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Quand l’exil s’insinue dans les relations conjugales

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Le couple, la vie familiale et l'asile
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Impact de l'asile et de l'exil dans les relations conjugales

Les femmes migrantes s’émancipent au contact de la société occidentale, ce qui n’est pas toujours du goût de leur mari. Un conjoint abandonné et une épouse victorieuse témoignent.

Un mariage sur deux en Europe, et notamment en Suisse, se termine par un divorce. Mais dans les pays d’origine de la plupart des immigrés, le taux de divorce est faible : la femme, même si elle n’est pas heureuse en ménage, est obligée de rester avec son mari, de peur d’être rejetée par sa propre famille et par celle de son époux. Car le mariage valorise les femmes, c’est un honneur pour les familles que de marier leur fille. C’est ainsi que dans la plupart des pays du sud, peu importe le rang qu’elles peuvent occuper dans la société : les femmes qui n’ont pas de mari sont rarement respectées.

Mais une fois que le couple émigre, la réalité n’est plus la même. Voici le triste témoignage de M. Neto, domicilié à Payerne, originaire de la République démocratique du Congo (RDC), âgé de 38 ans, marié et père de 4 enfants, dont 2 filles. « Depuis que ma femme travaille comme secrétaire dans un cabinet dentaire, et comme j’ai perdu mon emploi depuis deux ans, elle a complètement changé dans son comportement : elle ne veut plus participer aux taches ménagères comme avant. Une fois j’ai essayé d’avoir une discussion avec elle. Elle a commencé à crier et m’a giflé. Je me suis senti humilié devant les enfants et j’ai essayé de riposter. Mais malheureusement elle a appelé la police. Elle a menti aux policiers, affirmant que j’étais un mari violent et que je l’avais menacée de mort. Depuis j’ai été obligé de partir pour aller trouver refuge chez des proches. Elle a demandé le divorce. Je n’ai même plus le droit de voir mes enfants. La police m’a interdit formellement de m’approcher d’eux pour le moment. J’aime pourtant encore ma femme. J’ai demandé de l’aide auprès des proches de notre famille et à des amis, pour essayer de la faire revenir à la raison. Mais elle a catégoriquement refusé et se tient toujours à sa décision. Je suis devenu fragile, j’ai fait des crises de dépressions et je suis devenu incapable de garder un emploi. »

Ce cas démontre le choc culturel que beaucoup hommes subissent une fois qu’ils quittent leurs pays d’origine, en plus de tous les problèmes auxquels les familles immigrées sont confrontées, comme par exemple le chômage, l’éloignement familial, les affres de l’exclusion et de la pauvreté.

La femme, elle, prend conscience du rôle qu’elle peut jouer au sein de la société occidentale, où les lois garantissent l’égalité. Elle se sent enfin libre, elle ne veut plus subir. Et souvent la femme essaie de changer les rapports de force au foyer. L’homme, surpris, subit là un choc terrible et tente de résister. A partir de là, le couple bat de l’aile. L’homme n’a plus d’autorité au sein de sa famille.

Sahra*, une dame somalienne âgée de 40 ans et résidant en Suisse depuis une dizaine d’années, vit seule avec ses quatre enfants scolarisés. Nous recevant chez elle vers 19 heures pour apporter son témoignage, elle nous recommande de poser prestement nos questions sous prétexte que son « mari » sera là dans peu de temps. Quelques minutes plus tard, c’est un livreur qui lui remet un paquet de khat, plante euphorisante mâchée en Afrique de l’Est et au Yémen. Elle l’enveloppe dans une serviette brodée qu’elle asperge d’eau et le pose sur un oreiller douillet. Puis elle installe le tout autour du coin qu’elle s’est aménagée dans le salon, avec des plateaux de thé aromatisé, des dattes et de l’encens, comme si elle respectait un rituel propre à la consommation de ce produit qui semble découler d’un rite pharaonique.

Après avoir mis une première branche sous les dents, elle nous dit : « Dans mon pays, la consommation de cette herbe est réservée aux hommes et les rares femmes qui l’utilisent sont considérées comme des dévergondées. Mais ici en Europe, n’ayant plus sur le dos le fardeau du regard de la communauté, nous pouvons chercher librement à nous émanciper. Réduite à un rôle de femme au foyer, j’ai cherché une échappatoire pour tuer la lenteur de la journée et j’ai commencé à mâcher ce produit. Ça a mis hors de lui mon mari et après moult péripéties nous sommes arrivés au divorce. Chose que je ne regrette pas aujourd’hui, parce que je vis avec un « mari » que je domine. »

Bien que les protagonistes de ces deux témoignages soient originaires du continent africain, beaucoup de choses diffèrent dans leurs modes de vie ; mais leurs problèmes conjugaux, nés dans le pays d’émigration, semblent être la répétition d’un phénomène identique.

Jean Kamunga Sheba Mulunda



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