième jour, une panne du moteur se produit d’une durée de huit heures. Par chance, un mécanicien est à bord et parvient à extirper une couche qu’il retrouve coincée dans le moteur. Le septième jour, les réserves d’eau potable sont épuisées et le désespoir gagne alors les voyageurs. Mais heureusement, l’attente sera brève car les côtes italiennes pointent à l’horizon.



6 Commentaires a Les passeurs : des tours opérateurs (presque) comme les autres

  1. Ayayi Kossi AJAVON dit :

    Que recouvre la réalité du mot « passeur » ?

    D’abord il ne faut pas oublier que beaucoup de migrants se passent de passeurs. On peut également être un coup passager et un autre coup passeur. Mais parmi les passeurs, certains sont des êtres abjects. Il y a des filières internationales, extrêmement organisées, souvent avec la complicité des États : policiers, militaires, fonctionnaires et hommes d’affaire ont souvent partie liée à ce trafic. Les autorités en matière de migrations en profitent pour commettre des abus sexuels, des extorsions, des intimidations, des vols, des tortures et des mauvais traitements.
    Donc, qui s’agit-il de dénoncer exactement ? Une filière internationale qui couvre plusieurs pays et favorise le passage de clandestins ? Mais dans la réalité, les relations entre les passeurs et leurs passagers sont souvent d’une extraordinaire complicité et ne peuvent pas être réduites à une relation entre bourreau et victime. Il faudrait vraiment déplacer le regard : souvent les bourreaux sont les institutions et les Etats des pays qui rendent possible cette triste situation, et en premier lieu tous les régimes autoritaires et corrompus d’Afrique, ainsi que les autres pays en crise politique et économique.

    Il y aura toujours des gens qui voudront quitter leur pays sans autorisation. Quand vous avez des problèmes, que vous venez de loin et que vous ne connaissez pas le trajet, vous demandez tout simplement de l’aide. Il y a toujours eu des gens pour aider à passer d’un lieu à un autre illégalement : la résistance pendant les guerres, les mouvements révolutionnaires comme les mouvements anticolonialistes ont utilisé des passeurs. Certains passeurs sont nobles.

    Vous ne pouvez pas demander au clandestin qui arrive à bon port et qui aura entretenu des relations d’honnêteté avec son complice de le dénoncer. Et puis le passage est un marché : ce n’est pas simplement une question d’offre, il y a une demande très importante. Quand le gars arrive à bon port sain et sauf, celui qui l’a fait passer sera non seulement recommandable, mais aussi recommandé.

    Enfin si ce phénomène de passage clandestin est vigoureusement condamné par les pays d’accueil, ne serait-ce pas simplement parce que ceux-ci se sentent menacés, en oubliant la plupart du temps qu’ils sont plus ou moins responsables de ce flux migratoire ?

    Ayayi Kossi AJAVON

  2. John Matungulu dit :

    Le métier de passeur, un mal nécessaire

    J’ai failli être lynché dans ma propre patrie à cause de mon aspect physique. Nous étions en 1998, j’avais à peine 25 ans. Alors que je revenais tranquillement du centre ville, ne me doutant de rien, je vis tout d’un coup une foule de gens se diriger vers moi en criant : « Bokanga Rwandais ! Bokanga Rwandais ! », ce qui signifie : « Arrêtez le Rwandais ! ». J’étais déjà par terre, les habits que je portais étaient presque en lambeaux. N’eut été l’intervention de la police militaire, qui patrouillait en ville et qui est intervenue pour m’arracher de force à la foule en colère, je serais peut être mort.

    J’ai été embarqué dans un minibus de la police, qui après avoir vérifié mon identité s’est rendu compte que j’étais bien un citoyen congolais alors qu’ils pensaient avoir entre leurs mains un Tutsi rwandais. La scène s’est déroulée en plein centre ville de Kinshasa, la capitale du Congo, au niveau du Boulevard du 30 juin. Puis j’ai été raccompagné par la police jusqu’à mon domicile. Et c’est pendant le trajet que j’appris que la police avait reçu la mission d’arrêter tous les Rwandais de l’ethnie tutsi.

    Le Congo était entré en guerre contre les rebelles du RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie), qui occupaient toute la partie est du territoire congolais. Ces rebelles étaient soutenus par le Rwanda et le Burundi, voisins du Congo. Ces deux pays voulaient faire payer cher au président congolais, Laurent-Désiré Kabila, qu’ils avaient porté au pouvoir, le fait de s’être retourné contre eux, les obligeant à quitter sans sommation le Congo. Pour mobiliser le peuple, le ministre de l’intérieur appela tous les Congolais à se soulever et à résister contre les agresseurs tutsis. Ce discours fut suivi par des scènes de violences dirigées contre la population rwandophone.

    La peur m’envahissait à chaque fois que je voyais les gens s’approcher de mon domicile. Je ressentais en moi un sentiment d’injustice par rapport à ce qui venait de m’arriver. Je me sentais comme rejeté par mes compatriotes. Et vu la tension dans toutes les rues de Kinshasa, les policiers m’avaient vivement conseillé de rester à la maison jusqu’à ce que la situation se calme.

    Fin 2001, le président congolais fut assassiné. Ne voulant plus revivre la même aventure, j’ai pris la décision de quitter mon pays pour des raisons de sécurité. C’est ainsi, grâce à un ami, que j’ai fait la connaissance de Marco. Il était Congolais mais résident en Afrique du Sud, principalement à Johannesburg, d’où il faisait voyager des Congolais vers l’Europe, les Etats-Unis et le Canada. Agé de 39 ans, il était marié et avait un physique imposant. Une rencontre fut prévue avec lui dans un bistrot de Kinshasa, au cours de laquelle il me communiqua le tarif pour le voyage en Europe : 3500$. Au bout de 2 semaines, je lui remettais ce montant, que j’avais réuni grâce à l’aide d’amis et de ma sœur exilée en Suisse.

    Vu l’insécurité qui régnait encore à l’époque, c’était trop risqué pour moi d’essayer de voyager à partir de l’aéroport de Kinshasa. Marco me proposa de le rejoindre à Brazzaville, capitale du Congo voisin, de l’autre côté du fleuve. De là il put organiser mon voyage pour l’Afrique du Sud vers fin janvier 2002.

    Sur place j’ai été logé dans un hôtel de luxe avec 5 autres Congolais que j’avais rejoints sur place. Chaque soir Marco venait nous rendre visite à l’hôtel, accompagné d’amis sud-africains et d’amis congolais installés à Johannesburg. Il aimait beaucoup discuter avec nous. Il faisait tout son possible pour nous mettre en confiance. Il nous parlait de l’Europe, ayant lui-même vécu en Belgique, avant de venir s’installer en Afrique du Sud avec toute sa famille, « pour faire des affaires », nous disait-il. Je me rappelle d’une phrase qu’il prononçait souvent en lingala : « Mikili ezofuta lisusu te », ce qui signifie : « L’Europe ne rapporte plus rien ».

    Ce Monsieur avait de bonnes relations au sein des services de l’immigration sud-africaine, surtout au niveau de l’aéroport de Johannesburg. Et c’est grâce à ses relations que mon voyage a été facilité lorsque je me présentai à cet aéroport pour remplir les formalités de voyage.

    Après quatre semaines passées sur place, je quittai l’Afrique du Sud pour aller à Paris avant de venir en Suisse rejoindre ma sœur. Nous étions au début du mois de mars 2002. Je suis resté en contact avec Marco pendant au moins 3 ans ; il m’appelait souvent au téléphone pour avoir de mes nouvelles. C’est donc avec beaucoup de peine que j’ai ensuite appris son décès suite à un accident de circulation.

    A chaque fois qu’il m’arrive de penser à ce qui m’est arrivé dans mon pays, je ne cesse de remercier Marco. Car c’est grâce à lui que j’ai réussi à quitter cet endroit. Il est pour moi comme un bienfaiteur. C’est pourquoi j’estime que le métier de passeur est un mal nécessaire.

    Déjà en 1996, après avoir terminé mon cycle de graduation à l’Institut supérieur de commerce de Kinshasa, je voulais poursuivre mes études à l’étranger. Ma décision était motivée par les grèves et les fermetures répétées dans les universités du pays, vu l’instabilité politique et économique sous la dictature de Mobutu.

    Avec l’aide de ma sœur, déjà étudiante à l’époque à l’Université de Genève, j’avais fait une demande d’inscription et été autorisé à venir passer le test d’admission en Suisse, à l’université de Fribourg.

    Je m’étais alors présenté à l’ambassade de Suisse au Congo pour faire une demande de visa d’entrée sur le territoire helvétique, après avoir rempli toutes les formalités d’usage. Mais deux semaines plus tard, ma demande fut rejetée au motif qu’il n’y avait pas de garantie de retour au pays une fois les études terminées. Malgré plusieurs recours intentés par mon avocat, l’ambassade maintint sa décision.

    Ma situation démontre à quel point les ressortissants de mon pays sont confrontés à de sérieuses difficultés pour obtenir un visa.

    Maintenant le passé est derrière moi. Mais j’aime toujours mon pays, et j’aimerais bien y retourner une fois que l’instabilité politique aura pris fin.

    John Matungulu

  3. Joëlle Moret dit :

    Tours opérateurs illégaux : les passeurs
    Commentaire (Joëlle Moret, Université de Neuchâtel)

    Les propos de ce passeur professionnel frappent par leur ambivalence, à la conjonction entre humanisme et profit, entre le souhait de sauver des vies et la responsabilité de les mettre en danger. Différentes études se sont récemment intéressées aux trajectoires migratoires des requérant•e•s d’asile (voir références ci-dessous), faisant apparaître cette même ambivalence parmi les « clients » à l’égard de leurs passeurs, qui constituent l’unique moyen de gagner l’Europe, toutes les autres portes d’accès étant fermées. Bien qu’indispensables, le gain économique qu’ils obtiennent du malheur d’autrui n’en est pas moins souvent considéré avec mépris. En outre, il faut garder à l’esprit que si le voyage tourne parfois mal de manière imprévue, certains passeurs arnaquent volontairement leurs clients. Nombreux sont les candidats à l’exil qui paient de larges sommes et ne partent finalement jamais, ou encore qui optent – et paient – pour une destination spécifique et se retrouvent ailleurs.
    Le terme de « passeur » englobe une multitude de réalités. Certains passeurs, comme celui qui est interviewé ici, font partie de larges réseaux organisés au plan transnational, et sont devenus des professionnels. Mais il existe aussi un nombre important de passeurs qu’on pourrait qualifier d’ « opportunistes », dans le sens qu’ils agissent plutôt à titre occasionnel, pour rendre service ou gagner un peu d’argent en parallèle à leurs activités habituelles. Des commerçantes et des commerçants profitent par exemple de leurs voyages fréquents et de leurs compétences de mobilité pour se faire accompagner d’une ou de plusieurs personnes qu’ils font passer pour des membres de leur famille. L’offre elle-même est variable : certains passeurs sont responsables d’une petite partie du voyage – le passage d’une frontière spécifique par exemple -, alors que d’autres offrent un service complet : documents de voyage (falsifiés ou empruntés), accompagnement pendant les différentes étapes du voyage, informations sur les démarches à faire à l’arrivée, etc.
    Parlant des passeurs, un homme rencontré récemment raconte: « Les Européens vont toujours plus serrer, sécuriser, mais toujours il y aura des failles, et les failles viendront du système ». De fait, les politiques de plus en plus restrictives des pays européens à l’égard des migrantes et des migrants n’élimineront ni les projets d’exil de ces derniers, ni les activités des passeurs qui permettent de les concrétiser. Elles obligent toutefois les passeurs à devenir de plus en plus inventifs afin de contourner des obstacles toujours nouveaux. Et ceci a malheureusement un coût : financier parce que les prix augmentent, mais surtout humain parce que la dangerosité de ces voyages illégaux en rend l’issue de plus en plus incertaine pour ceux et celles qui n’ont pas d’autre option.

    A lire pour en savoir plus :
    – Efionayi-Mäder, Denise et al. (2001). Asyldestination Europa : eine Geographie der Asylbewegungen. Zürich: Seismo.
    – Efionayi-Mäder, Denise, en collaboration avec Joëlle Moret et Marco Pecoraro. 2005. Trajectoires d’asile africaines. Déterminants des migrations d’Afrique occidentale vers la Suisse. Neuchâtel : SFM.
    – Moret, Joëlle, avec la collaboration de Simone Baglioni et Denise Efionayi-Mäder. 2006. Somali Refugees in Switzerland. Strategies of Exile and Policy Responses. Neuchâtel : SFM.

  4. Nashwan HASHIM dit :

    Si j’avais su…

    Si vous vous êtes perdu sur ce chemin, vous ne trouverez pas de guide. Et si vous vous y êtes tombé malade, vous ne trouverez pas de soutien. Ou même si vous vous êtes tué, personne ne s’occupera de vous.

    Sur ce chemin, vous n’êtes qu’un numéro et votre mort ne changera en rien les calculs des passeurs.

    Personnellement, si j’avais su, même pour un instant, ce qu’allait rencontrer ma famille, moi, ma femme et mon fils malade du cœur, sur ce chemin de l’exil et jusqu’à notre arrivée en Suisse, je n’aurais jamais pensé à m’avancer même d’un pas vers l’Europe, et j’aurais préféré mourir dans mon pays que de prendre ce chemin.

    Ce genre de voyage est le choix de ceux qui fuient l’injustice, l’emprisonnement et la torture de nos sociétés, connues pour leurs violations de tous les droits d’expression et de pensée. C’est pourquoi je vois malgré tout une lueur d’espoir dans ce chemin, et la possibilité d’une nouvelle vie sereine pour ceux qui ont vu leur liberté violée.

    J’ai cru que la fuite et le risque de voyager de la sorte étaient la dernière solution pour ceux qui étaient avec moi… Mais ce que j’ai vu et entendu me dit le contraire. Certains voyaient l’Europe comme le remède à tous leurs problèmes. A tel point que cette destination est devenue une obsession et un rêve commun pour tous les jeunes des pays du tiers monde.

    En Turquie, je me suis retrouvé avec 35 personnes dans l’attente du voyage. Trois seulement étaient vraiment des hommes d’opinion et de pensée, se trouvant ainsi contraints de fuir leur pays dans le regret, laissant derrière eux leurs parents, leur famille et tous leurs biens.

    Le reste des fuyards cherchait plutôt l’Europe pour le confort de vivre ou par imitation de ceux qui étaient partis avant eux. D’autres s’y rendaient pour rejoindre une fiancée dont ils ne connaissaient qu’une photo reçue par e-mail…

    Ce genre d’histoires nous laissent stupéfaits et nous poussent à réfléchir sérieusement.

    Le plus étonnant dans tout cela, c’est que les autorités turques semblent fermer les yeux face à ces opérations d’émigration qui s’opèrent depuis leur territoire avec l’encouragement, voire même la collaboration de leurs agents, pour faire fuir chaque année des milliers de personnes dont la plupart sont des Kurdes.

    A mon avis, l’implication des gardes-frontières turcs dans cette opération, qui date d’ailleurs de plus de vingt ans, montre la volonté des autorités turques, même si elles ne déclarent pas leurs intentions, de vider la province du Kurdistan d’Irak de toutes ses forces jeunes et vives et de les faire se disperser dans les pays européens.

    La peur des Turcs a peut-être augmenté à la suite de la révolution des Kurdes d’Irak, en 1991, et qui a abouti à une séparation administrative des villes et des départements kurdes de l’Irak.

    Nashwan HASHIM

    على طريق ألهجرة…

    إن ضعت في هذا الطريق فلا مرشد! وان مرضت فلا معين! أو قتلت فلن يلتفت إليك احد منهم فأنت مُجرد رقم ولن يختل توازنهم إن نقصت من حساباتهم!
    شخصيا لو كنت أعلم ولو للحظة أنني سأرى وأعاني مع زوجتي وابني المريض بالقلب ما حصل لنا في طرق التهريب إلى أن وصلنا سويسرا لما خطوت لأوروبا خطوة واحدة و لفضلت الموت يومها في بلدي .

    إن هذا النوع من السفر خيار…
    لمن هو هارب من الظلم والسجون والكبت المفروض في مجتمعاتنا التي تكاد تخلو من حرية التعبير و حتى التفكير لأن زمن التعبير قد ولى في تلك البلاد…لذلك فإنني أجد في هذا الطريق بصيص أملٍ لحياة جديدة أمنة لمن اغتصبت منه حريته ،

    كنت أظن أن الهرب والسفر بهذه الطريقة هو آخر الحلول لمن رافقوني … غير أن ما رأيته كان خلاف ذلك .فالبعض يرى ألسفر إلى أوروبا على أنه ألحل ألوحيد لكل المشاكل ولكنه غدا هاجسا جماعيا وحلما لكل شباب دول العالم الثالث ! فمن بين خمسة وثلاثين من منتظري السفر في تركيا ممن كانوا معي لم أجد سوى ثلاثة منهم فقط كانوا أصحاب فكر و رأي اجبروا على ترك بلادهم و عوائلهم وكانوا يتحسرون ألما على ما تركوه ورائهم,
    أما البقية…فكانوا ما بين راغب بالعيش في رفاهية أوروبا وبين مقلد لمن سافروا قبله. وآخر يريد ألالتحاق بخطيبته التي لم يرى منها إلا صورة عن طريق الايميل، هذه الروايات تدعوا للدهشة والاستغراب و من ثم التفكير!!!

    وأغرب ما في الأمر أن تغض السلطات التركية بصرها أمام هذه العمليات التي تقع فوق أراضيها و بمساعدة عناصر أمنها حيث يتم تهريب آلاف الأشخاص سنويا إلى أوروبا وأكثرهم من الأكراد.
    وبرأي فإن هذا التسهيل المتعمد من قبل حرس ألحدود ألتركي منذ قرابة ألعشرين عاما يؤكد نية تركيا لتفريغ إقليم كوردستان العراق من كل طاقاته الشابة والفعالة ثم تشتيتها في ألدول الأوروبية رغم أنها لا تعلن ذلك صراحة إلا أن مخاوف الأتراك ازدادت بعد انتفاضة أكراد ألعراق في١٩٩١ والتي أدت آنذاك إلى فصل المدن والمحافظات الكوردية إداريا عن باقي ألعراق .

    Nashwan Hashim
    نشوان هاشم بامرني
    ٨-٦-٢٠١٠

  5. Thierry dit :

    Bonjours à tous 😉
    J’ai lu un bon conseil dans une des réponses de l’article, déplacer le regard sur ces événements.
    Donc je vais un peu recentrer, je ne peux pas croire que les états occidentaux ne puissent pas gérer
    leurs frontières, le flux migratoire, ou d’autres marchandises….comme la drogue et les armes.
    Apparemment, satellites, drones, et agences de renseignements en tous genre ne servent qu’à faire la guerre le plus loin possible et à nourrir l’égo de quelque militaires mégalo.
    Dans les faits,la collusion entre les états et les réseaux mafieux de l’ immigration, et autre est devenu une évidence.
    Et tous ça pourquoi ?
    La situation actuel est certainement entretenue pour plusieurs raison.
    Cela leurs permet de parler d’ insécurité à leurs guise, d’ avoir sous la main une main d’œuvre pas chère et malléable vu leurs précarité.
    Et en suite de pratiquer une immigration choisie, triée en fonction des besoins du marcher économique.
    Course à la croissance oblige !
    La logique nationaliste est archaïque et pousse les peuples les uns contre les autres.
    Le moment est venu d évoluer pour l’humanité et ça ne passe que par la totalité de tous ses membres
    ou les conséquences seront dramatique.
    Que la force et le courage soit avec nous 😉

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